Atlas Et Herbier De Camargue Sur Plantes Rares

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Atlas Et Herbier De Camargue Sur Plantes Rares
Atlas Et Herbier De Camargue Sur Plantes Rares

Africa-Press – Congo Kinshasa. On l’appelle « bleu de Prusse », il est profond et caressant. Comment ne pas être subjugué par son aura mystérieux? Cette teinte si particulière est celle du cyanotype, un procédé d’impression photographique inventé en 1842 par un astronome anglais, Sir John Herschel, qui s’en servit comme technique de reproduction. Mais c’est à la botaniste Anna Atkins (1799-1871) que l’on doit la primauté de son utilisation éditoriale, à la fois scientifique et artistique. Son catalogue de 400 espèces d’algues, « Photographs of British Algae: Cyanotype Impressions » (1843), pose un jalon dans l’histoire de la photographie et de l’édition illustrée.

En quoi consiste exactement ce procédé? Et pour quelles raisons Luc Douzon, l’auteur des images de l’ »Atlas et herbier de Camargue. Cyanotypes des plantes rares, menacées et protégées » l’a-t-il choisi? Il nous l’explique ici, en relatant les points forts d’une expérience artistique et écologiste qui aura marqué son esprit. A la fin de l’élégant herbier tout de bleu paré, où les planches grand format se succèdent en autant de portraits classés par saison, un carnet de bord restitue les notes descriptives du botaniste Hugo Fontès, co-auteur de l’ouvrage, et le récit sensuel du cyanotypiste, également engagés dans des péripéties d’exploration étirées sur cinq ans. Entretien.

« Cette plongée totale pour pister les plantes que j’allais cyanotyper m’a littéralement bouleversé »
Sciences et Avenir: Quel a été le point de départ de ce livre?
Luc Douzon: J’ai toujours été passionné de photographie, d’expérimentation sur le tirage noir et blanc, mais à l’origine de ce projet se trouve d’abord une démarche écologiste. L’idée de répertorier les plantes rares ou protégées de ces lieux, et de les immortaliser par des cyanotypes, a germé lors de discussions informelles au sein d’un cercle d’amis œuvrant à La Tour du Valat, l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes (Le Sambuc, Arles ndlr), et en particulier avec le botaniste Hugo Fontès, co-auteur de l’herbier.

Grâce aux précieuses données d’observation consignées sur la plateforme Silene, qui répertorie et localise faune et flore de la région PACA, Hugo et moi avons pu établir non seulement une liste d’espèces rares – inexistante auparavant – mais aussi les situer sur le territoire. Je précise que la botanique n’était pas spécialement mon dada, mais cette plongée totale dans le terrain pour pister les spécimens que j’allais cyanotyper m’a littéralement bouleversé. Ces plantes sont parfois minuscules, luttent contre l’aridité ou l’excès de sel et de sable dans les sols, en subissant les effets inexorables du dérèglement climatique… Elles sont fragiles, mais résistent, modestement. Et surtout, n’ont pas besoin de nous pour s’implanter et vivre, comme je l’ai constaté avec Tecrium aristatum – la germandrée – que j’ai cyanotypé dans le seul et unique lieu de la région PACA où elle a été observée, une mare temporaire, la mare de Lanau.

Pourquoi avoir choisi le cyanotype?

Ce procédé ancien de tirage par contact nous est apparu comme la forme la plus adaptée au projet. Il consiste à poser un objet sur une feuille de papier enduite au préalable d’un mélange sensible à la lumière – du citrate d’ammonium ferrique et du ferricyanure de potassium que l’on dissout préalablement dans l’eau. Ces deux composants mélangés produisent le typique bleu de Prusse, une couleur que je parviens à intensifier en utilisant un papier aquarelle qui « boit » beaucoup.

Avant mes sorties sur le terrain je préparais les papiers, en les laissant sécher longtemps dans le noir et en les protégeant dans une pochette fermée pendant les balades. Une fois posées au contact du papier sensibilisé, et calées en sandwich par une plaque de verre afin qu’elles ne glissent pas, je laissais agir la lumière du soleil. Après une exposition variable entre 30 minutes en janvier, et 5 minutes en août, mes plantes dévoilaient leur empreinte blanche en négatif, et à taille réelle.

Dans notre herbier cyanotypé, chaque plante apparaît à l’échelle 1: ce critère a été décisif dans le choix d’une technique qui nous permet finalement d’atteindre une parfaite unité de regard, et de restituer l’identité de la plante au plus près de son être. Sans l’arracher, évidemment !

« Une présence fantomatique qui fait écho à la fragilité réelle du végétal »
La forme du cyanotype rentre ainsi en adéquation avec le fond, épouse votre intention…

Oui, ce projet d’intérêt pour les botanistes se situe au confluent de l’art et des sciences. Là où la forme rejoint le fond, c’est dans l’évanescence que le cyanotype confère à l’image: l’empreinte en négatif qu’il révèle évoque une présence fantomatique, fait écho à la fragilité réelle du végétal.

Lorsque nous sommes partis dans le Domaine de la Tour du Valat en quête de Trifolium ornithopodioides (Trèfle pied-d’oiseau), la plus petite plante que j’ai cyanotypée, j’étais conscient de la grande vulnérabilité de ce minuscule trèfle, exposé à des conditions d’extrême sécheresse. Mais j’ai surtout réalisé que la force du vivant devrait nous inciter à dépasser des stéréotypes: une plante rare, pas forcément belle, peut nous faire vibrer d’émotion.

« Atlas et herbier de Camargue. Cyanotypes des plantes rares, menacées et protégées », Luc Douzon et Hugo Fontès, éd. Actes Sud, 320 pages, 102 illustrations, 49€

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