Par Alain Aka (à Abidjan)
Africa-Press – Côte d’Ivoire. À huit semaines des législatives, Tidjane Thiam a nommé l’un de ses fidèles au poste de secrétaire exécutif en chef. Une décision qui fait grincer des dents au sein du plus vieux parti de Côte d’Ivoire.
Sitôt la page de la présidentielle tournée, il faut déjà préparer les législatives. Alors que les candidats qui souhaitent briguer un siège de député sous la bannière du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ont jusqu’à ce 5 novembre pour déposer leurs dossiers, Tidjane Thiam a choisi de confier les rênes de la formation à un homme peu connu du grand public: Calice Yapo Yapo.
Ce dernier était jusqu’à présent porte-parole adjoint du parti, fonction qu’il cumulait avec celle de haut représentant pour le district des Lagunes. Âgé de 63 ans, il remplace Emmou Sylvestre au poste de secrétaire exécutif en chef. Lui a été fait conseil spécial de Tidjane Thiam, avec rang de vice-président.
Un proche de Patrick Achi
Né à Agbaou, dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, Calice Yapo Yapo a construit sa carrière politique dans l’ombre de Patrick Achi. C’est d’ailleurs à lui que cet homme qui était à l’époque directeur général adjoint de l’Agence des routes (Ageroute) doit son entrée au gouvernement, en mars 2010, au poste de ministre du Commerce.
En 2018, quand le PDCI rompt son alliance avec le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Patrick Achi se range derrière Alassane Ouattara et entraîne avec lui Calice Yapo Yapo qui deviendra son premier vice-président au Conseil régional de La Mé. À l’époque pourtant, « de nombreux cadres PDCI ont perdu leurs postes dans l’administration », souligne un membre du bureau politique du parti, convaincu que la proximité de Yapo avec Achi l’a protégé. Le 2 juin 2020, il est nommé « membre du bureau politique » par Henri Konan Bédié « pendant la période de confinement due à la pandémie du coronavirus ».
La relation entre les deux hommes paraît alors résister au temps et aux aléas de la politique. En septembre 2022, alors que le PDCI est dans l’opposition depuis quatre ans, Calice Yapo Yapo appelle encore publiquement les habitants d’Agbaou à « prier pour Patrick Achi tous les jours, car c’est lui seul qui a fait du bien à Agbaou ».
« Avec Thiam, le secrétariat exécutif n’a aucun pouvoir »
Mais en septembre 2023, lors des élections régionales, les liens se distendent. Calice Yapo Yapo finit par perdre son poste au Conseil régional de La Mé au profit de Jean-Luc Assi, ancien ministre de l’Environnement et président du conseil d’administration de la Société pour le développement minier de la Côte d’Ivoire (Sodemi). Les raisons de ce déclassement restent floues.
Quelle va désormais être sa marge de manœuvre au poste de secrétaire exécutif en chef? Contactés par Jeune Afrique, ni l’intéressé ni le porte-parole du PDCI n’ont souhaité s’exprimer. « Sous l’administration Thiam, le secrétariat exécutif n’a aucun pouvoir », affirme en revanche l’ancien député Claude Emolo, connu pour les critiques qu’il a pu formuler à l’endroit du président du parti.
« L’essentiel des pouvoirs a été transféré aux hauts représentants dans les différents districts », ajoute-t-il, en expliquant que ceux-ci sont aujourd’hui placés sous la coordination de Noël Akossi Bendjo. Et c’est à son directeur de cabinet, Alain Cocauthrey, que Tidjane Thiam a confié le suivi de ses décisions. « Au temps de [Maurice Kakou] Guikahué ou de [Alphonse] Djédjé Mady, c’était autre chose, conclut, cinglant, Claude Emolo. Aujourd’hui, on ne sait même pas à quel rang se situe le secrétaire exécutif dans l’ordre protocolaire. »
La loyauté récompensée
Interrogée sur la raison de la nomination de Calice Yapo Yapo, une de nos sources assure qu’il s’est distingué en prenant part aux réunions organisées pour préparer l’élection de Tidjane Thiam à la tête du PDCI, en décembre 2023. Des réunions auxquelles ont notamment assisté Djedri N’Goran, qui vient lui d’être nommé au poste de secrétaire exécutif en chef adjoint, mais aussi Georges Philippe Ezaley, l’ancien maire de Grand-Bassam, Abdel Aziz Thiam, le frère aîné de Tidjane Thiam, ou encore Emmou Sylvestre. Il est donc considéré comme un fidèle de Tidjane Thiam.
Il ne manque toutefois pas de détracteurs dans sa famille politique. L’un des plus virulents n’est autre que sa propre cousine, Valérie Yapo, une dissidente du PDCI qui a connu son heure de gloire en contestant la légitimité de Thiam à la tête du parti. Elle reproche à son parent sa proximité passée avec Patrick Achi, pour qui il aurait « fait campagne » lors des élections locales de 2023. Elle estime également qu’il n’est « pas compétent politiquement » alors que le PDCI regorgeait – selon elle – de cadres « qui sont là depuis des années » et qui auraient pu prendre les rênes du parti. « Il faut vraiment sauver le PDCI », conclut-elle.
Claude Emolo ne dit pas autre chose, quand il regrette que Tidjane Thiam n’ait pas fait primer l’ancienneté militante sur toutes autres considérations. « Calice Yapo Yapo n’est pas un militant de longue date ni un membre du sérail, tacle-t-il. Ce n’est pas quelqu’un que l’on a côtoyé dans les heures difficiles. »
Contactés par Jeune Afrique pour réagir à ce « remaniement », plusieurs cadres PDCI préfèrent observer un silence prudent, à l’instar de Jacques Ehouo, député-maire du Plateau et secrétaire exécutif chargé de la Jeunesse et de l’Insertion. « Souffrez que je ne puisse faire de commentaire pour l’instant, répond-il. Aujourd’hui, nous sommes concentrés sur les législatives. C’est la priorité. »
Source: JeuneAfrique
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