Africa-Press – Congo Kinshasa. Les menaces qui pèsent sur la biodiversité sont nombreuses, mais les personnes prêtes à la défendre le sont tout autant. Le Dr Lily-Arison René de Roland, directeur du programme malgache de l’ONG le Fonds Peregrine et fervent défenseur de la biodiversité malgache, fait partie de celles-là. Il a été récompensé le 27 septembre 2025 par le Prix d’Indianapolis qui distingue un défenseur de la nature dont l’action a permis de remporter des « victoires majeures ».
Sciences et Avenir: Vous avez remporté cette année le Prix d’Indianapolis, que l’on considère parfois comme le « Nobel de la conservation animale ». Ce prix vous a notamment été attribué pour vos « redécouvertes » de nombreuses espèces. Comment fait-on pour « redécouvrir » des espèces disparues?
Dr Lily-Arison René de Roland: Tout d’abord, il faut beaucoup d’espoir et rester optimiste pour redécouvrir des espèces. Ensuite, comme les travaux sur le terrain requièrent beaucoup d’efforts, il faut se focaliser sur cet objectif et avoir de la persévérance. Les expériences acquises durant ces années de recherches m’ont permis d’adopter les bonnes stratégies sur la méthodologie à appliquer ; par exemple, les connaissances sur les types d’écosystèmes fréquentés par une espèce ainsi que leur bio-écologie permettent d’identifier les sites d’investigation durant la bonne saison. Nous avons pu redécouvrir le Tétraka sombre (Crossleyia tenebrosa) grâce à la connaissance du micro-habitat préféré de cette espèce.
Sciences et Avenir: Quelles conséquences ont eu ces redécouvertes sur ces espèces? De telles redécouvertes doivent offrir un certain espoir…
Ces redécouvertes d’espèces ont permis d’amplifier la connaissance sur leur biologie et leur écologie et ont facilité le développement de la stratégie de leur conservation. Elles ont également permis d’augmenter les effectifs de leur population. Leur redécouverte a entraîné la création d’Aires Protégées et la préservation des écosystèmes et autres biodiversités.
Par exemple, le Fuligule de Madagascar (Aythya innotata), redécouvert en 2006 à Bemanevika au nord de Madagascar, a permis à Bemanevika de devenir une aire protégée et a renforcé le partenariat et la collaboration avec d’autres institutions pour l’augmentation de la taille de la population de cet oiseau.
« Un impact positif sur les services écosystémiques dont bénéficient les communautés riveraines »
Votre travail vous a aussi permis de découvrir des espèces jusqu’alors inconnues, notamment deux espèces de lémuriens. Dans quel état de conservation sont ces espèces aujourd’hui? Sont-elles assez protégées?
Les deux espèces de lémuriens, Lepilemur sp. et Avahi sp., trouvées au niveau des sites de Bemanevika et de Mahimborondro – tous deux au nord de Madagascar – sont sujettes à des vérifications génétiques. Etant localisées dans ces aires protégées, elles sont déjà protégées et ont donc une chance de survie.
En 2020, l’UICN écrivait que « près d’un tiers (31%) de toutes les espèces de lémuriens de Madagascar sont aujourd’hui « En danger critique », à seulement un pas de l’extinction, et 98% d’entre elles sont menacées, selon la dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées ». Notez-vous une amélioration de la situation depuis?
La présence des bailleurs nationaux (Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar ou FAPBM) et internationaux (SOS Lemurs et Re:Wild), augmente les chances de mobiliser un minimum de financement pour les populations de lémuriens à Madagascar. D’autres institutions sont également présentes et se démènent pour la conservation de ces animaux. L’injection de fonds conséquents permettrait alors d’améliorer davantage la préservation de ces espèces.
Vous avez piloté la création de quatre aires protégées nationales à Madagascar. Quels résultats attendez-vous de ces sanctuaires? Quels résultats voyez-vous déjà?
Ces sanctuaires permettront de protéger la biodiversité se trouvant à l’intérieur pour les générations futures, elles joueront également leur rôle contre les effets du changement climatique et bénéficieront aux populations locales. Les résultats sont palpables car les écosystèmes sont bien protégés y compris la couverture forestière et les zones humides. Les populations d’aigles pêcheurs de Madagascar (Haliaeetus vociferoides) et d’aigles serpentaires de Madagascar (Eutriorchis astur) demeurent stables.
Cette préservation a également un impact positif sur les services écosystémiques dont bénéficient les communautés riveraines. L’établissement de ces aires protégées a aussi permis la protection de plusieurs espèces animales menacées.
« Des reptiles de Madagascar font l’objet de trafics illicites et méritent une attention particulière »
Comment se porte la biodiversité malgache?
Vu que Madagascar est une île, sa biodiversité pourrait subir les effets du changement climatique. Elle a conséquemment besoin de plus d’études approfondies. Par ailleurs, quelques taxons tels que les reptiles font l’objet de trafics illicites et méritent une attention particulière.
Vous cherchez à engager les populations locales dans la protection de la biodiversité. Quelle forme prend ce partenariat?
Nous voulons établir un système d’appartenance au niveau des communautés. Pour cela, nous impliquons les populations locales dans la gestion des aires protégées par le biais des contrôles et surveillances (descentes de patrouilles communautaires au niveau des habitats sensibles) et des activités de suivis écologiques participatifs (comptages annuels de la biodiversité, avec les oiseaux d’eau et les lémuriens).
La structure de gestion est composée de la plateforme de gestion. Elle est constituée de locaux et chaperonne les associations locales. Plus d’une vingtaine de clubs environnementaux sont formés au niveau des écoles primaires des quatre sites que nous gérons.
Que représente pour vous l’obtention du Prix d’Indianapolis?
Ce prix marque la reconnaissance internationale des efforts que nous avons menés depuis trois décennies. C’est un soutien à la continuité de la conservation de la biodiversité, surtout celle des espèces animales. Il représente également une motivation pour les autres chercheurs malgaches et les jeunes impliqués dans la conservation.
Madagascar
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Kinshasa, suivez Africa-Press