Le Système Immunitaire à Tous les Âges

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Le Système Immunitaire à Tous les Âges
Le Système Immunitaire à Tous les Âges

Africa-Press – Comores. Les premières années

Si le nouveau-né a un système immunitaire encore immature, son développement a démarré tôt durant la grossesse. « Le thymus, l’organe producteur de nos lymphocytes T, des globules blancs chargés de repérer et de détruire les cellules infectées de notre corps, se développe à partir de neuf semaines de grossesse. Quant aux lymphocytes B, à l’origine de nos anticorps, ils commencent à être produits dans la moelle osseuse autour de neuf semaines. Même si les lymphocytes T et B sont produits pendant la grossesse, ils ne mûrissent complètement qu’après la naissance, lors d’une exposition à des antigènes étrangers « , détaille Martin Larsen, directeur de recherche au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses, à Paris.

L’hématopoïèse, le processus par lequel sont produites les cellules sanguines et toutes les cellules de notre système immunitaire, se met en place également très tôt. Par ailleurs, la mère transfère in utero des anticorps, les immunoglobulines G (IgG), par le placenta. Nous naissons ainsi avec un taux d’anticorps IgG – le plus répandu dans le sang – quasiment égal à celui d’un adulte (10 mg/ml). Mais comme le nourrisson n’est pas encore capable de produire lui-même des IgG, leur taux chute et il faudra attendre cinq à six mois avant que l’organisme du nouveau-né prenne le relais, et deux ans pour retrouver la normalité.

« L’enfant qui naît n’est plus protégé par le placenta. Ses premières expositions à l’environnement extérieur ont un impact très fort sur son développement. Un phénomène que l’on appelle imprinting néonatal « , décrit Gérard Eberl, immunologue à l’Institut Pasteur, à Paris. Grâce à l’allaitement, la mère est capable de continuer à transférer des anticorps à l’enfant et, donc, de le protéger contre les infections virales.

Que se passe-t-il chez les bébés nourris au biberon ? « Notre équipe a pu démontrer que si le nourrisson n’est pas allaité, des anticorps IgA [une autre famille d’immunoglobulines particulièrement importante pour protéger les muqueuses] apparaissent rapidement, avant un mois de vie « , explique Martin Larsen. Mais le système immunitaire n’est pas mature. « On sait par exemple que le risque d’allergie est plus élevé chez les enfants non allaités « , poursuit le chercheur.

La suite se passe dans le tube digestif. Chez le nouveau-né, le microbiote intestinal, qui joue un rôle crucial dans le développement et le fonctionnement du système immunitaire, est d’abord formaté par les composantes du lait, maternel ou non. La diversification alimentaire, qui commence vers les quatre à six mois de vie de l’enfant, va contribuer au développement du microbiote. Environ 80 % des cellules immunitaires de l’organisme se trouveront in fine dans le système gastro-intestinal. Une fois l’alimentation diversifiée, c’est le chemin de vie et les différentes rencontres avec des antigènes, des pathogènes, des bactéries, des virus, des parasites, des champignons… mais aussi, bien sûr, le parcours vaccinal qui vont éduquer le système immunitaire de l’être humain.

Faut-il protéger l’enfant à tout prix des maladies ? Selon la théorie de l’hygiène, exposée en 1989 par l’épidémiologiste britannique David Strachan, la surprotection des nourrissons est contreproductive. Il suggère qu’un mode de vie trop aseptisé durant la petite enfance empêche le système immunitaire de se développer correctement et augmente le risque d’allergie. « Il y a un danger à s’exposer au monde, mais ce n’est que par cette exposition qu’un nourrisson va grandir et se rendre plus robuste « , soutient Gérard Eberl. Il nuance pourtant: « Si on a une infection grave, il y aura des séquelles, pas seulement dans le système immunitaire, mais aussi dans les organes. Elles peuvent prédisposer à une maladie. Entre l’apprentissage, se rendre plus résilient et les séquelles, la frontière est ténue. »

L’âge adulte

Chaque humain a un début de vie distinct: lait maternel ou biberon, coliques, infections, etc. « Ainsi nous grandissons différents aussi du point de vue immunitaire. Certains seront par conséquent mieux armés contre tel virus, alors que d’autres le seront davantage contre une maladie chronique. Cette diversité immunitaire est un atout, elle assure la résistance des uns lors des pandémies, ou des autres face aux maladies chroniques « , appuie Gérard Eberl.

