Touadéra: De l’Otage de Wagner à l’Ami de Macron

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Touadéra: De l'Otage de Wagner à l'Ami de Macron
Touadéra: De l'Otage de Wagner à l'Ami de Macron

Africa-Press – CentrAfricaine. Pendant près de dix ans, Faustin-Archange Touadéra a fait de la rhétorique anti-occidentale son fonds de commerce politique. Il dénonçait l’ingérence française, rejetait la tutelle de Paris et se présentait comme le champion d’une Centrafrique enfin libérée de l’influence occidentale. Ce discours lui a valu le soutien de nombreux Africains, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso, qui voyaient en lui un dirigeant aligné sur la vision panafricaniste et souverainiste portée par ces pays.

Mais sur France 24, le même président a soudainement changé de partition. Il s’est félicité d’avoir renoué le dialogue avec la France, affirmant que ses échanges avec Emmanuel Macron étaient “directs et forts” et que la coopération bilatérale “se passait très bien”. Une déclaration qui a provoqué une vague d’indignation chez ceux qui l’avaient défendu. Sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, les critiques ont été virulentes. Des internautes maliens, nigériens et burkinabè l’ont accusé de trahison, le qualifiant d’occidental de façade qui dépend en réalité de Moscou pour maintenir sa dictature. Le contraste est saisissant: hier héros de la souveraineté africaine, aujourd’hui conspué comme un opportuniste sans boussole.

Ce retournement spectaculaire montre un double langage que Touadéra ne prend même plus la peine de dissimuler. D’un côté, il continue de vanter la présence russe en Centrafrique, refusant d’admettre qu’il est devenu l’otage d’une dépendance militaire qui lui dicte sa survie politique. De l’autre, il parle désormais de “feuille de route” commune avec la France, comme si la rupture entre Paris et Bangui n’avait jamais existé. Le chef d’État qui affirmait ne plus vouloir de “tutelle occidentale” joue aujourd’hui les partenaires loyaux du président français.

En réalité, Touadéra ne pilote plus rien. Sa politique étrangère consiste à naviguer entre deux puissances rivales qui se méfient mutuellement. Moscou lui assure une protection armée sans laquelle son régime s’effondrerait. Paris lui offre une reconnaissance diplomatique qui le légitime sur la scène internationale. En affichant cette double fidélité, il tente de rassurer les deux camps tout en préservant son pouvoir. Mais derrière le discours apaisé, il n’y a ni indépendance ni stratégie. Seulement une soumission à la pression de ses deux parrains.

L’entretien montre un président habile dans l’art de la langue de bois, mais prisonnier de ses propres contradictions. Il se dit “ami de Macron” tout en niant la domination russe sur le terrain centrafricain. Il évoque une “coopération équilibrée” alors que son pays a perdu toute marge de manœuvre. La diplomatie de Touadéra consiste à dire à chacun ce qu’il veut entendre: à Moscou qu’il reste fidèle, à Paris qu’il est revenu dans le giron français. Ce grand écart permanent traduit moins une vision politique qu’une simple tactique de survie.

Mais ce double jeu a un prix. En trahissant son propre discours, Touadéra a perdu la crédibilité qu’il avait péniblement construite auprès des opinions publiques africaines. Les mêmes qui le célébraient le huer désormais comme un imposteur. Et cette colère ne vient pas de nulle part. Elle traduit une déception profonde face à un dirigeant qui a vendu ses convictions pour rester au pouvoir, quitte à se contredire publiquement. Le président centrafricain n’est plus le symbole d’une Afrique émancipée. Il est devenu celui d’une gouvernance sans cap, où les principes s’effacent devant les calculs de palais.

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