Martine Biron : « Le Québec se démarque des autres partenaires de l’Afrique »

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Martine Biron : « Le Québec se démarque des autres partenaires de l’Afrique »
Martine Biron : « Le Québec se démarque des autres partenaires de l’Afrique »

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Élue députée pour la première fois en octobre 2022, Martine Biron a été nommée, dans la foulée, ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec. Une nouvelle expérience pour cette ancienne journaliste de Radio-Canada, qui passe pour l’une des plus fines analystes de la scène politique provinciale. Aujourd’hui, outre les questions internationales, et en particulier africaines, elle gère l’un des dossiers les plus importants de la diplomatie québécoise : celui de la francophonie.

Comment les relations du Québec avec l’Afrique évoluent-elles ?

Martine Biron : Elles ne cessent de se multiplier et de se renforcer à mesure que nous approfondissons nos actions de solidarité internationale. En matière d’éducation, par exemple, notre coopération ne se limite plus à attirer des étudiants africains. Elle consiste à développer, des deux côtés de l’Atlantique, des partenariats aux effets bénéfiques en matière de recherche, de formation continue, de transfert d’expertise. Sur le plan économique, l’essor du continent, combiné à l’émergence d’un environnement plus propice aux affaires, permet d’envisager des relations commerciales encore plus fructueuses.

Quel a été l’impact de la pandémie de Covid-19 sur cette dynamique ?

Elle a donné une nouvelle impulsion à notre volonté d’intensifier et de diversifier notre action sur le continent. Le gouvernement québécois a ainsi, dès qu’il l’a pu, renforcé sa diplomatie économique. L’Afrique a fait l’objet d’une approche adaptée car il ne s’agit pas d’un marché de proximité pour nos entreprises, qui, au moment de la crise sanitaire, étaient confrontées à des difficultés d’approvisionnement, à la hausse des prix et à une pénurie de main-d’œuvre. Il était donc très important de me rendre sur place dès le début de mon mandat [en janvier 2023], pour bien montrer l’importance que le Québec accorde au renforcement de ses relations avec l’Afrique.

Que retenez-vous de cette visite au Sénégal et en Côte d’Ivoire ?

Mon premier constat est que le Québec se démarque des autres [partenaires de l’Afrique], et que notre approche est particulièrement appréciée de nos interlocuteurs locaux. Le second est que la vitalité de nos relations d’affaires repose, sur place, sur une grande variété d’acteurs québécois : de nos représentations (à Rabat, à Dakar, à Abidjan), qui perpétuent le travail de nos organismes de coopération présents en Afrique depuis plus de cinquante ans aux entrepreneurs d’aujourd’hui, qui marchent dans les pas de ceux qui, hier, ont ouvert la voie. Chacun de ces acteurs participe au développement de modèles économiques équitables et durables, contribuant ainsi aux changements en cours dans certains pays africains. C’est dans cette direction que je souhaite engager notre diplomatie.

Quelle feuille de route vous a-t-on confiée au moment de votre nomination, s’agissant de l’Afrique ?

En décembre 2021, le Québec a dévoilé sa première Stratégie territoriale pour l’Afrique. Elle met l’accent sur le volet économique de nos relations et, au-delà de nos actions de coopération, sur la nécessité de développer de solides liens politiques avec les États partenaires. Cette « diplomatie d’influence » est, à mes yeux, fondamentale. La Stratégie territoriale prévoit que nous investirons environ 55 millions de dollars canadiens [38,5 millions d’euros] pour une période de cinq ans afin de soutenir et d’accompagner nos entreprises qui ont des projets d’exportations en Afrique.

Pour quelles raisons l’Afrique est-elle importante pour le Québec ?

Parce qu’au fil de ces dernières décennies, nous avons réussi à tisser des liens de solidarité forts. Parce que l’Afrique est un continent en chantier, et que notre expertise peut contribuer positivement à l’aider à relever les défis auxquels elle est confrontée. Ce formidable potentiel africain est à la fois rassurant et intéressant pour nos acteurs économiques, qui, justement, s’efforcent de diversifier leurs marchés.

Quelles sont les principales conséquences des dernières mesures que le gouvernement québécois a prises pour favoriser l’immigration économique francophone ?

Le Québec est confronté à une pénurie de main-d’œuvre qui, dans certains secteurs comme la santé et les services sociaux, devient préoccupante. Pour combler ces besoins, le Québec doit recruter des travailleurs étrangers temporaires. Il a décidé de miser sur l’immigration francophone ou francotrope, et, à cet égard, l’Afrique dispose d’un important réservoir de candidats. Dès 2018, notre ministère de l’Immigration a affecté des ressources à nos représentations de Dakar et de Rabat pour favoriser le recrutement, sur place, de travailleurs et de talents. Ce type d’immigration peut être gagnant pour tout le monde lorsqu’il permet le retour dans leur pays d’origine de travailleurs qualifiés disposant de diplômes reconnus et d’une expérience valorisée.

Quel rôle la Francophonie joue-t-elle dans le développement de vos relations avec l’Afrique ?

Elle est un vecteur [de communication] privilégié, qui permet au Québec de renforcer ses liens avec ses partenaires africains. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est un espace d’échange et d’inspiration dans de nombreux domaines : la culture, le numérique, la démocratie, les droits humains, et, bien sûr, l’économie.

Le Québec semble particulièrement impliqué dans le dossier de la francophonie économique. Pour quelles raisons ?

Nous sommes en effet d’ardents promoteurs de cette francophonie économique, comme nous serons toujours d’ardents défenseurs de la langue française, partie intégrante de notre identité et qui recèle un potentiel économique majeur. C’est pourquoi nous exerçons notre leadership dans ce dossier, en assurant, depuis 2018, la vice-présidence de la Commission économique de l’OIF. Nous avons aussi participé à la rédaction de la nouvelle Stratégie économique pour la Francophonie, définie en novembre 2020.

Nous sommes également très impliqués dans l’Alliance des patronats francophones, et nos entreprises ont dépêché de très importantes délégations aux deux premières Rencontres des entrepreneurs francophones (REF), qui se sont déroulées en France et en Côte d’Ivoire. La ville de Québec accueillera d’ailleurs, du 11 au 13 juin, la prochaine édition de ces rencontres. En juillet 2022, nous avions déjà reçu les Rendez-Vous d’affaires de la Francophonie, qui ont été un succès. La langue française est un vecteur de développement et d’intégration économique pour l’ensemble de l’espace francophone. Nous devons en profiter.

Comment s’articulent ces actions québécoises et celles du Canada ?

En tant qu’État fédéré, le Québec a ses propres domaines de responsabilités et de compétences (éducation, culture). De manière plus générale, notre réelle complémentarité [avec l’État fédéral] nous permet de collaborer dans des domaines d’intérêts communs tels que le commerce, l’immigration et la Francophonie.

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