Libye : pourquoi Denis Sassou Nguesso a reçu le leader spirituel des ibadites ?

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Libye : pourquoi Denis Sassou Nguesso a reçu le leader spirituel des ibadites ?
Libye : pourquoi Denis Sassou Nguesso a reçu le leader spirituel des ibadites ?

Africa-PressCongo Brazzaville. Le président, l’homme de Dieu et l’homme de l’ombre. La rencontre, le 20 juin, entre le chef de l’État congolais, le cheikh tunisien Farhat Jaabiri et le président de la Fondation Brazzaville Jean-Yves Ollivier, au palais présidentiel de Brazzaville, avait tout d’un rendez-vous inédit. Explications.

Alors que le processus électoral initié par le nouveau gouvernement libyen patine, le dossier de la crise libyenne est revenu le 20 juin sur le bureau du président congolais Denis Sassou Nguesso (DSN), qui est à la tête du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, via un surprenant émissaire.

Présenté au chef de l’État congolais par l’homme d’affaires français Jean-Yves Ollivier – son ami depuis 40 ans, président de la Fondation Brazzaville et très impliqué dans la résolution de la crise libyenne – le cheikh Farhat Jaabiri est en effet l’une des plus hautes autorités spirituelles des ibadites, la troisième branche de l’islam, représentée par de petites communautés en Afrique du Nord, dans le Mzab algérien, le Djebel Nefoussa libyen et sur l’île tunisienne de Djerba.

Le soutien des ibadites

Selon Jean-Yves Ollivier, le cheikh, « qui ne se déplace que très rarement », s’est rendu à Brazzaville pour assurer le président congolais du soutien de la communauté ibadite à l’action de l’Union africaine sur la Libye. Le représentant religieux tunisien devrait également présenter des leaders libyens de ce courant à DSN lors du sommet de l’OIF prévu à Djerba en novembre 2021.

Les ibadites ont une représentante à la tête d’un État africain – la nouvelle présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan – et du sultanat d’Oman, où le cheikh Jaabiri est très respecté. Celui-ci est en effet dirigé par une dynastie ibadite, dont le représentant Haitham Ben Tarek Al Saïd a pris les rênes du pays en janvier 2020, après la mort de son cousin le sultan Qabous. « Jaabiri a orienté la désignation du nouveau sultan », explique Jean-Yves Ollivier. Oman mobilise ses réseaux religieux africains pour intervenir dans le dossier libyen

Visite prochaine à Oman

Oman joue un rôle actif de médiateur dans les affaires du Golfe, notamment entre l’Arabie saoudite et l’Iran, et s’est notamment impliqué lors du blocus imposé au Qatar entre 2017 et 2020 par certains de ses voisins. Selon Jean-Yves Ollivier, Oman mobilise aujourd’hui ses réseaux religieux africains pour intervenir dans le dossier libyen.

Alors que l’Union africaine (UA) – qui estime que sa voix est marginalisée sur la Libye – tente depuis le début de la crise de faire valoir une solution africaine pour le pays, le président congolais devrait se rendre à Mascate, la capitale du sultanat, en sa qualité de représentant de l’organisation panafricaine, « en septembre ou en octobre 2021 » précise Jean-Yves Ollivier.

Opposés à Khalifa Haftar, certains des ibadites libyens (5 % à 10 % de la population) ont pris les armes pour défendre la capitale Tripoli lors de l’offensive de 2019-2020, qui s’est achevée à l’été 2020 sur la déroute des troupes du maréchal – ce dernier est notamment appuyé par des milices salafistes madkhalistes, qui considèrent les ibadites comme des mécréants. Ils se seraient également opposés à la création d’un commandement central turc dans leur pays, alors qu’Ankara a joué un rôle militaire décisif dans la défaite de Haftar en Tripolitaine.

Les ibadites sont issus du kharijisme, une branche initialement favorable au calife Ali (600-661) dans sa lutte contre le calife omeyyade Muawiya (602-680). Alors que ce dernier propose un arbitrage lors de la bataille de Siffin (656), les kharijites enjoignent Ali de le refuser, sans succès. Leurs successeurs seront persécutés à la fois par les autorités sunnites et chiites, et ils trouveront refuge essentiellement au Maghreb, où des principautés ibadites ont essaimé à partir du VIIIe siècle. Les ibadites se distinguent par une pratique rigoureuse – voire rigoriste – de l’islam, mais se montrent traditionnellement très ouverts au dialogue interreligieux.

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