Africa-Press – Congo Kinshasa. Le compte à rebours est lancé à l’Assemblée nationale. Alors que le perchoir laissé vacant par Vital Kamerhe attire les convoitises, l’Union sacrée de la nation (USN) a officiellement enregistré douze candidatures pour le prestigieux poste de président de la Chambre basse du Parlement. Dans un communiqué laconique, le secrétaire permanent de la plateforme, André Mbata B. Mangu, a salué la discipline et la loyauté des prétendants, avant de rappeler que le dernier mot reviendra à la haute autorité politique, en clair, au chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
La liste des candidats, transmise pour appréciation à la haute hiérarchie de l’Union sacrée, révèle l’ampleur des ambitions et la diversité des profils: Aimé Boji Sangara (UNC, Sud-Kivu), Jean-Baudouin Mayo (AA/UNC, Mont-Amba), Christophe Mboso N’Kodia Pwanga (CRD/AACRD, Kwango), Crispin Mbindule (UDPS, Butembo), Jean-Marie Kalumba (AAAP, Maniema), Didier Kamundu (ECN/AAAP, Nord-Kivu), Patrick Matata (UDPS, Tshopo), Willy Mishiki (PEP-AAAP, Nord-Kivu), Simon Mulamba (CODEP, Kasaï), Mwanza Hamissi (Debout la Patrie, Nord-Kivu) et Emil Saidi Balikwisha (AAD-A/AB, Beni).
Tous ont signé un acte d’engagement à la loyauté et à la discipline politique, un serment qui, au-delà des ambitions personnelles, souligne la mainmise du président de la République sur la direction de sa majorité. Dans un contexte où les équilibres internes demeurent fragiles, cette étape marque un test de cohésion et de fidélité pour une plateforme appelée à demeurer le pilier politique du second quinquennat de Félix Tshisekedi.
Aimé Boji, l’homme du chef
Dans les coulisses, un nom s’impose avec insistance: Aimé Boji Sangara, député de Walungu, ancien ministre du Budget puis de l’Industrie. Présent depuis la première législature de 2006, Boji incarne la stabilité, la rigueur technocratique et la fidélité au leadership présidentiel.
Son retour à la Chambre basse, après sa démission du gouvernement Suminwa II, n’a rien d’un hasard: c’est une stratégie finement pensée, une mise en orbite vers le perchoir. En déposant personnellement son dossier au siège de l’Union sacrée, Boji s’est conformé scrupuleusement au communiqué d’André Mbata, témoignant ainsi sa loyauté et sa confiance dans les procédures internes.
Selon plusieurs sources au sein de la majorité, il bénéficie d’un soutien tacite mais décisif du président Félix Tshisekedi, qui verrait en lui un homme de consensus capable de ramener sérénité et discipline dans une assemblée souvent secouée par les tiraillements politiques. Son profil rassure: discret, méthodique et rompu aux arcanes institutionnels, Aimé Boji incarne la continuité dans la ligne de stabilité que veut imprimer le chef de l’État à la tête de la Chambre basse.
Il faut rappeler que l’homme a longtemps évolué dans l’ombre de Vital Kamerhe, dont il fut un fidèle lieutenant avant que les tensions internes à l’UNC ne les éloignent. En choisissant de s’émanciper sans rompre totalement avec sa famille politique, Boji a su garder un équilibre entre loyauté, prudence et ambition.
Mboso, le tenace vétéran
Face à Boji, un adversaire redoutable: Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, actuel deuxième vice-président de l’Assemblée nationale et ancien président de cette institution (2021–2024). Habitué des arcanes parlementaires, Mboso ne lâche rien. Le vieux routier a même écrit personnellement au chef de l’État pour l’informer de sa candidature, tout en maintenant son poste actuel, une posture stratégique qui lui permet de garder la main, même en cas de revers.
