Théodore Partheeban (Olam Agri) : « Nous investissons en priorité dans les technologies et les pratiques durables »

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Théodore Partheeban (Olam Agri) : « Nous investissons en priorité dans les technologies et les pratiques durables »
Théodore Partheeban (Olam Agri) : « Nous investissons en priorité dans les technologies et les pratiques durables »

Nadoun Coulibaly

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le vice-président senior et directeur Afrique de la filiale du groupe singapourien dévolue aux activités agro-industrielles revient sur la cession en cours d’Olam Agri à un groupe saoudien. Une transaction qui, selon lui, va permettre à cette entité de se développer plus vite.

Pour Olam, géant singapourien des matières premières, l’Afrique représente l’avenir. D’autant que son entité Olam Agri, très active sur le continent, est fondamentale pour les revenus du groupe. Elle représente près de 90 % des volumes traités, 65 % du chiffre d’affaires et 55 % du résultat d’exploitation. Fort de ce constat, Olam Agri entend se positionner comme un acteur incontournable de la sécurité alimentaire et de l’alimentation animale et ce, en revendiquant un certain respect de la sauvegarde des ressources naturelles.

Basé à Abidjan, Théodore Partheeban est vice-président senior et directeur Afrique d’Olam Agri, filiale dédiée aux activités agro-industrielles du groupe contrôlé par le fonds souverain singapourien Temasek Holdings. Ce cadre historique du géant du négoce explique à Jeune Afrique sa stratégie et les enjeux d’une approche axée sur une agriculture durable.

Jeune Afrique: Après avoir cédé à la Société saoudienne d’investissement dans l’agriculture et l’élevage (Salic) plus de 35 % des parts de sa division Olam Agri en 2022, Olam Group envisage de vendre la totalité de cette entreprise valorisée à 3,5 milliards de dollars. Quel impact cette transaction aura-t-elle pour Olam Agri en Afrique de l’Ouest ?
Théodore Partheeban: La cession de plus de 35 % des parts d’Olam Agri à Salic représente une étape stratégique pour notre expansion. Grâce à ce partenariat, Olam Agri et Salic travaillent ensemble pour renforcer les chaînes de valeur durablement, tout en contribuant à la sécurité alimentaire mondiale.

En Afrique de l’Ouest, où nous opérons dans le coton et l’hévéa, la farine de blé, le riz et l’alimentation pour animaux, cet investissement nous permet de continuer à renforcer notre soutien aux petits exploitants en modernisant nos infrastructures et en augmentant notre capacité de transformation locale. Nous restons résolument engagés à jouer un rôle moteur dans le développement agricole de la région tout en respectant les normes internationales en matière de durabilité, telles que la certification Regenagri dans le coton et notre adhésion à la Global Platform for Sustainable Natural Rubber (GPSNR) pour l’hévéa.

Nous avons également investi dans des programmes de formation pour aider les agriculteurs à adopter des pratiques plus durables et à améliorer la qualité de leurs récoltes. L’investissement nous permet également de croître à un rythme plus rapide et de créer un solide réseau de clients fidèles, de boulangers et d’éleveurs de volaille grâce à notre engagement différencié et étroit avec eux.

Notre position de leader dans le secteur des produits alimentaires et de l’alimentation animale nous permet de jouer un rôle central dans le renforcement de la sécurité alimentaire en Afrique. Par exemple, notre annonce récente d’expansion au Ghana témoigne de notre engagement à investir dans des infrastructures de transformation alimentaire modernes, ce qui renforce notre capacité à fournir des produits de haute qualité tout en soutenant l’économie locale et en contribuant à la sécurité alimentaire.

Olam a récemment annoncé la création d’une usine de production de pâtes au Ghana. Quels sont les objectifs de ce projet ?

Nous visons l’expansion de nos capacités de production de farine de blé au Ghana. Ce projet se déroulera en deux phases et, une fois terminé, il répondra à la totalité de la demande de pâtes au Ghana. En tant que seule usine de production de pâtes dans le pays, elle permettra de rapprocher les produits des consommateurs ghanéens. Un blé de meilleure qualité sera directement mobilisé et transformé par Olam Agri pour la production de pâtes, garantissant ainsi un meilleur contrôle de la qualité.

Comptez-vous dupliquer ce modèle à d’autres marchés africains ?

