Africa-Press – Comores. La pandémie de peste bubonique, aussi appelée “peste noire” et survenue entre 1347 et 1351, fut l’une des plus dévastatrices de l’histoire de l’humanité, transformant profondément les sociétés de l’époque. Elle n’avait en revanche pas attendu le Moyen-Âge pour faire des victimes, comme l’ont prouvé les traces de la bactérie Yersinia pestis sur des squelettes découverts dans l’actuelle Russie et datant d’il y a 5000 ans.
Toutefois, grâce à une analyse récente, une équipe de chercheurs a pu confirmer le tout premier cas de peste connu en dehors de l’Eurasie: une momie égyptienne ancienne, vieille de 3290 ans. La présence de Yersinia pestis sur la dépouille suggère ainsi que la maladie s’était propagée en Afrique bien avant les grandes pandémies médiévales. Les résultats avaient été présentés en août 2024 lors de l’European Meeting of the Paleopathology Association.
L’équipe est parvenue à cette conclusion après avoir examiné cette momie conservée au Musée des Antiquités égyptiennes de Turin, en Italie, qui date de la Deuxième période intermédiaire ou du début du Nouvel Empire. Selon les chercheurs, l’ADN extrait du contenu intestinal et du tissu osseux contenait des traces de Y. pestis, ce qui implique que la victime avait atteint un stade avancé de la peste avant de mourir. “Il s’agit du premier génome préhistorique de Y. pestis rapporté en dehors de l’Eurasie, fournissant des preuves moléculaires de la présence de la peste dans l’Égypte ancienne”, peut-on lire dans un résumé des travaux.
La peste en Égypte, soupçonnée mais jamais confirmée
La présence de la peste bubonique dans l’Égypte ancienne est supposée depuis plusieurs décennies par les paléopathologistes et les historiens. Au début des années 2000, la découverte de puces et de punaises de lit dans le village des ouvriers situé à la périphérie de la ville d’Amarna avait laissé entendre que les habitants de l’époque vivaient dans des conditions propices à la prolifération de ces ectoparasites, ce qui aurait pu faciliter la propagation de maladies comme la peste. Un soupçon renforcé par un texte médical égyptien vieux de 3500 ans décrivant un “bubon [dont] le pus s’est pétrifié”. Mais jusqu’ici, aucune preuve directe de la présence de Y. pestis dans l’Egypte ancienne n’avait permis de valider cette théorie.
Pour le moment, l’équipe n’est pas encore en mesure de déterminer avec certitude à quel point Y. pestis était répandue dans la région, mais elle espère que ses découvertes aideront d’autres chercheurs à “étudier les gènes associés à la virulence et à caractériser ses éventuels modes de transmission et de pathologie”.
Des puces aux bubons
La peste noire est transmise aux humains par des piqûres de puces infectées, généralement associées aux rats noirs très présents dans les zones urbaines. La forme la plus commune, dite bubonique, est caractérisée par des ganglions lymphatiques enflés et douloureux – les fameux bubons -, et est accompagnée de fièvre, de frissons et de douleurs musculaires.
Après des symptômes semblables à ceux de la grippe qui s’installent quelques jours après l’infection, les ganglions lymphatiques de l’aine, des aisselles et du cou commencent à gonfler douloureusement tandis que la victime infectée développe une forte fièvre, des frissons et parfois des convulsions. Vient ensuite l’étape la plus sinistre: celle de l’hématémèse, soit des vomissements de sang, et de la transformation des ganglions lymphatiques gonflés en bubons qui, souvent, se rompent. Les hémorragies internes provoquant des ecchymoses et des nécroses sur de grandes parties du corps, cette forme a valu à la peste son adjectif épithète pour former l’expression de “peste noire”.
Hécatombe médiévale
Au 14e siècle, la pandémie a probablement commencé en Asie centrale avant de se propager à travers les routes commerciales comme la Route de la Soie et d’atteindre l’Europe via les ports méditerranéens. Les premiers cas sur le Vieux Continent ont été enregistrés en 1347 dans le port de Messine, en Sicile, après l’arrivée de navires marchands génois.
Selon des statistiques réalisées par des historiens, elle aurait décimé environ 25 à 50 % de la population européenne, soit entre 75 et 200 millions de personnes à travers l’Eurasie et l’Afrique du Nord. Certaines régions furent plus gravement touchées que d’autres. Par exemple, des villes comme Florence ont perdu jusqu’à 70 % de leur population.
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