Estelle Maussion
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Face aux perturbations sur le marché international du riz, provoquées notamment par l’Inde, l’exécutif ivoirien plafonne les prix. Mais le combat contre la vie chère est délicat.
Un nouveau plafonnement et de nouveaux contrôles dans les magasins. En Côte d’Ivoire, l’exécutif et notamment le ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME, Souleymane Diarrassouba, redoublent d’efforts pour contenir l’inflation des produits alimentaires de grande consommation, dont le riz.
Après une rencontre, le 8 septembre, entre le ministre et le représentant du groupement des importateurs de riz dans le pays, le directeur général adjoint du groupe Carré d’Or, Émile Abi Aad, un arrêté interministériel signé par les ministères du Commerce, de l’Économie (Adama Coulibaly) et du Budget (Moussa Sanogo) a été pris le 11 septembre pour plafonner le prix des denrées de base, riz compris.
Flambée sauvage
La mesure, intervenue après la dénonciation d’une récente « flambée sauvage des prix de différentes qualités du riz » par une organisation de la société civile baptisée « Coalition nationale des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire SOS vie chère », a été suivie par des opérations de contrôle dans les magasins, lancées par le ministre Diarrassouba à Abidjan, et de l’appel à la population à rapporter les abus constatés.
Cette action est la dernière en date d’une série de mesures survenues ces dernières années pour tenter de préserver le pouvoir d’achat de la population. En parallèle de la relance, en 2017, du Conseil national de lutte contre la vie chère (CNLVC), qui assure une veille des prix, l’exécutif avait déjà fixé cette même année un plafonnement des tarifs des produits de grande consommation (riz, mais aussi sucre, huile et concentré de tomates).
Depuis cette date, les décrets ou arrêtés de plafonnement se sont multipliés, en 2020, 2022 et 2023. Or, force est de constater qu’ils n’ont pu que limiter l’inflation et non la contrer. Une évolution visible avec l’exemple du sac de 50 kg de riz thaï 100 % brisure dont le prix (vente au détail dans la région d’Abidjan), même encadré, n’a cessé d’augmenter : 19 600 FCFA en 2017, 23 050 FCFA en 2020, 25 050 FCFA en novembre 2022 et 25 800 FCFA en septembre 2023. Sur la même période, le prix du kilo de riz est ainsi passé de 392 FCFA en 2017 à 515 FCFA aujourd’hui.
Pas de pénurie
En écho à ce constat, le DGA de Carré d’Or, principal importateur dans le pays via l’une de ses filiales, la Société de distribution de toutes marchandises (SDTM), a, en marge de sa rencontre avec le ministre, assuré de son engagement à faire en sorte que « l’augmentation du prix du riz soit la plus raisonnable possible pour le consommateur ivoirien ».
« La Côte d’Ivoire a un stock disponible de riz qui permet de couvrir plusieurs mois de consommation. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir », a par ailleurs ajouté Souleymane Diarrassouba, rejetant tout risque de pénurie.
Cette situation s’explique en grande partie par la dépendance de la Côte d’Ivoire, malgré ses efforts pour développer la production locale de riz, aux importations et en particulier à celles venant l’Inde, son premier fournisseur depuis 2020.
Dépendance aux importations
Ainsi, en dépit d’une récolte nationale qui dépasse le million de tonnes par an, la Côte d’Ivoire compte sur les achats à l’étranger pour couvrir environ la moitié de sa consommation domestique estimée à 2,45 millions de tonnes en 2022-2023, selon les dernières données publiées par le ministère de l’Agriculture américain (United States Department of Agriculture, USDA).
Une donnée qui se conjugue à une situation de concentration au niveau national sur le plan des importateurs, la SDTM revendiquant 70 % de parts de marché, largement devant Sania, filiale du groupe Sifca, et d’autres acteurs réalisant des volumes plus modestes, dont la Compagnie d’investissements céréaliers (CIC) et Olam, mis à mal en 2019 par la découverte d’une cargaison de riz avarié venant de Birmanie.
« À Abidjan, deux sociétés assurent les deux tiers des importations de riz du pays, et le port est le point d’entrée principal de la céréale, qu’elle soit destinée à la consommation locale ou à l’exportation vers les pays voisins », a rappelé l’USDA dans sa dernière note consacrée à la Côte d’Ivoire et publiée en mai.
Dans ce cadre, toute hausse des cours de la céréale au niveau mondial se répercute tôt ou tard sur le marché national ivoirien via le riz importé. Or, le marché international a connu des perturbations récemment, a souligné le responsable de Carré d’Or, Émile Abi Aad, citant les restrictions d’exportations prises par l’Inde, premier expéditeur mondial de la denrée, mais aussi la hausse de prix constatée au Vietnam du fait d’une forte demande et l’instauration d’un prix minimum à l’exportation par le Pakistan, les deux pays étant également des fournisseurs internationaux de premier plan. Autant dire que le combat contre la vie chère va rester délicat.
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