En mars dernier, nous avons acquis Avisen [le montant de la transaction s’élève à 18 millions de dollars, ndlr], deuxième plus grand fournisseur d’aliments pour volaille au Sénégal. Cette absorption s’inscrit dans la stratégie d’Olam Agri de renforcer et d’étendre ses capacités dans le domaine de l’alimentation animale et des protéines, et d’investir dans des entreprises ayant de solides positions sur le marché. Nous consolidons notre présence en Afrique de l’Ouest en tant que l’un des principaux producteurs d’aliments pour animaux et de poussins d’un jour au Nigeria, tout en générant des synergies avec notre activité de meunerie de blé au Sénégal.

Nous envisageons d’étendre davantage notre activité de meunerie de blé et de production de pâtes ailleurs en Afrique, en ciblant le Mozambique et les pays de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe). La consommation de produits à base de blé a connu une forte croissance au Mozambique au cours des deux dernières décennies, triplant depuis le début des années 2000, avec un taux de croissance annuel moyen de 5 %, pour atteindre plus de 700 000 tonnes métriques de blé consommées chaque année. Le pays est également une porte d’entrée vers les pays de la SADC. Il partage une frontière avec six pays – la Tanzanie, le Malawi, la Zambie, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud et l’Eswatini – dont quatre sont enclavés. Avec ses ports dynamiques, le Mozambique est idéalement placé pour répondre aux besoins de ces pays voisins.

Quelle stratégie adoptez-vous pour vous imposer notamment dans l’hévéa ?

Olam Agri a su se positionner comme un acteur incontournable dans le secteur de l’hévéa grâce à une approche axée sur l’efficacité, l’innovation, la durabilité et la digitalisation. Nous collaborons étroitement avec un réseau en pleine croissance de plus de 20 000 petits exploitants en Côte d’Ivoire pour garantir des pratiques agricoles durables et une traçabilité complète de notre chaîne d’approvisionnement. Notre modèle d’achat digitalisé permet des paiements rapides, sécurisés et sans numéraire, renforçant ainsi la confiance avec nos partenaires locaux.

Notre usine certifiée de transformation d’Aniassué est l’une des plus modernes, avec une capacité annuelle de transformation de 88 000 tonnes. Nous construisons actuellement une deuxième usine dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, à Dibobli, prévue pour le dernier trimestre de l’année, qui nous permettra de doubler notre capacité de transformation pour atteindre 176 000 tonnes par an. Cette expansion vise à répondre à la demande croissante en caoutchouc naturel de haute qualité, tout en créant des emplois locaux et en stimulant le développement économique des régions où nous opérons. Cette expansion vise à soutenir la transformation locale et à offrir aux producteurs un accès direct aux marchés internationaux.

Quels sont vos objectifs dans la production cotonnière ?

Ils sont très clairs: augmenter notre capacité industrielle à 150 000 tonnes d’ici à la campagne 2025/2026. Actuellement, Olam Agri travaille avec plus de 22 000 producteurs et 412 coopératives, pour assurer une production durable et de haute qualité. Nous voulons tirer parti des régions à fort potentiel agricole comme Kong, pour élargir notre couverture. Cet engagement s’accompagne d’un soutien continu aux petits exploitants à travers des formations techniques, l’accès aux intrants en quantité et en qualité et aux équipement agricoles.

Nous facilitons l’accès aux financements et à un accompagnement aux pratiques de production durables. À cet effet, nous travaillons avec différents partenaires pour la mise en œuvre de certains projets en lien avec cette vision tels que le projet Sub Sahran Cotton – initiative soutenue par la GIZ et mise en œuvre avec l’appui de Solidaridad – mais également des programmes axés sur l’amélioration de la fertilité des sols soutenus par African Cotton Foundation, Aid by trade foundation, l’ICRAF et Mitsubishi corporation.

En 2022, le groupe avait annoncé son intention d’investir 150 millions d’euros sur trois ans pour accroître ses capacités de transformation en Côte d’Ivoire. Ces objectifs sont-ils aujourd’hui atteints ?

Olam Agri a réalisé des progrès significatifs dans ses secteurs clés, comme le caoutchouc et le coton, en Côte d’Ivoire. Cet investissement reflète notre engagement à renforcer la transformation locale, à améliorer les chaînes d’approvisionnement et à soutenir le développement des communautés rurales. Il a généré environ 600 emplois locaux et contribue au développement économique des régions concernées. Grâce à l’intégration de technologies de pointe, nous mettons l’accent sur la durabilité, notamment à travers des initiatives de réduction des émissions de carbone et de gestion efficace de l’eau, comme l’installation de systèmes de collecte d’eaux pluviales et l’utilisation de l’énergie solaire. Nous sommes également attentifs au développement communautaire.

