Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable pourraient-elles digérer le gluten ou le blé? C’est ce que suggère une récente étude publiée dans la revue The Lancet Gastroenterology & Hepatology.
Le syndrome de l’intestin irritable touche environ 5% de la population française, selon l’Assurance Maladie, et de 5 à 10% de la population mondiale, selon la Fédération internationale des troubles gastro-intestinaux (IIFGD). Il se caractérise par des douleurs abdominales récurrentes ainsi que des troubles du transit intestinal: constipation, diarrhée ou les deux en alternance. Les causes du syndrome de l’intestin irritable n’ont pas été identifiées, bien que le gluten soit souvent cité comme source d’inconfort par les patients.
Il n’existe toutefois pas de test pour diagnostiquer ce syndrome, à la différence de la maladie cœliaque. Cette dernière est une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire réagit à une protéine du gluten. Et cette maladie se diagnostique grâce à un test sanguin. Pour l’instant, le syndrome de l’intestin irritable soulève donc beaucoup de questions. « Certaines études suggèrent une forme de réaction immunitaire. Or le gluten et le blé sont les deux causes les plus fréquemment citées par les patients atteints de ce syndrome. Nous avons donc voulu, à l’origine, essayer d’identifier une possible réaction », explique à Sciences et Avenir le professeur Premsyl Bercik, gastroentérologue à l’Université McMaster à Hamilton (Canada) et auteur de cette étude.
Pas de différence avec ou sans blé et gluten
Pour tenter d’y voir plus clair, l’équipe a recruté des personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable et adeptes d’un régime sans gluten. Ces individus ont reçu trois types de régimes alimentaires différents, à chaque fois sous forme de barres de céréales. « Nous avons fait en sorte qu’il soit impossible pour les participants de distinguer ces différentes barres de céréales, afin de ne pas fausser l’étude. Les barres de céréales elles-mêmes ont été l’objet de publications scientifiques avant même que nous ne démarrions l’expérience », raconte Premsyl Bercik. Le premier régime alimentaire comprenait du gluten pur et du blé pur, à raison de 10 grammes par jour durant sept jours. Le deuxième du blé complet ainsi que du gluten. Le troisième ne comprenait ni gluten, ni blé.
Chaque patient est donc passé par ces trois phases différentes et ses symptômes ont été à chaque fois mesurés avant et après grâce au test IBS-SSS, le questionnaire de référence pour évaluer la sévérité des symptômes dans le syndrome de l’intestin irritable. L’étude a été réalisée en double aveugle, ce qui signifie que ni les participants, ni le personnel médical encadrant ne savait à quel régime alimentaire le groupe était soumis. « A notre grande surprise, les résultats ont montré que les patients reportaient le même niveau de désagréments qu’ils consomment du gluten et du blé ou non », s’étonne le chercheur. 39% des individus se sentaient mal après avoir consommé du blé, 39% après avoir consommé du gluten et 36% après avoir consommé le placebo dans lequel il n’y avait aucun des deux. « Cela suggère que seule une part des individus se pensant sensibles au gluten l’est vraiment. Certains ont réellement une sensibilité à cette protéine mais pour de nombreux autres, leur choix d’éviter les aliments contenant du gluten provient d’une croyance. »
« Une leçon pour les gastroentérologues »
Le deuxième volet de l’étude a, lui aussi, révélé son lot de surprises. Pour contrôler comment les participants digèrent la nourriture qui leur a été transmise, des analyses de matières fécales ont été réalisées tout au long de l’expérience. Or, durant la phase « sans gluten » du régime, 57% des participants montraient encore des traces de gluten dans leurs matières fécales. Impossible qu’il s’agisse de « restes » plus anciens, puisque « avec les matières fécales, on peut remonter maximum à 48 heures, voire 72 heures dans de rares cas », explique le chercheur. « Cela montre à quel point le régime sans gluten est difficile à suivre, même pour les personnes l’ayant adopté depuis longtemps comme les participants à notre étude. Le gluten se trouve dans de nombreux aliments et une contamination croisée avec des aliments dont ils ne savaient pas qu’ils contenaient du gluten est possible. »
Le gluten est un groupe de protéines présent dans les différentes espèces de blé (mais aussi l’épeautre ou le kamut), l’orge, le seigle et les hybrides de ces variétés. Il est présent dans les céréales (blé – donc froment, blé dur, kamut, épeautre – seigle, orge, avoine, sarrasin), dans toutes les pâtes à base de blé (spaghetti ou macaroni par exemple), mais aussi dans le couscous, dans certaines sauces, dans les charcuteries, dans la bière, dans le seitan et dans tous les produits de boulangerie (pain, gâteau, pâtisserie, viennoiserie…). Par ailleurs, de nombreux produits transformés contiennent du gluten comme additif, à l’instar des sauces industrielles, de la sauce soja, des bonbons, du chocolat, des substituts de viande végétariens, et des aliments panés comme les nuggets ou les bâtonnets de poisson.
Dernière interrogation: durant la phase où les participants ont reçu un régime classique, 25% des individus n’avaient aucune trace de gluten dans leurs selles alors qu’ils étaient censés en avoir consommé. « Il est possible que ces personnes aient ressenti des symptômes inconfortables à ce moment-là et qu’elles aient décidé d’arrêter de consommer les deux dernières barres de céréales du protocole », suppose le chercheur.
A l’issue de l’expérience, les participants ont été informés du résultat. « Et pourtant, à ma grande surprise encore une fois, la plupart d’entre eux ont poursuivi leur régime sans gluten », raconte le Pr Premsyl Bercik. Parmi les neuf personnes qui ont abandonné le régime sans-gluten, trois ont expliqué qu’il n’améliorait pas leurs symptômes et six l’ont fait par contrainte financière, les produits sans gluten étant plus chers que les autres. « C’est une leçon pour nous les gastroentérologues. On ne peut pas simplement annoncer à un patient qu’en réalité, il digère bien certains aliments. Les malades nécessitent plus d’orientation sur la façon de réincorporer ces protéines dans leur alimentation. Il faut par ailleurs réussir à comprendre ce qui cause réellement leur problème. »
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