Thaïs Brouck
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le texte final, adopté lors de la Conférence des parties à Dubaï, mentionne pour la première fois une transition « hors des énergies fossiles ». Mais la question des engagements des pays riches pour aider les pays vulnérables a provoqué le courroux des Africains, qui ne sont pas parvenus à faire entendre leur voix. Coulisses.
En ce matin du 13 décembre, lorsque Sultan Ahmed Al Jaber frappe le pupitre de son marteau, un tonnerre d’applaudissements envahit la salle du centre de conférence de Dubaï. Qualifié d’historique, le document préparé par le président émirati de la Conférence mentionne, pour la première fois, un sujet jusqu’alors tabou : les énergies fossiles. Le Global stockstake, c’est-à-dire l’accord final, n’évoque cependant pas de « sortie » du pétrole, du gaz et du charbon, comme le réclamaient les ONG, l’Union européenne (UE), les États insulaires et certains pays d’Amérique du Sud.
Le texte se contente d’appeler à « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ».
« Irréaliste mais aussi injuste »
Un accord de compromis donc, mais qui semble avoir oublié les intérêts du continent africain, selon leurs représentants. Dans un document préparé par le groupe Afrique et envoyé à Sultan Ahmed Al Jaber par Collins Nzovu, le ministre zambien de l’Économie verte et de l’Environnement, les pays du continent regrettent que le texte ne fasse aucune référence au soutien nécessaire aux pays en développement pour entreprendre cette transition énergétique. « Il est non seulement irréaliste, mais aussi injuste, d’attendre des pays en développement qu’ils supportent le fardeau de cette transition sans un soutien financier adéquat et prévisible de la part des pays développés », note le document consulté par Jeune Afrique.
S’ils se félicitent de l’adoption du cadre sur l’objectif mondial en matière d’adaptation (Global goal on Adaptation Framework), les représentants africains reprennent à leur compte les mots du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres : « Un cadre sans moyens de mise en œuvre est comme une voiture sans roues. »
La majorité des pays du continent sont confrontés à une explosion de leurs taux d’endettement, notamment à cause de la hausse des taux d’intérêts. Ainsi, le groupe Afrique regrette que « le texte actuel n’aborde pas ce problème critique qui entrave la mise en œuvre de l’adaptation ». Dans le document, les auteurs réclamaient notamment des modifications du paragraphe 7, qui souligne l’objectif du cadre, et du paragraphe 33, sur les moyens mis en œuvre. Les pays africains souhaitaient que ce texte « exhorte » les pays développés à fournir aux pays en développement des financements pour « mettre en œuvre des mesures, plans, programmes et projets d’adaptation urgents ». Une disposition contraignante en somme. Cependant, dans la version finale du Global goal on Adaptation Framework, le mot « exhorte » n’a pas été retenu, mais remplacé par « demande ».
Loin du compte
Pour autant, plusieurs avancées sur le front du financement de l’adaptation au changement climatique ont eu lieu pendant la COP28. D’une part, bien que considéré comme très insuffisant, le fonds « pertes et dommages » (Loss and damage fund) est devenu réalité. D’autre part, les parties se sont mises d’accord pour tripler la capacité de production d’énergie renouvelable au niveau mondial et pour doubler l’efficacité énergétique. Une maigre compensation pour le continent.
Début septembre, les 54 pays d’Afrique adoptaient la Déclaration de Nairobi, un texte sanctionnant le premier Sommet africain sur le climat, porté par le président kenyan William Ruto. Parlant d’une seule voix pour peser lors des débats de la COP28, le continent réclamait l’augmentation de « la capacité de production d’énergies renouvelables de l’Afrique de 56 gigawatts en 2022 à au moins 300 gigawatts d’ici à 2030 », ainsi que l’établissement d’une « nouvelle architecture de financement adaptée aux besoins de l’Afrique, y compris la restructuration et l’allégement de la dette ». L’objectif est loin d’être atteint.
Source: JeuneAfrique
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