Ghazouani et Ouattara Propulsent Sidi Ould Tah

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Ghazouani et Ouattara Propulsent Sidi Ould Tah
Ghazouani et Ouattara Propulsent Sidi Ould Tah

Marwane Ben Yahmed

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les présidents mauritanien et ivoirien ont joué un rôle prépondérant dans la victoire de l’ancien patron de la Badea face à des candidats de poids, notamment issus de l’Afrique australe. Coulisses.

Dans la salle des congrès du Sofitel Ivoire, à Abidjan, le 29 mai, le suspense n’aura duré que quelques heures. En trois tours de scrutin, le Mauritanien Sidi Ould Tah s’impose à la tête de la Banque africaine de développement (BAD) avec 76,18 % des suffrages, dont plus de 72 % des voix africaines, reléguant le Zambien Samuel Maimbo (20,26 %) et le Sénégalais Amadou Hott (3,55 %) loin derrière. La victoire est sans appel, et constitue un précédent dans l’histoire de l’institution. Jamais un président n’avait été élu avec une telle majorité dès le troisième tour. Ce succès, Sidi Ould Tah le doit en grande partie à une alliance stratégique tissée entre Nouakchott et Abidjan, qui a su fédérer au-delà des clivages linguistiques et géopolitiques africains.

Emmanuel Macron sollicité

Sidi Ould Tah, 64 ans, n’était certes pas un inconnu. Depuis une décennie, il dirigeait la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), bras financier de la Ligue arabe sur le continent. Sous sa houlette, l’institution a profondément changé de dimension, s’imposant comme un acteur clé du financement du développement. En soutenant sa candidature, le chef de l’État mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a fait le choix d’un profil extérieur à la scène politique locale, mais parfaitement ancré dans les cercles arabes et africains du développement. En 2024, alors président en exercice de l’Union africaine (UA), Ghazouani a su tirer profit de cette position pour tisser un réseau de soutiens.

Face à de sérieux candidats, notamment les anglophones Samuel Maimbo et Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), le choix d’Ould Tah s’est imposé comme un compromis stratégique, à la fois arabisant, francophone, musulman et anglophone-compatible. Avec le concours actif de son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, de son Premier ministre, Moctar Ould Diay, et de son ministre des Finances, Sid Ahmed Ould Bouh, Ghazouani lance une véritable campagne continentale.

Entré tardivement dans la compétition, le candidat mauritanien part avec un temps de retard sur ses concurrents. Mais le soutien appuyé du chef de l’État change rapidement la donne. Dans les heures précédant le scrutin, Ghazouani contacte personnellement plusieurs homologues. Il convainc Abdelmadjid Tebboune de tourner le dos à la Sud-Africaine Swazi Tshabalala, longtemps favorite d’Alger. Il obtient également l’adhésion du Nigérian Bola Tinubu – soutien crucial du plus grand actionnaire africain de la BAD – avec l’appui d’Alassane Ouattara et de Faure Essozimna Gnassingbé.

Dès le premier tour, Abuja vote pour Sidi Ould Tah. L’Égypte suivra au second, après un appel entre Ghazouani et Abdel Fattah al-Sissi. Enfin, le président français, Emmanuel Macron, s’engage à convaincre ses homologues du G7 (Canada, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni, États-Unis), ce qui sera effectif entre les deuxième et troisième tours. Le Maroc, qui avait choisi Amadou Hott au départ, a lui aussi écouté Ghazaouni au deuxième tour.

Le soutien de Serge Ekué

L’autre acteur décisif de la victoire d’Ould Tah, c’est Alassane Ouattara (ADO), fin connaisseur des rouages de l’institution. Très tôt, il est alerté sur le profil de Sidi Ould Tah par Serge Ekué, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et soutien de la première heure du Mauritanien, qu’il considère comme le plus à même de capter les financements du Sud global. Or, dans l’esprit d’ADO, le monde d’hier – celui de l’aide occidentale classique – est en voie d’extinction. Ce que résume Serge Ekué: « Le monde de l’aide au développement financée par l’Occident est mort. L’Afrique doit aller chercher l’argent là où il est. Et le docteur Ould Tah est le mieux placé pour cela. »

Pour Ouattara, Sidi Ould Tah était le meilleur candidat pour le continent. Il s’est donc lui aussi impliqué activement, en échangeant avec ses homologues africains, comme le Béninois Patrice Talon ou le Gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema qui avaient fait d’autres choix au départ, ou ceux du Golfe. Son soutien précoce, dès septembre 2024, bien avant que la campagne ne soit officiellement lancée, a sans doute rebattu les cartes. Le bloc de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), d’habitude divisé, a ainsi rapidement penché en faveur d’Ould Tah, affaiblissant les candidatures d’Amadou Hott et de Samuel Maimbo.

La diplomatie ivoirienne, pilotée par la ministre de l’Économie, du Plan et du Développement Nialé Kaba, qui préside aussi le Conseil des gouverneurs de la BAD, a fait le reste, en jouant un rôle de courroie de transmission entre actionnaires africains et non africains. ADO a également chargé son directeur de cabinet, Fidèle Sarassoro, de suivre de très près le processus et de lui rendre compte quasi quotidiennement de son évolution. Avec le succès que l’on sait…

Source: JeuneAfrique

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