Baudelaire Mieu
Africa-Press – Côte d’Ivoire. La mobilité demeure l’un des plus gros défis de l’agglomération abidjanaise. Alors que son train urbain ne sera opérationnel qu’en 2025 et que ses routes sont saturées, quel est le coût des embouteillages pour la capitale économique ivoirienne ?
Malgré les lourds investissements et la multiplication des chantiers engagés ces dernières années dans le cadre du Projet de transport urbain d’Abidjan (PTA), la mobilité dans la capitale économique ivoirienne reste un vrai cauchemar. Les embouteillages y sont récurrents et semblent interminables, à tel point que certains ironisent en disant que faire le trajet entre Abidjan et Yamoussoukro, la capitale politique – soit plus de 200 km –, est plus rapide que de parcourir les 20 km qui séparent les communes abidjanaises du Plateau et de Bingerville.
Manque d’interconnexions
La croissance soutenue de l’économie ivoirienne, dont Abidjan est le poumon, crée une forte attraction et vient accentuer l’explosion démographique dans l’agglomération, qui devrait compter 8,5 millions d’habitants d’ici à 2030, contre quelque 6 millions actuellement (soit plus du tiers de la population du pays). Aussi, même si le rythme de réalisation des aménagements routiers et les nouvelles infrastructures s’accélère, il reste dépassé par celui de la dynamique économique et démographique.
Les travaux du métro – plus exactement du train urbain –, dont le coût total s’élève à 2 milliards d’euros, ont débuté, mais ils sont encore au stade embryonnaire, et la mise en service de la ligne a été reportée à 2025. En attendant ce fameux métro, qui transportera plus de 540 000 personnes par jour, 70 % des trajets effectués en transports collectifs le sont à bord des bus et des bateaux de la Société de transports abidjanais (Sotra). Or, pour le moment, intramuros, les principales artères sont saturées une bonne partie de la journée. Un problème aggravé par le manque d’interconnexions des voies.
Résultat : la plupart des 3 millions d’Abidjanais qui se déplacent quotidiennement dans l’agglomération (soit plus de 17 millions de déplacements par jour) vivent un calvaire dans les embouteillages. Lesquels font perdre au pays près de 5 % de PIB par an, soit 120 milliards de F CFA (près de 183 millions d’euros) et, bien entendu, desservent l’image de la capitale économique.
La CAN, accélérateur de chantiers
Pour préparer l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de 2024, dont le coup d’envoi sera donné au stade olympique d’Ebimpé le 13 janvier prochain, l’exécutif a mis un coup d’accélérateur sur nombre de chantiers. Parmi lesquels la construction de la voie de contournement du cœur de ville (couramment appelée « rocade » ou « autoroute Y4 »), un projet de 120 milliards de F CFA, qui devrait s’achever d’ici à la fin de l’année.
Cette nouvelle artère de 26 km de long, calquée sur le boulevard périphérique parisien, va permettre aux véhicules d’éviter une traversée de la ville et, également, de relier la commune de Bingerville (Sud-Est) et le stade olympique Alassane-Ouattara Ebimpé (Nord-Ouest), avec une connexion sur l’autoroute du nord. En visite sur le chantier à la fin d’octobre, le Premier ministre, Robert Beugré Mambé, a donné « un délai de quarante-cinq jours pour finir les travaux » du deuxième et dernier tronçon, qui accusait du retard, notamment dans la réalisation des ouvrages d’art.
Par ailleurs, pour fluidifier le trafic, plusieurs échangeurs ont été réalisés, comme celui de l’Indénié, qui a déjà permis de réduire considérablement les embouteillages sur le boulevard De-Gaulle et sur la corniche de Cocody. Le gouvernement s’attèle à rendre opérationnels d’ici à la mi-janvier les autres échangeurs en construction (dont le taux de réalisation dépassait 85 % mi-novembre).
Enfin, le pont Alassane-Ouattara, inauguré en août dernier, permet, lui aussi, de résorber considérablement les embouteillages. Cet ouvrage en forme de queue de cheval dressée (qui offre une vue panoramique sur le stade Félix-Houphouët-Boigny) enjambe un bras de la lagune Ébrié pour « connecter » les communes de Cocody et du Plateau.
En outre, les ministères chargés des Transports et de l’Équipement routier sont en train de revoir une partie du plan de circulation, avec l’accord du président Alassane Ouattara. En effet, les Ivoiriens gardent un très mauvais souvenir de deux matchs amicaux joués en octobre dernier par les Éléphants de Côte d’ivoire, l’un contre les Lions de l’Atlas du Maroc, et l’autre contre les Bafana Bafana d’Afrique du Sud. Au cours de ces matchs, le boulevard du Général-de-Gaulle, qui longe le stade Houphouët-Boigny, a été fermé pendant neuf heures, ce qui a créé des embouteillages monstrueux et paralysé une partie de la ville. Une expérience que les autorités ne veulent pas voir se reproduire. « Nous travaillons sur un nouveau plan de circulation qui fluidifiera davantage le trafic. L’objectif est de ne pas pénaliser les populations, ni l’économie, qui doit continuer à tourner », a expliqué Amadou Koné, le ministre des Transports.
Voies en site propre
Pendant la CAN (du 13 janvier au 12 février), tous les moyens de transports seront mis à contribution. L’une des solutions sera l’ouverture des voies d’embranchement du quatrième pont pour réduire le nombre de véhicules qui transitent par l’autoroute du Nord. Selon des estimations, environ 120 000 véhicules utilisent quotidiennement cette voie express, l’ouverture du contournement du quatrième pont permettra à 45 000 voitures de pouvoir circuler sans être contraintes de passer par l’autoroute du Nord.
Dans la ville, les pouvoirs publics ont mis en priorité l’accent sur les transports terrestres, avec l’utilisation de bus de la Sotra pour le grand public, ainsi que des navettes privées pour les délégations. Des voies « dédiées », en site propre, seront ouvertes : ainsi, sur le boulevard Valéry-Giscard-d’Estaing, la plus longue artère de la capitale économique, qui traverse les communes du Sud de la ville, les contre-allées seront transformées en voies réservées aux motos et aux bus de transports en commun, communément appelés gbakas.
Sur le front lagunaire, une concertation a été lancée entre la Sotra et les deux opérateurs privés, la Compagnie ivoirienne de transports lagunaires (Citrans) et la Société de transport lagunaire (STL), pour mutualiser leurs moyens (une vingtaine de bateaux devraient être affectés à cette opération). En outre, un quai sera créé sur la marina du Sofitel Ivoire, qui se trouve juste en face du stade Houphouët-Boigny.
Depuis quelques mois, Abidjan a commencé à vivre au rythme de la CAN, et cette « cadence CAN » va crescendo puisque les premières délégations, ainsi que certains supporters, arrivent dans le courant du mois de décembre. De quoi tester les mesures mises en place en matière de mobilité. « A priori, tout devrait bien se passer, assure Amadou Koné. Nous n’avons pas d’inquiétudes, nous nous adapterons au fur et à mesure. Toutes les équipes restent mobilisées. » Abidjan a déjà de l’expérience dans l’organisation de grands évènements internationaux, mais sur des délais courts. La CAN s’étendra, elle, sur quatre semaines.
Source: JeuneAfrique
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