Tshisekedi Remanie le Gouvernement pour Étouffer Kabila

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Tshisekedi Remanie le Gouvernement pour Étouffer Kabila
Tshisekedi Remanie le Gouvernement pour Étouffer Kabila

Africa-Press – Congo Kinshasa. Les Congolais scrutent avec ferveur la composition des Léopards, surtout l’équipe nationale de football. Chaque sélection est disséquée, chaque joueur évalué, les mérites débattus avec passion. Les discussions sont animées, les choix contestés, les attentes élevées, qui symbolisent l’honneur du pays.

Mais lorsqu’il s’agit de la formation d’un gouvernement, on applaudit par réflexe tribal, on célèbre la présence de sa province, et l’on accueille sans sourciller des visages inconnus, souvent sans compétence avérée. On ne cherche pas à savoir ce que ces futurs ministres ont pensé, écrit, réalisé ou proposé sur les portefeuilles qu’on leur attribue. Leur vision, leur parcours, leur capacité à gouverner ne suscitent ni débat ni exigence. On ne réclame même pas l’information manquante.

Les postes sont distribués comme des prix de consolation, puis l’on fait mine de découvrir, trop tard, que l’incompétence s’est invitée au sommet de l’État.

Au fond, on fait semblant de ne pas voir, on tolère l’à-peu-près, on flirte avec la médiocrité comme avec une vieille maîtresse — par fatigue, par cynisme, ou simplement parce qu’on s’y est attaché.

Et tous les régimes, tous ces syndicats criminels déguisés en partis politiques, qui finissent toujours par s’installer autour de la table, le savent parfaitement, s’en réunissent, et s’en servent, parce que c’est confortable, immobile, et surtout terriblement pratique pour ne rien changer.

Changement ou replâtrage?

L’annonce d’un remaniement ravive une question devenue presque rituelle:

« Verra-t-on enfin naître une véritable équipe de rupture, ou s’agit-il d’un simple coup de pinceau sur les fissures d’un système à bout de souffle? ». À chaque annonce, l’espoir renaît, mais la mécanique reste: les jeux d’équilibre, les concessions tribales, les calculs politiques. Rien qui ne laisse entrevoir une volonté réelle de transformation.

L’indifférence qui a entouré la nomination du nouveau gouverneur de la Banque Centrale en est une illustration frappante. Ce poste stratégique, essentiel pour stabiliser une économie en crise chronique, a été pourvu sans le moindre débat public. Ni la presse, ni l’opinion publique, ni les partenaires internationaux n’ont levé le petit doigt dans un sens ou un autre.

Comme si piloter la politique monétaire d’un pays économiquement pâle n’avait plus d’importance, était une simple formalité administrative. Silence total. Pas de vision exposée, pas d’objectifs clairs. Une occasion manquée, de plus.

Des gouvernements sans empreinte

Il faut dire que les gouvernements se sont succédé sous le règne Tshisekedi sans laisser de trace tangible dans la vie des Congolais. Aucune réforme structurelle majeure, aucune amélioration significative du quotidien. Seulement des promesses, toujours des promesses. Des nuages lourds qui annoncent la pluie, mais dont rien ne tombe.

L’histoire ne retiendra ni les discours bien ficelés, ni les effets d’annonce. Elle retiendra les actes qui auront, un jour, fait basculer le réel.

Faire la même chose en espérant un résultat différent? Certes, on ne peut accuser formellement le régime Tshisekedi d’avoir élevé l’absurde au rang de doctrine d’État. Mais à force de recycler les mêmes recettes usées, en espérant des miracles à chaque remaniement, on finit par se demander si l’immobilisme n’est pas devenu une stratégie. Remanier, récompenser et recommencer. Voilà la boucle.

Le symbole Suminwa

Le maintien de Judith Suminwa à la tête du gouvernement en est un exemple emblématique. Sans feuille de route publique, sans vision annoncée, sans signe de rupture nette avec le passé, cette décision envoie un signal clair que l’on ne change pas une équipe qui n’a encore rien prouvé.

