Difficulté de la paix après l’accord Kinshasa-M23

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Difficulté de la paix après l'accord Kinshasa-M23
Difficulté de la paix après l'accord Kinshasa-M23

Africa-Press – Congo Kinshasa. Un pas important vient d’être franchi dans le long processus de résolution du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo. Ce samedi 15 novembre 2025, à Doha, le gouvernement congolais et le mouvement rebelle M23/AFC ont signé un accord-cadre définissant la méthodologie, les protocoles et le calendrier des négociations qui doivent conduire, dans les prochaines semaines, à un accord de paix global. Il ne s’agit pas encore d’un texte final, mais d’un document structurant qui organise la suite du dialogue après plusieurs rounds de pourparlers et de précédents engagements restés partiellement appliqués.

Cette étape intervient alors que les hostilités se poursuivent sur le terrain et que Kinshasa maintient ses exigences, notamment le retrait des forces étrangères, tandis que les deux parties poursuivent les discussions sous médiation qatarie.

– Un accord-cadre, huit protocoles et une méthode claire –

Le document signé à Doha organise la poursuite des négociations autour de huit protocoles: l’accès humanitaire, les arrangements sécuritaires et le DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), la restauration de l’autorité de l’État, le retour des déplacés et réfugiés, la relance économique, la justice transitionnelle, ainsi que la lutte contre la discrimination et le renforcement de l’unité nationale.

Benjamin Mbonimpa, secrétaire permanent de l’AFC/M23, a précisé que ces protocoles constituent des chapitres devant être développés et négociés séparément. L’accord-cadre n’emporte aucun engagement contraignant immédiat: il ne modifie pas la situation sur le terrain tant que les protocoles n’ont pas été débattus et signés.

Cette méthodologie vise à instaurer un cadre ordonné pour aboutir à un accord global de paix, dans un contexte où les deux parties continuent de s’accuser mutuellement de violations du cessez-le-feu.

Kinshasa maintient sa ligne et impose ses conditions

Pour le gouvernement congolais, la paix durable repose sur des conditions vérifiables, en premier lieu le retrait de toutes forces étrangères notamment les troupes rwandaises impliquées dans les combats, en soutien aux rebelles du M23. Kinshasa insiste sur la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble des territoires sous occupation comme préalable à toute avancée, qu’il s’agisse de sécurité, d’aide humanitaire ou de relance économique.

Cette position reflète une approche pragmatique: avant tout affichage médiatique ou signature symbolique, Kinshasa exige des actes concrets et mesurables sur le terrain, afin d’éviter qu’un accord reste lettre morte.

Les négociations précédentes et les acquis de Doha

L’accord-cadre s’inscrit dans un processus initié par la Déclaration de principes du 19 juillet 2025 et renforcé par le mécanisme conjoint de suivi du cessez-le-feu signé en octobre dernier. Ces étapes, bien que fondamentales, n’avaient pas permis de stabiliser la situation sur le terrain.

Le cadre signé à Doha permet d’organiser les discussions à venir, en précisant les matières à traiter, les acteurs impliqués et les calendriers de mise en œuvre. Les deux parties ont confirmé leur engagement à un cessez-le-feu permanent et à la libération des prisonniers, conformément aux mécanismes déjà paraphés en septembre et octobre.

Les défis pour le M23 et l’équation régionale

Accepter les conditions posées par Kinshasa, notamment le retrait de tout appui extérieur, implique pour le M23 des concessions majeures. Ces négociations s’inscrivent dans un contexte régional complexe où Kigali nie son implication directe, rendant la vérification et la mise en œuvre du retrait difficiles mais cruciales. Le rôle des garants internationaux notamment Qatar, États-Unis, Union africaine et autres partenaires reste central pour assurer la crédibilité du processus et l’effectivité des engagements.

Des réactions

Quelques réactions ont été enregistrées après la signature de l’accord-cadre. Le président français Emmanuel Macron a salué l’accord, le qualifiant de « véritable ouverture pour la paix et une lueur d’espoir » et remerciant le Qatar pour son rôle de médiateur.

Au niveau national, l’expert et député honoraire Juvénal Munubo a rappelé avec prudence que la signature d’un cadre n’équivaut pas à un accord global de paix. Il invite à surveiller la traduction concrète des engagements et à éviter que le document reste lettre morte, soulignant l’importance de l’amélioration effective de la situation sécuritaire et humanitaire sur le terrain au Nord et Sud-Kivu.

Washington, étape finale conditionnelle

La perspective d’une signature finale à Washington, impliquant Félix Tshisekedi et Paul Kagame, est envisagée comme point d’orgue du processus. Toutefois, Kinshasa conditionne sa participation à la matérialisation de progrès tangibles: retrait constaté des forces étrangères, activation effective du mécanisme de vérification, respect des engagements humanitaires et sécuritaires. Sans ces preuves, la signature risquerait d’être symbolique et non substantielle.

Doha a permis de structurer la suite des négociations et de poser une architecture de travail claire. Mais la mesure de cette avancée se fera sur le terrain: preuves de retrait, activation du DDR, sécurité des corridors humanitaires et rétablissement de l’autorité de l’État. Kinshasa avance sur deux fronts: diplomatique et opérationnel, conditionnant sa confiance à des actes concrets. La communauté congolaise et les partenaires internationaux attendent désormais non plus des mots, mais des faits.

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