Éducation : la Côte d’Ivoire fait face à un manque persistant de professeurs

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Éducation : la Côte d’Ivoire fait face à un manque persistant de professeurs
Éducation : la Côte d’Ivoire fait face à un manque persistant de professeurs

Florence Richard

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien, qui a multiplié la construction d’établissement scolaires ces dernières années, cherche à recruter plus de professeurs dans les régions sous-dotées en effectifs. Mais certains syndicats craignent pour la qualité de l’enseignement, faute d’un niveau suffisant chez ces futures recrues.

Au lycée moderne de Biankouma, importante localité de la région montagneuse du Tonkpi, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, pas une année scolaire ne s’écoule sans qu’une grève ne vienne perturber les cours. La dernière remonte au mois de janvier. Les salles de classe sont restées vides plusieurs jours. La puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) réclamait l’électricité dans les salles de classe, des tables, des bancs pour les écoliers et le recrutement de davantage de professeurs « en vue d’améliorer le processus d’apprentissage des élèves ». Des revendications entendues maintes fois d’un mouvement de protestation à l’autre.

L’établissement public compte 5 300 élèves pour une soixantaine d’enseignants seulement. Sekongo Doferin est l’un deux. Professeur d’anglais depuis treize ans, il fait face chaque jour à des classes surchargées de « 80 à 100 élèves en moyenne ». Un nombre qui est même monté jusqu’à 127 l’année dernière, un record dans sa carrière. Cette année, au lycée moderne de Biankouma, huit niveaux de sixième se partagent quatre classes. Ainsi, les enfants ne viennent étudier qu’une partie de la journée pour ensuite laisser la place aux autres. Une situation loin d’être isolée en Côte d’Ivoire.

Dans ces conditions, comment garantir un enseignement de qualité ? « C’est très compliqué », assure le professeur d’anglais, qui est aussi le secrétaire général national du syndicat Mepsci (Mouvement des enseignants du primaire et du secondaire de Côte d’Ivoire). À chaque rentrée scolaire, il constate, résigné, que certains de ses collègues ont décidé de « laisser la craie » pour se tourner vers d’autres professions où les conditions d’exercice seront, espèrent-ils, meilleures. Lui tient bon malgré les difficultés quotidiennes. Mais pour combien d’années encore ?

Un recrutement qui n’a pas suivi

Depuis 2011, la Côte d’Ivoire, où l’éducation est obligatoire de 6 à 16 ans depuis 2015, a entrepris un vaste programme de construction d’établissements scolaires à travers toute l’étendue du territoire pour faire face à la forte croissance démographie, mais aussi rapprocher l’école des enfants nés dans les zones rurales. Ainsi, 2 182 établissements préscolaires, 6 283 écoles primaires, 168 collèges de proximité, dont 42 en 2023, sont sortis de terre. Mais aussi dix lycées d’excellence de jeunes filles avec internat, plus quatre supplémentaires qui seront construits cette année.

Une explosion du nombre d’établissements et de salles de classe que les recrutements d’enseignants réalisés ces dernières années sont loin d’avoir comblés. Au plan national, selon les données fournies par le ministre de l’Éducation nationale, le besoin de professeurs dans le secondaire se chiffre actuellement à 2 386 enseignants. Au niveau du préscolaire et du primaire, il manquait 7 100 enseignants fin 2023. Les disciplines scientifiques restent les plus impactées, notamment les mathématiques. Sur 55 postes de professeurs de mathématiques de lycée proposés au concours d’entrée 2023 de l’École normale supérieure (ENS), il n’y a eu que 20 candidats.

« L’État travaille sans relâche pour combler les besoins enregistrés partout sur le territoire. Si la plupart des grandes villes sont épargnées – avec des sureffectifs constatés dans certains établissements à Abidjan, Yamoussoukro, Divo, Bouaké, Gagnoa, Daloa ou encore Korhogo –, les petites localités souffrent du déficit d’enseignants. Tout le monde veut servir à Abidjan ou dans les chefs-lieux de région », explique Xavier Effoue, le directeur de la communication du ministère de l’Éducation nationale.

« Une réforme majeure »

Le ministère a donc amorcé cette année « une réforme majeure » visant à recruter dans les régions les plus délaissées via le lancement du concours régionalisé d’entrée au sein des Centres d’animation et de formation pédagogique (Cafop). Une réforme issue des travaux des États généraux de l’éducation nationale et de l’alphabétisation, lancés en 2021.

Pour l’heure, elle ne concerne que le préscolaire et le primaire, avec un objectif de 6 000 nouvelles recrues cette année, mais elle devrait être étendue « à moyen terme » au secondaire. Dans un pays où le taux d’alphabétisation reste relativement bas, à 53 %, le défi de ces recrutements est central, répète la ministre Mariatou Koné, anthropologue de formation, en poste depuis le mois d’avril 2021, qui a hérité d’un secteur particulièrement sinistré.

Après leur formation, les futurs maîtres prendront leur service pour une durée minimale de dix ans, avant toute mutation dans une autre région. Mais selon les syndicats, si la nécessité de recruter s’impose, le problème de la qualité du recrutement demeure. Car pour faire acte de candidature à la fonction d’instituteur adjoint, seul le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) est demandé.

Hausse du niveau et des primes

« Le plus important n’est pas le recrutement de proximité, mais le relèvement du niveau des candidats. Il n’est pas possible de recruter des personnes qui n’ont que le BEPC. Ils n’ont pas la consistance intellectuelle suffisante », estime le syndicaliste Pacôme Attaby.

« Il faut dégager un budget conséquent pour recruter un maximum d’enseignants par voie de concours et les former conséquemment. Nous rejetons le recrutement des instituteurs adjoints avec le niveau BEPC. Ils n’ont pas le bagage intellectuel assez solide pour la formation de base », abonde Sekongo Doferin.

Au-delà de ces recrutements, la condition d’exercice des professeurs en place pose toujours question, pointe le professeur d’anglais. Les syndicats réclament notamment le paiement de primes dites de correction. « L’école de qualité, à laquelle l’ensemble des Ivoiriens aspirent, passe également par l’amélioration des conditions des enseignants, assure Xavier Effoue. C’est pourquoi le ministre fait le suivi et les plaidoyers nécessaires auprès des structures compétentes pour le paiement des primes de correction dans les délais raisonnables. »

Source:jeuneafrique

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