Augustin Thiam Sur Alassane Ouattara Et Ses Comptes

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Augustin Thiam Sur Alassane Ouattara Et Ses Comptes
Augustin Thiam Sur Alassane Ouattara Et Ses Comptes

Florence Richard

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Augustin Thiam a beau avoir choisi son camp politique depuis longtemps, il semble toujours devoir s’en expliquer. « Mon engagement n’a pas varié depuis plus de vingt ans. J’ai toujours dit que j’étais “Alassaniste”, je reste fidèle et loyal au chef de l’État », rappelle, aujourd’hui encore, celui que le président, Alassane Ouattara, a nommé ministre-gouverneur de Yamoussoukro en 2011, en récompense d’années d’engagement passées à ses côtés.

Alors quand des journalistes le questionnent sur ses relations avec son frère Tidjane, et s’intéressent à leurs trajectoires contraires, l’un s’ancrant dans la majorité présidentielle, l’autre s’installant à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), il émet d’emblée de sérieuses réserves. Qu’est-ce que la famille viendrait faire dans tout ça? « Politiquement, intellectuellement, il défend une position, j’ai la mienne. Point final. Pourquoi toujours vouloir tout ramener à notre fraternité? Sur ce point, je pense qu’il y a une lassitude des deux côtés », s’agace-t-il, las des sollicitations à ce sujet.

Machine à rumeurs

Depuis que son frère cadet s’est emparé du principal parti d’opposition du pays fin 2023, lors d’une élection triomphale mais non moins étonnante en raison de sa longue absence du pays pour poursuivre une brillante carrière dans les affaires, la machine à rumeurs s’est emballée. On le dit prêt à virer de bord. Augustin Thiam, accusé dans un camp comme dans l’autre de conspirer avec l’ennemi, quitterait le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) pour rejoindre le PDCI, ancien parti unique fondé par son grand-oncle, Félix Houphouët-Boigny. Il a beau marteler sa loyauté au chef de l’État et son dévouement au parti présidentiel, comme lors du congrès du parti, le 20 juin, rien ne semble pouvoir enrayer le mécanisme du soupçon. Il y a quelques mois, un site d’information ivoirien titrait, sans réserve: « Augustin Thiam: RHDP le jour, pro-Thiam la nuit »

Au fond, le gouverneur de Yamoussoukro, né en 1952 à la cour royale de la chefferie akouè dirigée par son grand-oncle, et connu pour son franc-parler qui lui a valu quelques inimitiés, semble se désintéresser des bruits qui courent à son sujet. « Je dis souvent en plaisantant que je n’ai de comptes à rendre qu’à Alassane Ouattara. Je ne me préoccupe pas des commentaires annexes. » Oui, il a conservé des relations « cordiales, parfaites » avec son frère avec qui il échange fréquemment, et alors? Cela fait-il de lui un traître?

Les Thiam, « des modèles de réussite »

La politique est une arène aux règles cruelles. Augustin Thiam en sait quelque chose, lui qui, dès l’enfance, a côtoyé les hautes sphères du pouvoir ivoirien et tout ce que le pays compte de familles aristocratiques comme la sienne.

Dans la famille Thiam, les enfants sont inscrits dans les meilleures écoles françaises, l’excellence est la norme. Trois des garçons seront ministres: Tidjane (au Plan et au Développement sous Bédié), Daouda (à l’Énergie et aux Mines sous Robert Gueï, entre 1999 et 2000, puis conseiller d’Alassane Ouattara après l’arrivée au pouvoir de ce dernier, en 2011 – décédé en 2018) et Abdel Aziz (ministre des Transports de 2006 à 2007, sous Laurent Gbagbo). Quant à leur sœur cadette, Yamousso Thiam, qui travaille aujourd’hui aux côtés de Tidjane, tout comme Abdel Aziz, elle fut un temps la conseillère spéciale chargée des musées présidentiels sous Gbagbo. Leur père, Amadou Thiam, avait ouvert la voie, en étant ministre de l’Information puis ambassadeur au Maroc. « Des modèles de réussite », se félicitera Houphouët, l’oncle de leur mère, Mariétou Sow.

Tidjane Thiam, surdoué de la famille, premier Ivoirien à entrer à Polytechnique, quittera le pays en 1999 après le coup d’État. Il ne remettra pas une seule fois les pieds à Abidjan en vingt ans, pas même lors du décès de son frère Daouda ni de celui de sa sœur N’deye Anna, en mai 2019. « Une question de sécurité » réclamée par ses employeurs de l’époque, justifieront ses proches. Augustin s’engagera en politique en 2003. « Vous ne pouvez être élu sans la chefferie baoulé, je vous propose de vous l’amener. Faites de moi ce que vous voulez ! » dira-t-il à Alassane Ouattara pour le convaincre de son utilité.

Contre « les attaques personnelles »

« Nous avons des divergences de point de vue avec mon frère, mais je vous rappelle que nous sommes dans deux partis qui se réclament d’Houphouët-Boigny », insiste Augustin Thiam, qui regrette les critiques visant son frère cadet. « Les attaques personnelles, infondées et injustes en provenance du RHDP à l’endroit de mon frère me peinent au plus haut point. Elles doivent cesser. Ceux qui les formulent abaissent les fonctions qu’ils occupent par les discours qu’ils tiennent », soutient-il.

Tidjane Thiam, dont l’arrivée à la tête du PDCI avait suscité l’enthousiasme après le décès d’Henri Konan Bédié, a été radié de la liste électorale le 22 avril, du fait de son désormais ex-binationalité franco-ivoirienne. Candidat à la présidentielle d’octobre prochain, l’ancien directeur général de Credit Suisse est donc inéligible. Depuis la France, où il réside depuis plus de trois mois, dans l’attente, dit-il, de garanties suffisantes pour regagner Abidjan, il dénonce une « manipulation de la loi », une « justice aux ordres » et rejette pour le moment toute possibilité d’activer une autre candidature que la sienne.

Gardien du temple

Depuis Yamoussoukro, où Abdel Aziz a été nommé haut conseiller par son frère, Augustin Thiam soutient, lui, celle d’Alassane Ouattara. Désigné pour porter les couleurs du parti en octobre, le président n’a toutefois pas encore déclaré s’il entendait ou non briguer un quatrième mandat. « Je suis Baoulé et le Baoulé respecte la parole du chef », rappelle Augustin Thiam, chef du canton Akoué (qui regroupe 44 villages autour de Yamoussoukro), au terme d’une âpre bataille avec un autre petit-neveu de Houphouët-Boigny.

Son mandat de gouverneur s’achèvera dans la foulée de la prochaine élection présidentielle. Il affirme n’être candidat à rien et placer son destin politique entre les mains du chef de l’État. « Ce qui me motive prioritairement, c’est le travail sur le terrain, le développement de ma région », dit-il. La capitale ivoirienne – dirigée par un maire PDCI –, village natal du « Vieux » qui fit du lieu le théâtre de travaux somptuaires au coût jamais évalué et trop onéreux à entretenir, délaissée au profit d’Abidjan, aurait d’ailleurs « retrouvé l’éclat de l’époque d’Houphouët », garantit Augustin Thiam.

Source: JeuneAfrique

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