Mais son attitude divise: certains y voient un calcul politique mûri, d’autres une manœuvre d’arrière-garde. Le Réseau des jeunes parlementaires estime d’ailleurs que ce dépôt de candidature crée une vacance de fait à son poste de deuxième vice-président, appelant à un examen rapide de la situation par le Bureau de l’Assemblée.
Malgré ces remous, Mboso se présente en homme d’expérience, fort de sa participation aux moments charnières de la législature, notamment lors du renversement de Jeannine Mabunda en 2020. Ce fin manœuvrier, connu pour sa capacité d’adaptation, a souvent su retomber sur ses pieds, même dans les configurations les plus imprévisibles. Son discours, teinté de sagesse et d’assurance, séduit encore une frange de députés nostalgiques d’un leadership expérimenté.
Jean-Baudouin Mayo, l’ambitieux juriste
Autre figure majeure de cette bataille: Jean-Baudouin Mayo, cofondateur de l’UNC et ancien vice-Premier ministre du Budget. Juriste chevronné, intellectuel mesuré et homme de dossiers, Mayo nourrit une ambition assumée pour le perchoir. Il mise sur sa légitimité politique et sa proximité historique avec Vital Kamerhe pour séduire une partie de l’appareil.
Mais cette proximité pourrait justement se retourner contre lui, dans un contexte où l’Union sacrée cherche à tourner la page de l’ère Kamerhe. Son profil demeure toutefois hautement crédible et respecté aussi bien à la majorité qu’à l’hémicycle notamment pour sa rigueur intellectuelle et son sens du compromis. S’il ne devait pas être choisi, il pourrait, selon certains observateurs, hériter d’un rôle stratégique à l’avenir, en reconnaissance de sa stature politique.
Crispin Mbindule et les autres: la relève se profile
Parmi les autres candidats, Crispin Mbindule, député UDPS de Butembo, se démarque par son audace et sa posture d’homme du renouveau. Sa candidature symbolise l’émergence d’une nouvelle génération politique désireuse de rompre avec les logiques anciennes. À ses côtés, d’autres figures moins connues mais représentatives de la diversité nationale, comme Didier Kamundu du Nord-Kivu, Simon Mulamba du Kasaï ou Jean-Marie Kalumba du Maniema. Ils traduisent la volonté de l’Union sacrée d’associer toutes les provinces à la dynamique du changement institutionnel.
Tshisekedi, seul maître du jeu
Derrière les déclarations publiques et les dépôts de candidatures, une réalité s’impose: le choix final appartient exclusivement à Félix Tshisekedi. C’est lui qui, en arbitre suprême, devra départager les douze prétendants. Son verdict dessinera l’équilibre des forces au sein de la majorité présidentielle et indiquera la trajectoire politique du second quinquennat.
L’élection du futur président de l’Assemblée nationale s’annonce donc comme un moment de vérité pour la coalition présidentielle. Elle permettra de mesurer le degré de cohésion de la famille politique de Tshisekedi et la capacité du chef de l’État à imposer son autorité sans fracturer les sensibilités régionales et partisanes.
Ce scrutin interne, plus politique que parlementaire, n’est donc pas une simple formalité. Il est un test de cohésion pour l’Union sacrée et une épreuve d’autorité pour le chef de l’État. La désignation du futur président de l’Assemblée nationale symbolisera la capacité du camp Tshisekedi à se renouveler, à gérer les ambitions et à consolider le pouvoir autour d’une vision claire.
L’Union sacrée joue donc gros. Entre la loyauté incarnée par Aimé Boji, la résilience de Christophe Mboso et la compétence de Jean-Baudouin Mayo, Tshisekedi doit trouver la synthèse idéale entre fidélité politique, équilibre géographique et stabilité institutionnelle. Car derrière chaque dossier déposé se cache une stratégie, une équation régionale, un calcul d’influence. Et dans cette bataille feutrée où les ambitions s’entrechoquent, le silence du président vaut déjà décision. En définitive, le perchoir ne se gagnera pas à l’Assemblée, mais à la Cité de l’Union africaine.
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