La souplesse du système immunitaire humain reste l’une de ses forces. À l’âge adulte, notre corps fonctionne à plein régime. C’est aux alentours des 30-35 ans que le système commence un peu à s’essouffler. Delphine Sauce, codirectrice de l’équipe microbiote et trajectoires immunitaires au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Inserm, CNRS, Sorbonne Université), détaille: « Le thymus tourne à plein régime jusqu’à la puberté. Avec la baisse de production d’hormones de croissance, la composition du thymus se modifie, l’usine à lymphocytes T tourne moins. Notre capacité à fournir des cellules pour l’immunité adaptative diminue au fil du temps et nous nous reposons sur nos acquis. »

Ce sont – déjà ! – les prémices de l’immunosénescence. La bonne nouvelle, c’est que l’on a alors constitué notre mémoire immunitaire. L’immunité innée réagit quand elle croise un pathogène déjà rencontré. C’est ensuite l’immunité adaptative, qui est censée prendre le relais pour une réponse ciblée. En vieillissant, c’est cette dernière qui peut commencer à faire défaut.

Les personnes âgées

Avec l’âge, le système immunitaire montre des signes d’essoufflement. Notre moelle osseuse, garante de notre hématopoïèse, devient plus graisseuse, moins efficace. Les vieilles cellules fonctionnent moins bien et dans certains organes comme le foie et les reins, les cellules meurent et ne sont pas remplacées. Chez les personnes âgées, les infections peuvent donc être plus graves.

Surtout, c’est l’ensemble du corps qui vieillit, avec une perte de masse musculaire (sarcopénie), l’apparition de l’ostéoporose, de maladies chroniques, accompagnées parfois d’une prise de poids excessive… « Ces comorbidités venant avec l’âge provoquent une inflammation continue et à bas bruit dans tout notre corps, explique Delphine Sauce. C’est ce qu’on appelle l’inflamm’aging [un terme inventé au début des années 2000 par Claudio Franceschi, professeur d’immunologie à l’université de Bologne, en Italie]. »

Un phénomène que le Time magazine appelait déjà il y a vingt ans « The secret killer » (le tueur secret). Le système immunitaire est stimulé en continu. C’est notamment le cas avec la persistance de certains virus tels que les herpès ou le cytomégalovirus (CMV), dont l’infection est pourtant le plus souvent bénigne. Une étude longitudinale suédoise montrait en 2000 que le simple fait d’être infecté par le CMV réduisait l’espérance de vie de deux ans. Or, plus de 50 % des adultes le sont et plus de 80 % des personnes âgées. « Le système immunitaire se concentre en grande partie sur cette infection, s’épuise et a plus de difficultés à lutter contre d’autres « , détaille Delphine Sauce.

Le point commun des zones où l’on trouve le plus de centenaires dans le monde ? « Au-delà de la part génétique indéniable, il y a l’activité physique adaptée. Ils cuisinent, se déplacent, sont intégrés à leur environnement. Alors, inutile de se rendre au Costa Rica, en Sardaigne ou au Japon. Il faut commencer par ne pas rester sédentaire chez nous « , conseille Delphine Sauce.

Alerte aux nouveaux pathogènes

Qui dit voyage, dit rencontres avec des virus inconnus de notre organisme. Une formalité pour des systèmes immunitaires jeunes et vigoureux. Mais « en vieillissant, nous produisons moins de cellules, et de moins bonne qualité », alerte Delphine Sauce, directrice de recherche à l’Inserm.

À partir de 70 ans, le système immunitaire est moins efficace pour fabriquer de nouvelles réponses à de nouveaux pathogènes comme le virus Zika ou le chikungunya, par exemple. Pour preuve, la grippe tue tous les ans, même si on l’a déjà contractée et que notre système immunitaire pourrait sembler adapté, car il s’agit à chaque fois de nouvelles souches virales.

Par Estelle Dautry

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