En Côte d’Ivoire, Guikahué dans les pas de Bédié ?

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En Côte d’Ivoire, Guikahué dans les pas de Bédié ?
En Côte d’Ivoire, Guikahué dans les pas de Bédié ?

Aïssatou Diallo – à Abidjan

Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’ex-bras droit de l’ancien chef de l’État est l’un des cinq candidats à sa succession à la présidence du PDCI. Avec une promesse : s’il est élu, il se consacrera uniquement au parti et ne se présentera pas à la présidentielle de 2025.

« Guikahué président ! » « Guikahué président ! » Ce 21 novembre, à Cocody, ils sont plusieurs dizaines, vêtus de pagnes aux couleurs vert et blanc du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), à attendre le meeting de leur champion. Quelques jours plus tôt, Maurice Kakou Guikahué, 72 ans, a déposé sa candidature à la présidence du parti. Le secrétaire exécutif en chef fait ainsi partie des cinq prétendants à la succession d’Henri Konan Bédié, décédé le 1er août.

Dans la salle, des vice-présidents, élus, délégués et secrétaires de section, qui ont fait le déplacement. Ce sont eux qui voteront le 16 décembre lors d’un congrès électif qui n’a jamais été aussi ouvert dans la longue histoire du parti. Soudain, le présentateur annonce l’homme du jour : « Celui grâce à qui on peut toujours porter nos pagnes PDCI-RDA est là ! » Tous se mettent debout pour l’applaudir.

Malgré le décès de Bédié, dont il était le secrétaire exécutif en chef, Guikahué continue à jouer un rôle important au sein du parti. Il est resté à son poste aux côtés du président par intérim, Cowppli Boni Kwassi, jusqu’à la décision de ce dernier de le « mettre en congé durant la période d’organisation des élections pour garantir l’égalité des chances ». Si tous les autres candidats ont accepté cette directive, Guikahué, lui, s’y est opposé, dénonçant une absence de « fondement légal ».

Lors d’une rencontre du président par intérim avec les candidats, il avait déjà refusé de se soumettre à ce qui n’était encore qu’une suggestion. « Aussi loin que je me souvienne, il n’en a jamais été ainsi. J’en veux pour preuve les cas de messieurs Laurent Dona Fologo et Alphonse Djédjé Mady, alors secrétaires généraux du parti, ou celui du président Henri Konan Bédié, qui ont tous été candidats sans cette mesure particulière », assène-t-il dans un courrier adressé à Cowppli Boni Kwassi.

Cardiologue de formation

Ce mardi après-midi, devant ses soutiens, Maurice Kakou Guikahué présente les raisons de sa candidature. « Le président Félix Houphouët-Boigny, dont j’ai été le dernier médecin, m’a confié ceci : “Je vous laisse Bédié et le PDCI.” Dieu merci, j’ai été fidèle et loyal au président Bédié, qu’il a plu au Tout-Puissant d’arracher à notre affection […]. Aujourd’hui, il reste la seconde partie du testament : protéger et pérenniser le PDCI. »

Pour le secrétaire exécutif en chef, il s’agit donc d’une « candidature par devoir ». « Je suis le seul trait d’union entre les anciens et les jeunes », a-t-il ajouté. Deux figures de la jeunesse du parti sont à la manœuvre dans son équipe : Adi Isac Kouamé, le député-maire de Prikro, est son directeur de campagne, et Marius Konan, le député d’Attiégouakro, son porte-parole. Tous deux mettent en avant le parcours de leur candidat qui a « gravi tous les échelons ».

Né en janvier 1951 dans un village près de Gagnoa – dont il est député depuis 2016 –, Maurice Kakou Guikahué est cardiologue. Très tôt, il s’engage en politique et milite au sein du Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (Meeci), dont il devient le président au début des années 1980. Aujourd’hui encore, ses anciens camarades du mouvement forment un bloc compact autour de lui. Dans un communiqué publié le jour du dépôt de sa candidature, les ex-Meecistes lui ont ainsi assuré leur « soutien total et inconditionnel » lors du congrès électif.

C’est au chevet de Félix Houphouët-Boigny qu’il rencontre Henri Konan Bédié dans les années 1990. S’ensuivront plus de vingt ans de compagnonnage politique. Quand Bédié devient président, Guikahué intègre le gouvernement en tant que ministre de la Santé, en 1993. Au sein du parti, il occupe plusieurs postes, dont celui de secrétaire national chargé de la mobilisation. Un rôle clé qui lui permet de maîtriser les complexes rouages du PDCI. Lors d’un congrès, en 2013, Bédié met fin au secrétariat général pour le remplacer par un secrétariat exécutif du président. Il en confie la responsabilité à son homme de confiance, Maurice Kakou Guikahué.

Un « irréductible »

Au fil des années, le cardiologue prend une place centrale dans la gestion quotidienne du parti. Lorsque la question se pose d’intégrer le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), il fait partie de ceux qui montent au créneau pour défendre l’autonomie de leur formation. Une intransigeance qui leur vaut le surnom d’« irréductibles ». « Pour mémoire, le 17 juin 2018, dans cette salle mythique des réunions du bureau politique, nous étions à deux doigts de dissoudre le PDCI. Il a fallu que des hommes, dont Maurice Kakou Guikahué, se battent pour que le parti puisse résister », insiste Adi Isac Kouamé.

Après le fiasco de la désobéissance civile lors de la présidentielle de 2020, puis les faibles résultats aux dernières élections locales, sa gestion est de plus en plus critiquée. En l’absence de Bédié, dont il est apparu pendant longtemps comme le bras droit, c’est désormais lui qui est considéré par certains comme le principal responsable de ce bilan.

Ces dernières années, Guikahué a aussi vu son influence s’effilocher. Bédié avait en effet réaffecté à d’autres certaines de ses prérogatives et l’avait affublé d’un adjoint, Georges Philippe Ezaley, ancien maire de Grand-Bassam. Jusqu’au bout, l’ancien président a fait sienne la doctrine « diviser pour mieux régner », favorisant tantôt un clan, tantôt un autre.

Résultat : il est resté seul capitaine à bord, demeurant intouchable malgré les critiques et les demandes insistantes de renouveau générationnel. À la manœuvre depuis les années 1990, Guikahué parviendra-t-il à incarner le changement souhaité par certains ? Pour ses soutiens, les tensions que le parti a vécues ces dernières années étaient d’abord le fait de « clans formés pour que leur champion soit dégagé ».

Toujours sous contrôle judiciaire

Alors que l’élection du leader du parti se mène aussi avec la présidentielle de 2025 en toile de fond, Guikahué a surpris en s’engageant à s’« occuper exclusivement du PDCI ». « J’ai pris la décision de ne pas me présenter à la magistrature suprême une fois élu à la tête du parti, mais de m’atteler à le préparer et à le mettre à la disposition de tous les prétendants à la présidence de la République. C’est un engagement ferme de ma part ! » a-t-il martelé sous les applaudissements de ses soutiens. Un engagement qui semble avoir du mal à convaincre ses adversaires, qui pointent aussi volontiers le fait qu’il est toujours sous contrôle judiciaire depuis la crise postélectorale de 2020.

En attendant le congrès du 16 décembre, Cowppli Boni Kwassi, le président par intérim, continue de discuter avec les uns et les autres pour désigner un candidat par consensus. Un comité de conciliation, dirigé par Émile Constant Bombet, un autre poids lourd de la formation, est notamment à la manœuvre. Le comité électoral, lui, doit rendre publique la liste définitive des candidats à la présidence du parti d’ici le 2 décembre.

Source: JeuneAfrique

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