L’Adjudant Degapa: Chef de Gang ou Soldat?

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L’Adjudant Degapa: Chef de Gang ou Soldat?
L’Adjudant Degapa: Chef de Gang ou Soldat?

Africa-Press – CentrAfricaine. Depuis son arrivée dans ce petit village minier de l’Ombella-Mpoko, l’adjudant Degapa transforme les barrages routier de Zawa – Gaga en business personnel où personne ne passe gratuitement.

À 245 kilomètres de Bangui, la route vers Yaloké devient un calvaire pour les voyageurs. L’adjudant Degapa, chef de poste au barrage de Gaga situé à l’entrée de cette ville, a fait de son poste une source de revenus personnels. Contrairement aux autres responsables militaires qui appliquent les règlements de l’armée nationale, lui a créé sa propre loi: tout le monde paie au barrage routier, sans exception.

Les barrages de Zawa, surtout celle après le poste de la gendarmerie en sortant de la ville pour aller à Gaga, fonctionnent désormais comme des péages privés. L’adjudant Degapa a instauré un système simple mais efficace: chaque personne qui passe doit verser de l’argent. Commerçants, motocyclistes, piétons, femmes enceintes, personnes âgées, même les bébés portés par leurs mères n’échappent pas à cette taxation.

Mais tout ne se passe pas comme il le souhaite. Quand un soldat ose laisser passer quelqu’un sans encaisser pour de raison humanitaire, Degapa devient fou furieux. Il insulte le militaire, sa famille, ses parents. Sa colère dépasse largement ce qu’on attend d’un responsable militaire. Il ressemble davantage à un patron de gang qu’à un adjudant des forces armées centrafricaines.

Chaque soir, vers 16h ou 17h, Degapa vient récupérer son sac banko. Ce sac contient toutes les recettes de la journée. Si l’argent abonde, il repart satisfait avec de sourire à la bouche. Mais si les gains le déçoivent, il reproche ses hommes: “Vous laissez les gens passer gratis? Qu’est-ce que je vais dire à mes chefs? Il faut plus d’argent que ça !”

Cette opération de racket mafieux dépasse largement l’adjudant Degapa. L’argent collecté aux barrages remonte une hiérarchie bien établie. Les soldats donnent à Degapa, qui reverse une partie à son commandant de zone, qui expédie, de son côté, parfois plus d’un million de francs CFA par mois vers le chef des opération militaire à l’état-major.

Cette chaîne financière explique pourquoi les barrages illégaux persistent. Malgré le décret présidentiel de 2023 qui ordonnait leur suppression, rien n’a changé sur le terrain. Trop de personnes profitent de ce système pour qu’il disparaisse.

Pour comprendre l’ampleur du problème, prenons l’exemple récent d’une initiative du député de la circonscription. Voyant que beaucoup de jeunes n’avaient pas de carte d’identité et subissaient des pressions militaires, il a contacté la société Almadina pour qu’elle vienne directement enregistrer les dossiers des citoyens dans la région de Zawa et Gaga. L’idée était simple: collecter les dossiers sur place, les ramener à Bangui pour confection, puis revenir les distribuer.

Quand le député est arrivé, il a demandé aux chefs des quartier d’annoncer la nouvelle à la population. Les chefs des quartiers sont partis faire leur travail habituel. Le matin, à 4h comme d’habitude, ils ont utilisé leur sifflet pour réveiller les gens et a crié à haute voix: “Venez faire vos cartes d’identité à Zawa ! Ceux de Gaga peuvent aller à Zawa faire leurs cartes !”

Cette annonce a provoqué un véritable exode. Les gens ont quitté leurs villages – certains du village Carrefour, d’autres du village Central, beaucoup d’autres localités minières pour converger vers Zawa et faire enfin leurs cartes nationales d’identité. C’est exactement à cette occasion que Degapa a intensifié ses pressions. Tout le monde qui passait devait payer, avec ou sans pièce d’identité. Peu importe votre situation: si vous aviez de l’argent, vous payiez ; si vous n’aviez pas de pièce, vous payiez quand même.

La souffrance est devenue énorme pour la population. Les gens qui vont au marché à Zawa depuis Gaga doivent payer l’aller-retour. Les commerçants qui quittent Gaga pour venir acheter des marchandises à Zawa et les ramener vendre chez eux payent à chaque passage. Les agriculteurs qui transportent leurs produits subissent la même taxation. Toutes les transactions économiques passent par la caisse de l’adjudant Degapa.

Les motocyclistes, qui constituent le principal moyen de transport de la population dans cette zone, sont particulièrement touchés. Sur cette route, beaucoup de motos circulent quotidiennement, transportant les habitants d’un village à l’autre. Il y a aussi des véhicules, mais les taxis-motos restent le transport de base pour la population locale. Chaque course devient un calvaire financier supplémentaire.

Dans ce contexte, prenons l’exemple d’un jeune qui voulait profiter de cette initiative du député pour obtenir sa carte d’identité. Ce jeune a pris un taxi-moto pour se rendre à Zawa. Au barrage de Gaga, les soldats ont d’abord fait payer le chauffeur. Puis ils ont demandé au passager sa carte d’identité. Il a expliqué qu’il n’en avait pas, justement parce qu’il allait faire sa demande grâce au programme du député. Un soldat compréhensif lui a dit: “Passe, pas de souci”.

Mais Degapa observait depuis l’autre côté de la route. Il a explosé, engueulant le soldat: “Pourquoi tu l’as laissé partir? Tout le monde doit payer, sans exception !” Sa rage était telle qu’on aurait dit qu’il allait se rouler par terre. Pour lui, aucune excuse ne tient, même pas l’absence d’un document qu’on va justement chercher.

Le paradoxe devient absurde en fin de journée. Vers 17h ou 18h, les barrages se vident complètement. Les soldats partent voir leurs copines ou s’occuper d’autres affaires, abandonnant totalement leur poste. À 200 mètres, plus personne ne surveille quoi que ce soit.

Si un vol survient, si un problème éclate, aucun militaire ne répond. Ils ont tous disparu. Ces barrages ne servent donc qu’à une chose: remplir les poches de Degapa et de son réseau. La sécurité des populations ne les intéresse pas.

Cette organisation révèle une vérité dérangeante sur certains secteurs de l’armée centrafricaine. Degapa et ses complices ont transformé leur mission de protection en business personnel. Ils ignorent totalement les directives présidentielles et les besoins réels de la population.

Les habitants de Zawa et Gaga subissent quotidiennement cette taxation illégales. Chaque déplacement devient une épreuve financière imposée par ceux qui devraient assurer leur sécurité. Cette situation révèle un dysfonctionnement profond qui mérite l’attention des plus hautes autorités du pays.

L’adjudant Degapa dirige-t-il un poste militaire ou une entreprise de racket? Sa méthode et ses résultats penchent clairement pour la seconde option….

Source: Corbeau News Centrafrique

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