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La République centrafricaine vit depuis des années une tragédie administrative qui passe sous silence. Huit enfants sur dix naissent aujourd’hui sans existence légale dans la Nana-Mambéré, et aussi ailleurs, victimes d’un système d’état civil en déliquescence totale. Cette réalité statistique cache un échec gouvernemental majeur qui hypothèque l’avenir de millions de jeunes Centrafricains.
Les dernières données disponibles dressent un portrait sans appel : plus de 80 % des nouveau-nés centrafricains dans la Nana-Mambéré échappent à tout enregistrement officiel. Cette proportion place la République centrafricaine parmi les pays les plus défaillants au monde en matière d’état civil. Alors que des pays voisins comme le Cameroun ou le Tchad affichent des taux d’enregistrement dépassant 60 %, la RCA stagne dans un sous-développement administratif chronique.
Cette situation ne date pas d’hier. Depuis une décennie, les autorités centrafricaines assistent passivement à la dégradation continue du système d’enregistrement des naissances. Les conflits armés répétés ont achevé de désorganiser des structures déjà fragiles, laissant des générations entières dans l’invisibilité administrative.
Les bureaux d’état civil centrafricains fonctionnent dans des conditions déplorables. Dans la capitale Bangui, seuls trois centres sur dix disposent des registres nécessaires à l’enregistrement des naissances. En province, comme dans la Nana-Mambéré, la situation devient catastrophique : certaines préfectures ne comptent qu’un seul bureau fonctionnel pour des centaines de milliers d’habitants.
Le personnel chargé de ces services manque cruellement de formation. Beaucoup d’agents ignorent les procédures élémentaires d’enregistrement. D’autres, non payés depuis des mois, ont abandonné leur poste. Cette désorganisation administrative s’accompagne d’une absence totale de modernisation : les registres papier, quand ils existent, se détériorent rapidement sous le climat tropical.
Les familles centrafricaines font face à des obstacles insurmontables. L’enregistrement d’une naissance coûte entre 2 000 et 5 000 francs CFA, soit plusieurs jours de salaire pour une famille rurale. Les distances à parcourir découragent de nombreux parents : dans certaines villes, comme à Ouadda-Maïkaga, ou encore à Mboki ou ailleurs, il faut marcher plus de 50 kilomètres pour atteindre le bureau d’état civil le plus proche.
Cette invisibilité administrative condamne des millions d’enfants centrafricains à un avenir compromis. Sans acte de naissance, l’accès à l’école publique devient impossible. Les examens officiels, du certificat d’études primaires au baccalauréat, restent fermés à ces enfants fantômes. Une génération entière risque de grandir sans éducation formelle.
Le système de santé publique exclut également ces enfants non enregistrés. Les campagnes de vaccination, les programmes nutritionnels, les soins pédiatriques gratuits leur demeurent inaccessibles. Cette double exclusion – éducative et sanitaire – perpétue les inégalités sociales et maintient les familles les plus vulnérables dans la pauvreté.
À l’âge adulte, ces citoyens invisibles ne pourront ni voter, ni obtenir un passeport, ni prouver leur nationalité centrafricaine. Ils resteront des étrangers dans leur propre pays, exclus des opportunités économiques et des droits civiques les plus élémentaires. Nombreux se tournent vers la fausseté pour établir un nouvel acte de naissance. Heureusement, ça existe!
Face à cette urgence humanitaire, les autorités centrafricaines restent remarquablement silencieuses. Aucun ministre n’a fait de l’état civil une priorité nationale. Les budgets alloués à ce secteur représentent moins de 0,5 % des dépenses publiques, soit une somme dérisoire face aux besoins réels.
Le gouvernement centrafricain préfère concentrer ses efforts sur des projets plus visibles politiquement, comme le paiement du groupe russe Wagner pour protéger le régime criminel de Bangui. L’état civil, invisible et peu gratifiant électoralement, reste le parent pauvre des politiques publiques.
Cette négligence révèle une incompréhension profonde des enjeux de développement. Un pays qui ne connaît pas ses citoyens ne peut ni planifier son avenir ni distribuer équitablement les services publics. L’état civil constitue le fondement de toute politique sociale cohérente….
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