Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les pièges à mouches de Vénus sont capables de se prémunir des incendies en refermant leurs pièges. C’est ce que démontre une étude co-écrite par deux chercheurs allemands et publiée dans la revue Current Biology.
Une plante à la technique de chasse imparable
Ces plantes carnivores, de la famille des Drosereae, sont originaires de Caroline du Nord (Etats-Unis). Elles vivent dans des sols acides, pauvres en nutriments et entourées d’herbes en tous genres qui sèchent en été. De par leur lieu de vie, elles ont deux modes d’alimentation : la photosynthèse (le fait de convertir la lumière en sucre) et le piégeage d’insectes. Leurs proies préférées, contrairement aux idées reçues – et à leur nom – sont les araignées et les fourmis. Comment s’y prennent-elles pour les attraper dans leurs filets ?
Tout d’abord, leurs pièges, composés de deux lobes vert et rouge brillants, miment parfaitement l’apparence et l’odeur d’une fleur. Les phéromones d’attraction (molécules émises par la plante qui attirent les proies) dupent les insectes qui y grimpent sans se méfier. Sur la face interne d’une des feuilles se trouvent des cils sensoriels (au nombre de trois disposés en triangle). Lorsqu’une fourmi stimule un de ces capteurs en le touchant, un signal, appelé potentiel d’action, est déclenché.
Ce potentiel d’action est un phénomène électrique (présent chez beaucoup de plantes et d’animaux) qui déclenche des réponses en fonction de son intensité et des récepteurs visés. Ici, le cil détecte la présence d’une proie potentielle. Un signal est donné et un compte à rebours d’environ 30 secondes est lancé pour éviter une perte d’énergie trop grande aux plantes.
Si, durant ce laps de temps, la fourmi part, rien ne se passe. En revanche, si elle reste, attirée par l’odeur dégagée, et qu’elle continue à stimuler les cils sensoriels, alors un deuxième potentiel d’action est déclenché et aboutit à la fermeture de ces véritables mâchoires végétales. Ce mouvement ne prend qu’un dixième de seconde, ce qui en fait l’un des plus rapides du règne végétal (à titre de comparaison, c’est plus rapide qu’un clignement d’œil) ! L’insecte se débat, furieux d’avoir été pris. Mais là est son erreur. Ou plutôt, c’est là la meilleure technique des plantes carnivores. Plus la fourmi bouge, plus elle active les cils, plus des potentiels d’action sont émis et plus les lobes se referment. Au bout de deux heures, ils sont parfaitement soudés et la digestion peut commencer.
Des cils détectant la température
Clé de voûte de la chasse, les cils n’ont pas qu’une seule utilité : ils peuvent aussi détecter la température. Ceci est possible grâce à la présence de thermorécepteurs au sein de la structure du poil. A quoi cela sert-il ? Contrairement aux animaux, qui peuvent fuir en cas d’incendies, les plantes sont condamnées à les subir. « Certaines plantes, comme les pièges à mouches de Vénus, ont développé une adaptation inédite pour survivre dans un environnement propice aux feux estivaux », nous explique Shouguang Huang, l’un des deux auteurs de l’étude.
Cette étude allemande met en lumière une capacité ingénieuse. Les thermorécepteurs agissent comme signal d’alarme de la plante. Ils s’allument lorsqu’une variation de température rapide et importante est enregistrée. Cette large amplitude de température (par exemple de 30°C à 55°C en quelques secondes) déclenche un signal similaire à celui envoyé par la présence d’une proie. Un potentiel d’action est émis grâce à l’action d’ions calcium (Ca2+).
« Dans cette étude, nous avons mis en évidence qu’une étroite relation existe entre les ions Ca2+ et les potentiels d’action », pousuit Shouguang Huang. Une boucle se crée entre la libération d’une plus grande quantité d’ions et les potentiels. C’est grâce à un afflux d’ions positif (qui conduit donc un courant électrique) qu’un deuxième potentiel d’action peut apparaitre (comme vous pouvez l’observer sur la vidéo ci-dessous). « Pour fermer les pièges, il est nécessaire d’avoir deux potentiels d’action successifs », précise le botaniste.
Des plantes carnivores qui restent fermées plusieurs jours de suite
Pour leur étude, les scientifiques ont approché une flamme d’allumette ou un air très chaud devant les pièges d’une plante. En réaction, ces derniers se sont immédiatement fermés. Ils ne se sont réouverts que des heures plus tard, en parfait état de fonctionnement (la capacité de capture n’avait pas été altérée).
Pour aller encore plus loin dans les tests, des plants ont été cultivés en mimant les conditions naturelles de leur terre d’origine. Un feu a ensuite été allumé pour observer, en vrai, comment les pièges résistent aux flammes. Si après le passage des flammes certains sont morts, d’autres ont survécu et se sont réouverts cinq jours plus tard, malgré les tissus partiellement brûlés.
Une survie basée sur la protection des pièges
La question maintenant est de savoir pourquoi la fermeture des pièges permet la survie de l’organisme. On sait que ces plantes carnivores grandissent dans un sol acide et donc relativement pauvre en nutriments. C’est pourquoi elles sont obligées de se nourrir d’animaux pour assurer leur survie. On sait aussi que les cils servaient à la capture de proies. Donc, ils sont indispensables à la vie de la plante et, de la même manière qu’un corps humain en conditions extrêmes va protéger les organes vitaux, les pièges vont protéger les cils sensoriels de la brûlure.
« Les plantes ferment leurs pièges avant que le feu arrive pour protéger leurs cils des flammes », précise le botaniste. Mais alors, sont-elles ignifugées ? En réalité, non. Elles ne doivent leur incroyable résistance qu’à la disposition dite en rosette de la plante (illustrée par l’image ci-dessous). Cette forme particulière permet une meilleure rétention d’eau, ce qui ralentit, voir arrête, les flammes. Il est aussi important de noter que les feux étudiés sont très rapides car ils se déclenchent sur des herbes hautes et très sèches qui constituent un très bon combustible. Il ne fait que passer sur et autour des plantes (qui sont plus humides que leur environnement).
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