Younes
Africa-Press – Comores. Le conseiller juridique du journaliste Ahmed Zaidou, Dr Ibraza Oumar s’oppose fermement à la BPC. En cause, un prélèvement injustifié de plus de 95.000 francs comoriens sur le compte de son client, suite au rejet d’un chèque pourtant provisionné. Dans cet entretien, il revient sur les fondements juridiques de sa contestation, les raisons du renvoi au fond, et l’impact médiatique de cette affaire qu’il qualifie de révélatrice d’un problème systémique dans le secteur bancaire comorien.
Question: En quoi vous opposez-vous à la BPC?
I.O: Je m’oppose à la BPC en tant que conseiller juridique de M. Ahmed Zaidou, qui a vu son compte débité de 95.634 francs comoriens sans motif valable ni notification écrite. Cette somme lui a été retenue suite au rejet d’un chèque pourtant provisionné, selon les confirmations de la banque émettrice. Le fondement de notre action est clair: la BPC a violé son obligation d’information, prévue par l’article 34 de la loi bancaire comorienne, et a appliqué une pénalité sans cadre contractuel opposable. En droit OHADA comme en droit français, le bénéficiaire d’un chèque n’est jamais responsable de l’absence de provision ou du refus sur ordre de la banque tireur. À cet égard, l’article 181 et suivant de l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général stipulent que le chèque est un instrument de paiement. En cas de rejet pour défaut de provision, la responsabilité incombe exclusivement à l’émetteur, c’est-à-dire la personne qui a signé le chèque, et non au bénéficiaire. Je précise qu’un usage bancaire ne peut jamais primer sur la loi ou un traité, ni excuser une violation du devoir d’information. Cette position est d’ailleurs constamment confirmée par les jurisprudences OHADA et françaises, qui rappellent que le bénéficiaire n’est ni tenu responsable du rejet, ni des pénalités.
Question: Pourquoi l’affaire a-t-elle été renvoyée au fond?
I.O: Nous avons initialement saisi le juge des référés pour faire cesser une situation que nous estimions manifestement illégale. La banque ne s’est pas présentée à l’audience, ce que nous avons signalé. Malgré cela, le juge s’est déclaré incompétent, sans statuer sur l’urgence ni sur la gravité du préjudice subi. Il aurait dû au moins nous indiquer qu’il n’y avait pas lieu de référé et renvoyer le dossier au fond, estimant qu’il n’y avait pas urgence. Nous regrettons profondément que le juge des référés ait manqué à sa mission de protection rapide du justiciable, prévue par l’article 11 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général. Face à ce refus d’examiner l’affaire en référé, nous avons engagé une procédure au fond, afin que le litige soit pleinement examiné sur la base du droit bancaire, des obligations contractuelles et de la jurisprudence OHADA.
Question: Pourquoi cette affaire est-elle aussi médiatique que juridique?
I.O: Cette affaire n’est pas un cas isolé. Elle soulève des interrogations profondes sur la manière dont certaines institutions traitent leurs clients. Médiatiser, ce n’est pas nuire — c’est défendre la vérité, alerter sur des dérives, et créer un précédent pédagogique. En tant que docteur en droit de l’économie et de la finance, je considère qu’un juriste ne doit pas se taire face aux abus. Cette affaire rejoint mes recherches scientifiques en cours sur la responsabilité des établissements financiers dans l’espace OHADA. Elle illustre concrètement un problème systémique: l’opacité tarifaire, l’absence de recevabilité, et la fragilité du consommateur face aux institutions. La BCC, en tant qu’autorité monétaire, se doit de veiller à ce que les institutions bancaires respectent la loi, l’éthique et les droits des usagers.
À ce titre, j’ai déjà dénoncé, dans un article, l’absence de taux d’usure aux Comores, permettant à certaines banques d’imposer des taux exorbitants allant jusqu’à 24 %, ce qui constitue une atteinte manifeste aux droits des emprunteurs et à l’équilibre contractuel. Par cette action, nous affirmons qu’il est possible de défendre le droit par les voies légales, sans renoncer à la dignité ni à la vérité.
Source: lagazettedescomores
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