Les bactéries peuvent transmettre leur « mémoire » à leur descendance

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Les bactéries peuvent transmettre leur
Les bactéries peuvent transmettre leur "mémoire" à leur descendance

Africa-Press – CentrAfricaine. Vivre, c’est se souvenir, et se souvenir, c’est vivre… même quand on est une bactérie ? Le cerveau des vertébrés et autres animaux hautement développés enregistre sans cesse nos expériences sous forme de souvenirs et en garde ceux qui pourraient nous servir dans le futur. Ainsi, les connaissances acquises grâce à notre vécu influenceront notre comportement par la suite.

Mais ces souvenirs ne sont pas uniquement réservés aux animaux avec un cerveau, il n’y a même pas besoin de neurones pour se souvenir ! C’est notamment le cas des bactéries, des êtres très simples, mais qui parviennent pour autant à apprendre du passé pour se donner plus de chances dans le futur.

Des chercheurs de l’Université du Texas à Austin (États-Unis) viennent de montrer qu’elles gardent cette « mémoire » sous forme de fer, dont la quantité dans la cellule dictera comment elle va agir. Cette découverte, publiée le 21 novembre 2023 dans le journal PNAS, montre même que cette mémoire est transmise de génération en génération, la bactérie mère aide ainsi ses filles à mieux s’adapter à leur environnement.

Une mémoire qui dicte leur comportement…

Cette « mémoire » bactérienne a été mise en évidence chez des Escherichia coli, après avoir observé que ces bactéries agissaient différemment en fonction de leur expérience. Leur comportement lorsqu’elles sont mises dans un nouvel environnement change en fonction des propriétés de ce nouveau milieu.

Dans un milieu aqueux, elles vont se laisser porter passivement (comme du plancton dans l’eau) et dans un autre plus solide elles vont tenter de le coloniser activement en se mouvant dans plusieurs directions, comme des essaims d’abeilles pour se répandre dans ce nouvel environnement.

Normalement, ces bactéries vont changer de comportement quand elles sont transférées d’un de ces milieux à un autre ; cette transition prend un peu de temps pendant que les bactéries s’adaptent au nouvel environnement. Mais ce temps d’adaptation est beaucoup plus court quand des bactéries dans un milieu qui favorise leur expansion sont transférées dans un autre avec les mêmes propriétés, ce qui indique qu’elles sont déjà adaptées à ce milieu, donc qu’elles se « rappellent » du milieu précédent.

« Les bactéries n’ont pas de cerveau, mais elles peuvent collecter des informations de leur environnement, et si elles rencontrent un même environnement fréquemment elles peuvent garder cette information et y accéder rapidement plus tard si cela peut être bénéfique », résume dans un communiqué Souvik Bhattacharyya, auteur de l’étude.

… pendant au moins quatre générations

Plus intéressant encore, cette « mémoire » pouvait être transmise de mère en fille, et cela pendant plusieurs générations !

Les chercheurs ont étudié des bactéries cultivées dans différents milieux, qui favorisaient des comportements passifs ou actifs. Elles étaient ensuite transférées dans d’autres milieux et leur comportement était analysé durant quatre générations. Puis, ces bactéries de la quatrième génération étaient passées dans un milieu favorisant les essaims actifs.

A ce moment, le temps qu’elles mettaient à s’adapter à cet environnement, c’est-à-dire le temps que cela leur prenaient de commencer à se répandre dans le milieu, dépendait du milieu dans lequel avait été cultivée leur arrière-grande mère ! En revanche, cette « mémoire » qui était encore active après quatre générations était perdue après sept générations.

Des souvenirs en fer

Afin d’identifier par quel moyen les bactéries se rappelaient des conditions dans lesquelles leurs aïeules vivaient, les chercheurs ont changé un à un tous les facteurs pouvant influencer le milieu (température, pH, etc.), sans succès.

Puis ils ont analysé les facteurs génétiques qui pourraient avoir un impact sur le comportement des bactéries, en rajoutant aux bactéries des gènes connus pour jouer un rôle dans cette action de colonisation active. Parmi ceux-ci, les gènes liés à l’absorption de fer par la cellule avaient la plus grande influence sur leur comportement. Ce résultat rejoint des observations précédentes : elles montraient que le manque de fer pousse ces bactéries à se répandre davantage dans le milieu, à la recherche de ce précieux métal.

Pour confirmer l’importance du fer dans cette mémoire, les chercheurs ont traité les bactéries avec de la déféroxamine, un médicament contre les surcharges en fer qui diminue sa teneur afin d’épuiser leur réserve en ce métal.

Les bactéries traitées ainsi avaient une « mémoire héréditaire » encore plus forte, car le comportement de colonisation actif persistait pendant sept générations (contre quatre sans ce traitement). L’excès de fer augmentait aussi leur mémoire : la surexpression d’une protéine que la bactérie utilise pour absorber le fer chez seulement la première génération poussait les générations suivantes à se laisser porter par le milieu au lieu de tenter de le coloniser.

La quantité intracellulaire de fer est donc le moyen par lequel les bactéries se souviennent de comment agir dans un nouveau milieu, indépendamment de la quantité réelle de fer dans ce milieu. Et cela influencerait non seulement leur choix entre se déplacer ou se laisser porter, mais aussi d’autres comportements vitaux.

Les chercheurs pensent que la teneur en fer de la cellule pourrait aussi avoir un impact sur leur adaptation aux stress environnementaux. En effet, les bactéries sont plus exposées au stress, par exemple des antibiotiques, lorsqu’elles se déplacent en essaim, car leur surface totale est plus grande. Mais en même temps, c’est en ce moment qu’elles activent davantage leurs défenses contre ces attaques. Mieux comprendre cette « mémoire » en fer des bactéries pourrait donc aussi éclairer certains types d’antibiorésistance, une menace grandissante qui tue de plus en plus de personnes dans le monde.

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