Par Florence Richard
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Confortablement réélu le 25 octobre, le chef de l’État ivoirien se sait très attendu par ceux qui, dans son propre camp, aspirent au changement. Réussira-t-il à leur donner des gages en vue des législatives?
La majorité présidentielle est déjà passée à autre chose. Mardi 28 octobre, au lendemain de sa confortable réélection, qui lui permet d’exercer un quatrième mandat, Alassane Ouattara recevait l’ambassadeur d’Italie, dont la mission s’achève, tandis que ses lieutenants procédaient aux premiers arbitrages internes en vue des législatives de la fin de décembre.
Après une séquence politique marquée par la crainte d’une nouvelle crise, par un tour de vis sécuritaire et par le sentiment que le match était joué d’avance, une nouvelle page est déjà en train de s’écrire en Côte d’Ivoire. Le président le sait: il devra composer avec les impatients de tous bords. À commencer par ceux qui s’expriment dans son propre camp.
L’impatience des partisans du RHDP
Issouf fait partie des soutiens de la première heure d’Alassane Ouattara, ceux qui estiment avoir contribué à son accession au pouvoir, il y a quinze ans. « Nous, les transporteurs, l’avons porté jusqu’à la victoire », insiste ce chauffeur routier tout en roulant sur le boulevard lagunaire du Plateau, à Abidjan, d’où l’on aperçoit la future tour F, dont on dit qu’elle sera l’une des plus hautes d’Afrique, ou encore le spectaculaire pont haubané Alassane-Ouattara, inauguré en 2023. « Regardez, l’argent circule, mais pas chez nous », déplore Issouf. Le chauffeur n’a pas compris la décision, prise en 2018, de limiter les importations de vieux véhicules jugés trop polluants, lui qui n’a pas les moyens de s’acheter une voiture, ni pourquoi son quotidien ne s’est pas davantage amélioré malgré les progrès économiques significatifs de son pays.
« On attend toujours plus d’un bon élève », estime un proche de chef de l’État, qui dit entendre les préoccupations des électeurs du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), la formation au pouvoir. « Ils savent qu’il s’agit du dernier mandat du président, c’est pour cette raison que les attentes sont aussi fortes », poursuit cette source. Alassane Ouattara a beau avoir remporté 89,77 % des suffrages à la présidentielle du 25 octobre, le taux d’abstention a été très fort (près de 50 %) et une certaine lassitude a gagné une partie de ses sympathisants.
Les arbitrages qu’il faudra faire dans la perspective des élections législatives du 27 décembre s’annoncent comme un délicat jeu d’équilibre. D’un côté, Alassane Ouattara ne peut ignorer ces cadres et militants qui espèrent un « renouvellement » ; de l’autre, il lui sera difficile de tordre le bras à cette vieille garde qui rechigne à s’effacer. C’est le cas de Mamadou Diawara, le doyen des députés du RHDP. Cet octogénaire était déjà présent à la création du Rassemblement des républicains (RDR), au début des années 1990. « Il n’entend pas s’en aller. Un de nos jeunes est allé le voir pour lui confier son envie de se présenter dans sa circonscription, il a refusé », souffle un cadre du parti, dépité.
La fin du dépôt des candidatures est fixée au 12 novembre. « Nous trancherons sur la base de l’efficacité, en prenant en compte l’envie de la jeunesse de nous représenter », assure-t-on néanmoins au RHDP, où l’on n’envisage pas d’autre scénario que celui d’un raz-de-marée face à une opposition déjà exsangue.
Renouvellement ne devrait toutefois pas rimer avec ouverture – le gouvernement doit être remanié après les législatives. Alassane Ouattara exclut tout scénario d’union nationale, lui qui avait placé Kouadio Konan Bertin, seul adversaire à avoir disputé le match électoral en 2020, au ministère de la Réconciliation avant de le nommer ambassadeur au Gabon. « Le président n’y croit pas », affirme un membre de son premier cercle. « Les intérêts des uns et des autres sont trop divergents. Le principal, pour lui, est de s’entourer de gens compétents », assume une source dans son entourage.
Coup de fil à Gbagbo
Après avoir reconnu sa défaite, Jean-Louis Billon, arrivé deuxième du scrutin avec 3,09 % des voix, a appelé à « l’union » et au « rassemblement de tous les fils et des filles de Côte d’Ivoire ». Simone Ehivet Gbagbo, troisième avec 2,42 % des suffrages, a, pour sa part, de nouveau réclamé « l’ouverture d’un dialogue national inclusif ». Dans une récente interview accordée à Jeune Afrique, l’ancienne première dame avait par ailleurs plaidé en faveur d’une loi d’amnistie pour Laurent Gbagbo.
Selon nos informations, après avoir pris sa décision de solliciter un quatrième mandat, Alassane Ouattara avait appelé son prédécesseur, qu’il n’a pas revu depuis 2022, pour l’en avertir et pour lui proposer une rencontre. Au bout du fil, Laurent Gbagbo, radié des listes électorales en raison d’une condamnation judiciaire et donc exclu de la présidentielle, en avait pris acte. La rencontre, elle, n’a pas eu lieu, l’ancien président invoquant son état de fatigue.
Source: JeuneAfrique
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