Le mystère persistant du taux d’expansion de l’Univers

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Le mystère persistant du taux d’expansion de l’Univers
Le mystère persistant du taux d’expansion de l’Univers

Africa-Press – Comores. Cela signifie que les galaxies s’éloignent inexorablement les unes des autres. En physique, on peut mesurer ce taux d’expansion en utilisant ce qu’on appelle la constante de Hubble H0, nommée en hommage à l’astronome américain Edwin Hubble. Conventionnellement, cette constante vaut environ 70 km/s/Mpc (lire l’encadré ci-dessous).

Ainsi, la valeur de la constante de Hubble signifie que les galaxies situées à une distance de 1 Mpc de la Terre s’éloignent à une vitesse de 70 km/s. Celles situées à une distance de 2 Mpc de la Terre s’éloignent à une vitesse de 140 km/s, etc. Plus les galaxies sont lointaines, plus elles s’éloignent rapidement. Patrick L. Kelly, professeur adjoint à l’École de physique et d’astronomie de l’Institut d’astrophysique du Minnesota (Etats-Unis), et son équipe ont publié dans les revues Science et The Astrophysical Journal, le 11 mai 2023, une méthode novatrice pour parvenir à cette découverte, se démarquant ainsi des approches traditionnellement utilisées par les astrophysiciens.

Taux d’expansion de l’Univers : la communauté scientifique divisée sur les méthodes

Pour comprendre la portée de ces nouveaux travaux, revenons quelques années en arrière. Jusqu’à la fin des années 2010, deux méthodes ont été employées pour estimer le taux d’expansion de l’Univers.

L’Univers est en expansion. Cela signifie que les galaxies s’éloignent inexorablement les unes des autres. En physique, on peut mesurer ce taux d’expansion en utilisant ce qu’on appelle la constante de Hubble H0, nommée en hommage à l’astronome américain Edwin Hubble. Conventionnellement, cette constante vaut environ 70 km/s/Mpc (lire l’encadré ci-dessous).

Ainsi, la valeur de la constante de Hubble signifie que les galaxies situées à une distance de 1 Mpc de la Terre s’éloignent à une vitesse de 70 km/s. Celles situées à une distance de 2 Mpc de la Terre s’éloignent à une vitesse de 140 km/s, etc. Plus les galaxies sont lointaines, plus elles s’éloignent rapidement. Patrick L. Kelly, professeur adjoint à l’École de physique et d’astronomie de l’Institut d’astrophysique du Minnesota (Etats-Unis), et son équipe ont publié dans les revues Science et The Astrophysical Journal, le 11 mai 2023, une méthode novatrice pour parvenir à cette découverte, se démarquant ainsi des approches traditionnellement utilisées par les astrophysiciens.

Afin d’évaluer les distances dans l’Univers, on utilise l’année-lumière. En pratique, les astronomes ont recours au parsec (pc) qui est la contraction de “parallaxe-seconde”. Un parsec équivaut à 3.262 années-lumière. Un mégaparsec (Mpc) équivaut donc à 1 million de parsecs, ce qui fait 3,262 millions d’années-lumière.

Taux d’expansion de l’Univers : la communauté scientifique divisée sur les méthodes

Pour comprendre la portée de ces nouveaux travaux, revenons quelques années en arrière. Jusqu’à la fin des années 2010, deux méthodes ont été employées pour estimer le taux d’expansion de l’Univers.

La première méthode utilise ce que les astronomes appellent “les chandelles standards”. D’abord, on calcule la vitesse d’éloignement d’une galaxie en utilisant le redshift (décalage vers le rouge) de son spectre (son émission en fonction de sa longueur d’onde). Puis, on mesure sa distance avec la Terre grâce à l’étude de supernovæ de type IA. Le choix de ce type de supernova vient du fait qu’elles sont les plus lumineuses et communes des supernovæ. Les chercheurs ont besoin de ces objets très lumineux (pouvant être observés très loin) et extrêmement uniformes. Le mécanisme d’explosion de ces étoiles implique que leurs luminosités sont relativement universelles, ce qui permet de les utiliser pour mesurer la distance de leur galaxie hôte à partir de leur magnitude apparente. C’est cette propriété qui leur donne le statut de “chandelles standards”. C’est la méthode utilisée en 2019 par l’équipe d’Adam Riess, astrophysicien et cosmologiste américain actuellement en poste au Space Telescope Science Institute aux Etats-Unis, en obtenant une valeur de H0 d’environ 74 km/s/Mpc.

Image de galaxies et de supernovæ de type IA du Sloan Digital Sky Survey (SDSS). Crédits : NASA/SDSS.

La deuxième méthode utilise le fond diffus cosmologique, rayonnement thermique résiduel provenant du Big Bang. On l’appelle communément “CMB”, contraction de “cosmic microwave background”. Les chercheurs s’appuient sur des programmes d’observation des propriétés statistiques de ce signal destinés à estimer les paramètres du modèle ΛCDM, un modèle du Big Bang permettant d’expliquer l’expansion de l’Univers. Ils infèrent des densités d’énergie des différents constituants de l’Univers (matière noire, matière baryonique, énergie noire) puis utilisent la théorie de la relativité d’Albert Einstein pour déduire quel devrait être son taux d’expansion. Les données provenant de satellites tels que Planck ont permis d’obtenir des estimations précises de la constante avec une valeur de H0 de 67.3 km/s/mpc.

