L’Alliance des États du Sahel (AES), un tournant décisif pour l’Afrique de l’ouest ?

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L’Alliance des États du Sahel (AES), un tournant décisif pour l’Afrique de l’ouest ?
L’Alliance des États du Sahel (AES), un tournant décisif pour l’Afrique de l’ouest ?

Alex Sinhan Bogmis

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Au cœur de la région sahélienne, une nouvelle dynamique stratégique se dessine avec la création récente de l’Alliance des États du Sahel (AES). Le 16 septembre dernier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont signé la Charte du Liptako-Gourma, jetant ainsi les bases de cette alliance qui promet de redéfinir la lutte contre le terrorisme et de remodeler les équilibres régionaux. Cet acte audacieux a ravivé les débats sur l’avenir du G5 Sahel, mais il ne s’arrête pas là. L’AES déploie une vision ambitieuse allant au-delà de la sécurité, visant l’indépendance économique et l’intégrité des États.

– L’Alliance des États du Sahel (AES), signe de la mort définitive du G5 Sahel ?

Le 16 septembre dernier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé la signature de la Charte du Liptako-Gourma, créant ainsi l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette nouvelle alliance vise à assurer la défense collective des populations de ces États. Cette initiative, survenue après le retrait du Mali du G5 Sahel en mai 2022, a suscité des interrogations quant à l’avenir de ce dernier et à l’émergence d’un “G3 Sahel” aux objectifs similaires, mais avec une approche différente.

En 2022, le Mali s’est retiré du G5 Sahel (composé de la Mauritanie, du Tchad, du Burkina Faso et du Niger) en signe de protestation contre le refus de certains pays de lui accorder la présidence tournante de cette instance régionale. Le Mali dénonçait également une tentative d’instrumentalisation orchestrée par un “État extrarégional” visant à l’isoler. Des observateurs ont également évoqué des manœuvres concertées avec la France pour marginaliser les autorités de transition maliennes au sein des organisations sous-régionales.

La défection du Mali a mis en évidence le caractère délicat du G5 Sahel, qui est resté en grande partie inopérant depuis sa création en 2014, malgré le lancement de sa force conjointe en 2017. Cette situation découle en grande partie du manque de financement extérieur, dû à des pressions internationales, notamment des États-Unis, et d’un soutien insuffisant de la part de la France. En revanche, la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES), centrée sur la région du Liptako-Gourma, est ancrée dans une réalité palpable.

Le Liptako-Gourma, également connu sous le nom de la “zone des trois frontières”, est une région partagée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Outre sa richesse en ressources naturelles telles que l’or, le diamant, l’uranium, le manganèse, le gaz et le pétrole, cette région est le théâtre d’attaques terroristes récurrentes depuis plus d’une décennie.

La création de l’Alliance des États du Sahel (AES) représente un nouveau chapitre dans la lutte contre le terrorisme. Elle dépasse les ambitions du G5 Sahel en coordonnant non seulement les efforts militaires mais aussi économiques. Cette alliance vise à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et à combattre la criminalité organisée dans cette région cruciale. Elle prévoit également la mise en place d’une “architecture de défense collective et d’assistance mutuelle” dans un proche avenir.

L’article 6 de la Charte de l’Alliance établit que toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’une des parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres, engageant ainsi une obligation d’assistance mutuelle, y compris l’usage de la force armée pour rétablir la sécurité.

En outre, les articles 5 et 8 de la Charte permettent à chaque partie de chasser ou de combattre les rebelles et les terroristes cherchant refuge sur son territoire. Cette alliance renforcée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger peut être perçue comme une étape décisive pour la sécurité et la défense des populations de la région des “Trois frontières”.

– Impact sur d’autres institutions régionales

Les objectifs proclamés de l’Alliance des États du Sahel (AES) vont au-delà de la sécurité. Les trois pays signataires ont exprimé leur volonté de promouvoir “l’indépendance, la dignité et l’émancipation économique”. Cette position soulève des questions sur la création éventuelle de nouvelles institutions, notamment monétaires, susceptibles d’influencer les réformes au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe huit pays partageant la monnaie commune FCFA.

La Charte de l’Alliance précise également l’engagement des trois pays à “défendre leur unité nationale et l’intégrité de leurs États” en mutualisant leurs actions militaires contre le terrorisme et d’autres menaces sécuritaires. Cette coopération renforcée vise à faire face ensemble aux multiples défis auxquels ces États sont confrontés.

Par ailleurs, la France, dont les relations se sont tendues avec ces trois pays, pourrait être perçue comme une menace potentielle. Des rapports ont révélé d’importantes sommes d’argent versées par la France, ainsi que par d’autres pays européens, en rançons versées à Al-Qaïda depuis 2008, alimentant ainsi indirectement le terrorisme au Sahel.

La Charte du Liptako-Gourma prévoit également que les trois pays se protègent mutuellement, notamment en ce qui concerne leurs frontières. Leurs armées auront la possibilité d’opérer dans l’ensemble de cet espace, en particulier dans la poursuite des terroristes au-delà des frontières.

Cependant, il est à noter que les trois pays se sont engagés à ne pas mettre en place de blocus économique, contrairement à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a imposé des sanctions économiques après les récents coups d’État dans la région sahélienne.

La Charte de l’Alliance évoque également la création d’organes destinés à mettre en œuvre ses dispositions. Il est possible que ces organes couvrent des domaines tels que l’économie, la culture, la politique et les affaires sociales, ce qui pourrait accélérer les réformes dans les institutions régionales œuvrant dans ces domaines.

De plus, l’article 10 de la Charte précise que le financement de l’Alliance des États du Sahel se fera principalement par les trois pays signataires. Cependant, compte tenu de leur dépendance à l’égard de la France en tant que pays émetteur de la monnaie FCFA, il est plausible de se demander si cela pourrait annoncer la création future d’une monnaie commune entre ces trois États.

L’article 11 de la Charte encourage également l’intégration de nouveaux membres partageant des critères culturels et idéologiques similaires. Il reste à voir qui pourrait rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES) dans le futur.

Source: AA

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