Au lieu d’incarner un renouveau, ce choix conforte l’idée que Tshisekedi ne souhaite ni gouverner autrement, ni déranger l’ordre établi, mais simplement continuer à régner avec les mêmes repères, les mêmes équilibres et les mêmes silences gênants.

On ne parle pas de choc de gouvernance ici, mais de douce continuité dans l’inaction.

Récompense avant mérite

Derrière ces choix se cache une constante bien connue: la récompense avant le mérite. Dans cette loterie politique, les portefeuilles ne vont pas aux adroits ou brillants dans le domaine, ni aux plus compétents, mais à ceux qui ont su plaire, protéger, ou applaudir au bon moment.

Aucune exigence de compétence, aucun débat sur les idées, aucun critère public d’évaluation.La loyauté supplante la vision, les dettes politiques remplacent les programmes, et les nominations ressemblent à des faveurs échappées d’une soirée de remerciements.

Résultat? L’immobilisme se pare des habits du changement, on repeint la façade pendant que les fondations pourrissent, et l’on feint la surprise quand le bâtiment ne tient pas.

Et si on osait rêver grand pour la RDC?

Il faut bien s’autoriser à rêver un peu, surtout quand la réalité politique vous sert les mêmes plats réchauffés.

Imaginons un instant un gouvernement congolais qui ne soit pas une loterie ethno-politique, mais un véritable casting de compétences. Un cabinet qui ferait lever les sourcils à Kinshasa, mais aussi à Bruxelles, Washington et Addis-Abeba.

Ramener Freddy Matungulu de la Banque mondiale pour le poste de Premier ministre ou à défaut, celui de ministre des Finances.

Et pourquoi ne pas confier le ministère de l’Intérieur à François Beya, alias « Fantômas », s’il consent à revenir sur scène.

Injecter du sang neuf: Nicole Sulu, fondatrice du réseau Makutano, comme ministre de l’Entrepreneuriat. Richard Ali, pilier culturel, à la Culture et aux Arts. Denis Mukwege, prix Nobel, aux Affaires étrangères. Jean Bele, entrepreneur technologique, à l’Industrie. Mme Malangu Kabedi Mbuyi, à la Fonction publique. Et Trésor Lomana LuaLua, au ministère des Sports.

Pour calmer les frustrations, on pourrait caser Jean-Pierre Bemba aux Affaires sociales et Julien Paluku à la Jeunesse. Au moins là, les frustrations se règleront au micro, et non à la machette.

La gomme du destin

L’histoire poursuit sa marche, mais Tshisekedi, lui, commence sérieusement à manquer d’air et d’encre s’il espère inscrire son nom au-dessus de celui de Joseph Kabila dans la mémoire collective congolaise.

Un simple remaniement ministériel n’y changera rien. Ce qu’il faut, c’est une rupture nette, audacieuse, avec l’image tenace d’une médiocrité institutionnalisée.

Sans cela, il restera un nom de plus sur la liste des présidents qui ont frôlé la grandeur sans jamais l’atteindre.

Mais soyons honnêtes: il reste bien peu de choses que Tshisekedi puisse encore accomplir dans le court laps de temps qu’il lui reste. Deux ans à peine.

Trop court pour construire ce qu’il n’a pas su enclencher en plus d’un mandat.

Une dernière carte: la digitalisation

Il lui reste peut-être une carte: la digitalisation du secteur public.

Un chantier fondateur, mené à bien en moins de deux ans, à coût modeste, misant sur le savoir-faire local.

Créer un ministère délégué à la Présidence, exclusivement dédié à cette mission, et confié à une figure affranchie du clientélisme.

Une réforme capable de moderniser l’État, rationaliser la gouvernance, et ouvrir les portes d’un autre Congo: numérique, transparent, plus efficace.

Ce ne serait peut-être pas suffisant pour effacer le reste, mais ce serait une œuvre vraie, profondément transformatrice. Une empreinte. Une gomme contre l’oubli.

Jo M. Sekimonyo, Économiste politique, théoricien, militant des droits humains et écrivain

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