Le rayonnement le plus ancien de l’Univers, le fond diffus cosmologique. Crédits : NASA/ESA and the Planck Collaboration – D. Ducros.

La conclusion est alors des plus surprenantes : on devrait s’attendre à ce qu’une constante ait la même valeur en utilisant différentes méthodes, mais on constate le contraire ! Certains scientifiques remettent en question les hypothèses et les méthodes utilisées, tandis que d’autres cherchent à affiner les mesures pour parvenir à un consensus. Dans ce cadre, Patrick L. Kelly et son équipe font partie des astrophysiciens qui, depuis 2010, innovent pour mesurer, avec des méthodes indépendantes, cette constante de Hubble.

Le retard gravitationnel de la lumière : une troisième méthode pour clore le débat ?

Une troisième méthode, nommée “retard gravitationnel de la lumière”, utilise un effet de la relativité générale qui explique que le temps d’arriver d’un signal se propageant dans l’espace est affecté par le champ gravitationnel dans lequel la lumière se propage. L’effet de lentille gravitationnelle permet aux astronomes d’étudier et d’analyser plus en détail ces signaux distants en amplifiant leur intensité. Celui-ci est proportionnel à H0, ce qui nous permet de le mesurer.

En 2019, Kenneth C. Wong, chercheur postdoctoral de projet pour l’Observatoire astronomique national du Japon (NAOJ), et son équipe ont utilisé des mesures de “time delay” pour mesurer H0. Ils se sont appuyés sur des quasars lentillés, phénomènes astrophysiques où la lumière de ces derniers est déformée par la gravité d’un objet massif situé entre le quasar et l’observateur. Ces objets massifs peuvent être des galaxies, des amas de galaxies ou d’autres structures cosmiques. Grâce à cela, les chercheurs ont obtenu une valeur de H0 à 73,3 km/s/Mpc en accord avec l’équipe de Riess et en désaccord avec Planck. En première apparence, cette étude confirmait indépendamment les résultats d’Adam Riess et permettait donc de renforcer une légitimité plus importante à cette méthode. Cependant, le débat reste entier puisque selon d’autres chercheurs, les incertitudes de la mesure de H0 de Kenneth C. Wong et son équipe ont été largement sous-estimées.

Graphique illustrant comment un quasar lointain (région extrêmement brillante au centre de certaines galaxies) est altéré par une galaxie de premier plan massive. C’est ce qu’on appelle “l’effet de lentille gravitationnelle”. Crédits : NASA/ESA/D. Player (STScI).

Une méthode prometteuse

En 2014, Patrick L. Kelly et son équipe ont découvert la supernova Refsdal, dans une galaxie spirale située dans la constellation du Lion. Sa particularité réside dans le fait que sa lumière subit un effet de lentille gravitationnelle extrêmement puissant provoqué par la présence d’un amas de galaxies à proximité. Un phénomène très rare ! Comme dit précédemment, la lentille gravitationnelle a pour effet de faire dévier les rayons lumineux qui passent près d’elle, déformant ainsi les images que reçoit un observateur placé sur la ligne de visée.

Représentation d’une supernova tirée d’une animation. Lors de son explosion, celle-ci atteint une magnitude absolue d’environ -19.5, devenant aussi brillante que le cœur d’une galaxie ! Crédits : NASA/JPL-Caltech.

En plus de la déviation des rayons lumineux causé par l’effet de lentille gravitationnelle, les différentes images de la supernova Refsdal apparaissent à différents temps, dû à l’effet de retard gravitationnel de la lumière. Quatre images ont ainsi été observées en 2014 et une autre, largement retardée, en 2015, c’est en mesurant précisément ce retard que les chercheurs ont pu obtenir une mesure de H0. Ils reprennent ainsi cette technique sur une supernova lentillée et non des quasars lentillés comme l’avait fait Kenneth C. Wong.

Finalement, ils ont obtenu deux valeurs de H0 en fonction des suppositions faites dans l’analyse. L’une à 64.8 km/s/Mpc et l’autre à 66.6 km/s/Mpc.

Des résultats qui ne mettent pas fin au mystère

D’après Thibaut Louis, chercheur du CNRS, travaillant au laboratoire de physique des 2 infinis Irène Joliot Curie (CNRS-Université Paris-Saclay), les résultats de Patrick L. Kelly et son équipe sont intéressants, mais ne permettent pas d’affirmer ou d’infirmer de manière indépendante l’une des méthodes avec les deux valeurs de H0 obtenus : “les incertitudes sont trop grandes pour trancher, les résultats sont à la fois compatibles avec la mesure du CMB et celle de Riess”. Au demeurant, la méthode reste intéressante et “pourrait être déterminante dans le futur, les mesures de “time delay” offrant une alternative aux mesures type chandelle standard”, conclut le chercheur.

La valeur de H0 est une énigme cruciale dans le domaine de la cosmologie, car elle façonne notre perception de l’évolution de l’Univers. Si la valeur mesurée par l’équipe d’Adam Riess se révélait authentique, nos conceptions de l’Univers seraient bouleversées, exigeant une refonte complète de nos modèles existants.

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