Par exemple, notre programme Gouassou continue de récompenser les meilleurs planteurs de caoutchouc en leur fournissant des équipements essentiels, des outils de production et des kits scolaires pour leurs enfants, renforçant ainsi notre engagement envers l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs. Dans le secteur du coton, notre programme Ofanan honore chaque année les meilleurs producteurs et coopératives, incluant certaines actions à l’endroit de leurs communautés, en reconnaissant l’excellence dans les pratiques agricoles.

Enfin, nos priorités d’investissement à venir incluent l’intégration de nouvelles technologies et de pratiques durables dans nos opérations. Nous continuerons à investir dans des initiatives de transformation locale, tout en développant des projets liés à l’agriculture régénérative, la digitalisation des processus et l’amélioration des moyens de subsistance des communautés agricoles. Ces efforts contribueront à notre ambition de faire de la Côte d’Ivoire un pôle d’excellence pour la transformation agricole en Afrique de l’Ouest, tout en maximisant les impacts positifs pour les producteurs locaux et l’économie nationale.

« En Côte d’Ivoire, nous sommes la première entreprise cotonnière en Afrique à obtenir la certification Regenagri pour notre production de coton. Ce programme d’agriculture régénérative promeut la santé des sols, la biodiversité et réduit les émissions de gaz à effet de serre »

Sécurité alimentaire, développement durable… Comment Olam Agri, géant mondial de négoce des matières premières agricoles, fait-il pour concilier ces exigences ?

Nous avons adopté une approche intégrée pour concilier ces deux enjeux majeurs pour l’avenir de l’agriculture et des communautés avec lesquelles nous travaillons. Notre stratégie repose sur l’agriculture régénérative, qui permet de préserver les ressources naturelles tout en augmentant la productivité agricole.

En Côte d’Ivoire, nous sommes la première entreprise cotonnière en Afrique à obtenir la certification Regenagri pour notre production de coton. Ce programme d’agriculture régénérative promeut la santé des sols, la biodiversité et réduit les émissions de gaz à effet de serre, tout en favorisant la séquestration du carbone. Nous aidons nos producteurs à adopter des pratiques agricoles innovantes, telles que l’utilisation de compost Bokashi et de Biochar, afin d’améliorer les rendements tout en limitant l’impact environnemental. Ces initiatives, en plus d’améliorer la productivité, ouvrent des opportunités de financement supplémentaires à travers les marchés des crédits carbone.

Nous intégrons aussi la traçabilité dans nos chaînes d’approvisionnement grâce à des systèmes de géolocalisation, ce qui nous permet de suivre chaque étape de la production, du champ jusqu’au produit fini. Cette démarche garantit le respect des normes internationales les plus strictes, y compris les nouvelles exigences du Règlement européen sur les produits sans déforestation (EUDR). Nos clients peuvent ainsi être assurés que nos matières premières sont produites de manière responsable. Nous nous efforçons de faire en sorte que nos pratiques agricoles et industrielles protègent les ressources naturelles tout en créant de la valeur pour les producteurs locaux et les communautés dans lesquelles nous opérons.

Enfin, nous sommes engagés en faveur de la prospérité des communautés agricoles. Par exemple, notre programme de Villages d’Épargne et de Crédit (VSLA), mis en place en partenariat avec des ONG telles que Solidaridad, permet à plus de 5 000 bénéficiaires, en majorité des femmes, d’accéder à des services financiers pour développer leurs propres activités génératrices de revenus.

Comment se porte Olam Nigeria, après les accusations de fraudes que le groupe avait catégoriquement démenties en 2023 ?

Nous tenons à réitérer que nous avons toujours traité cette affaire avec la plus grande transparence et avons publié l’ensemble des informations disponibles dans un esprit de responsabilité.

Quelles sont vos prochaines cibles en termes d’investissement ?

À l’avenir, nous continuerons d’investir dans l’intégration de technologies innovantes dans nos opérations, en particulier dans le domaine de la transformation locale. Nous prévoyons de renforcer notre capacité de production dans le coton et l’hévéa, tout en soutenant les communautés agricoles grâce à des programmes pour améliorer les conditions de vie et l’éducation des producteurs. Nos efforts futurs se concentreront également sur la durabilité, avec des investissements dans les énergies renouvelables et la décarbonation de nos activités.

Source: JeuneAfrique

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