Dialogue Kinshasa-Kigali: de L’Espoir À L’Impasse

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Dialogue Kinshasa-Kigali: de L'Espoir À L'Impasse
Dialogue Kinshasa-Kigali: de L'Espoir À L'Impasse

Africa-Press – Congo Kinshasa. Entre gestes d’ouverture et ripostes cinglantes, la tension diplomatique entre Kinshasa et Kigali a franchi un nouveau palier ce week-end. La main tendue par le président Félix Tshisekedi à son homologue rwandais Paul Kagame, censée ouvrir la voie à un dialogue de désescalade, s’est transformée en un nouvel épisode de confrontation verbale. En réponse à cette démarche, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a opposé un refus catégorique, qualifiant l’initiative congolaise de « commedia dell’arte ». Pour Kinshasa, cet échange illustre une fois de plus le double jeu de Kigali, accusé de soutenir le mouvement rebelle M23 et de maintenir ses troupes sur le sol congolais malgré les négociations menées sous l’égide des États-Unis.

Alors que le chef de l’État congolais continue de plaider pour une « paix des braves », le Rwanda dénonce une manœuvre politique et rejette toute responsabilité dans la crise sécuritaire à l’est de la RDC. Résultat: le bras de fer diplomatique s’intensifie, les postures se durcissent, et l’horizon d’un apaisement durable paraît plus lointain que jamais.

L’escalade verbale et le bras de fer diplomatique entre Kinshasa et Kigali se sont poursuivis ce week-end, sur fond d’appels au dialogue et de répliques diplomatiques de plus en plus virulentes.

La main tendue du président congolais Félix Tshisekedi à son homologue rwandais Paul Kagame, lors du Global Gateway Forum à Bruxelles, a provoqué une réaction de rejet catégorique du côté rwandais, ravivant les tensions déjà vives entre les deux voisins d’Afrique centrale.

En tendant la main à son homologue rwandais, Félix Tshisekedi entendait lancer un signal d’apaisement, tout en réaffirmant la position ferme de Kinshasa face à ce qu’il qualifie de comportement « belliqueux » du Rwanda. Selon les autorités congolaises, Kigali continue de piller les ressources naturelles de la République démocratique du Congo et maintient ses troupes sur le sol congolais, en violation des engagements pris dans le cadre des discussions menées sous l’égide des États-Unis.

Mais à Kigali, ce geste a été interprété comme une manœuvre politique. Deux jours après cette main tendue, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a répliqué avec virulence, rejetant toute ouverture et accusant Kinshasa de manipulation diplomatique.

« Il pourra toujours attendre jusqu’aux calendes grecques, car le Rwanda n’est vraiment pas intéressé à participer à cette “commedia dell’arte” improvisée, destinée à un public congolais et international non averti », a-t-il déclaré dans une réaction transmise à la presse.

Pour le chef de la diplomatie rwandaise, la balle se trouve du côté congolais, non du Rwanda. Il ajoute: « En revanche, en matière d’attente: c’est plutôt le médiateur américain qui attend toujours que le Président Tshisekedi revienne sur sa décision de rejeter le Cadre régional d’intégration économique (REIF), pourtant approuvé par la délégation congolaise à Washington le 3 octobre 2025 ; c’est plutôt le médiateur qatari qui attend toujours que le Président Tshisekedi mette fin à ses blocages et fasse des progrès significatifs dans le processus de paix de Doha ; et ce sont plutôt les médiateurs, les parties aux deux processus de paix et la communauté internationale qui attendent toujours que le Président Tshisekedi cesse de violer le cessez-le-feu par ses avions de chasse et ses drones d’attaque, qu’il cesse les attaques contre les villages Banyamulenge et autres Congolais Tutsi, qu’il neutralise effectivement les génocidaires FDLR, qu’il cesse de collaborer avec des milices criminelles Wazalendo sous sanctions internationales, qu’il mette fin aux discours de haine et à une attitude belliqueuse contre le Rwanda, et qu’il renonce à faire recours à des mercenaires, ce qui est en violation du droit international. »

Félix Tshisekedi maintient le cap sur la paix

Cette sortie cinglante du diplomate rwandais intervient après les déclarations de Félix Tshisekedi à Bruxelles, samedi dernier. Face à la communauté congolaise vivant en Europe, le président congolais a défendu sa démarche, refusant de céder à la polémique et réaffirmant sa détermination à poursuivre la voie du dialogue.

« Les aigris, les ignorants, laissez-les parler. Nous, nous savons ce que nous faisons. Je peux vous garantir qu’en aucun moment je ne trahirai mon pays ni mon peuple. Surtout, ce que vous devez savoir, faire la paix, ce n’est pas une faiblesse. Croyez-moi, je suis très loin d’être faible. Je crois que j’ai réussi à le prouver à plusieurs reprises. »

Dans le même ton, il a ajouté: « Si aujourd’hui on parle sanctions, médiation africaine, américaine et qatarienne, je crois que c’est grâce quelque part à ce que j’ai réussi à faire. Ce n’est pas du tout une faiblesse, au contraire, c’est une noblesse de savoir faire la paix des braves. Je l’ai proposée. J’attends la réponse. »

Et de conclure: « Je sais que ça a troublé, je ne tiens pas compte de ce qui est sorti, je sais qu’ils vont réfléchir et ils vont réfléchir et vont me faire une offre, et c’est ce que j’attends. »

Des répliques cinglantes et un climat de méfiance

Ce n’est pas la première fois qu’Olivier Nduhungirehe réagit de manière virulente à une initiative congolaise. Deux jours avant ces déclarations, également à Bruxelles, il avait déjà dénoncé les propos du président Tshisekedi, estimant que ce dernier détournait un forum international pour des fins politiques.

« C’est quand même assez consternant de voir un chef d’État qui est en train d’abuser d’un forum ou d’un podium qui est destiné à la coopération entre l’Union européenne et les pays africains pour en faire une tribune pour faire du cinéma politique », avait-il déclaré.

Interrogé sur la main tendue du président congolais, il avait ajouté: « Mais de quelle main tendue parlez-vous? Moi, je vous ai dit que c’est du cinéma politique, puisque le président Tshisekedi sait lui-même qu’il y a déjà un accord qui a été signé, mais que c’est lui qui viole cet accord. »

Ces échanges musclés s’inscrivent dans un contexte de fortes tensions à l’est de la République démocratique du Congo, où les autorités congolaises continuent d’accuser le Rwanda de soutenir le mouvement rebelle M23, actif dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Kigali, de son côté, dément systématiquement ces accusations, affirmant ne pas être impliqué dans les affrontements entre le M23 et les forces armées congolaises.

Sur le terrain, la situation demeure explosive. Les populations civiles continuent de payer le prix fort de ce conflit prolongé, tandis que les médiations menées sous l’égide du Qatar, des États-Unis et de la Communauté de l’Afrique de l’Est peinent à produire des résultats tangibles.

Entre diplomatie et stratégie politique

Au-delà des mots, la confrontation verbale entre Kinshasa et Kigali traduit un bras de fer politique et géostratégique pour le contrôle de l’est congolais et la reconnaissance diplomatique de chaque camp.

D’un côté, Félix Tshisekedi tente de se positionner comme un artisan de paix crédible auprès des partenaires occidentaux ; de l’autre, le Rwanda entend préserver son influence régionale tout en renvoyant à Kinshasa la responsabilité de l’instabilité actuelle.

Entre dialogue avorté, provocations et calculs politiques, le spectre d’un apaisement durable reste encore lointain. Mais une chose est sûre: la guerre des mots entre Kinshasa et Kigali ne fait que commencer.

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