Africa-Press – Côte d’Ivoire. Face aux cas de précarisations dans le monde du travail en Côte d’Ivoire, la Fédération Générale des Travailleurs de Côte d’Ivoire (FGTCI) appelle à un sursaut collectif. Dans un entretien accordé le vendredi 23 mai à KOACI, le Secrétaire général de la centrale syndicale, Zegbeuh Koudou Evariste, a dressé un tableau sombre de la situation des travailleurs ivoiriens, tout en présentant une vision structurée de sortie de crise.
Dix ans après la promulgation du Code du travail de juillet 2015, l’application des textes peine à se traduire en amélioration concrète pour les travailleurs. « Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge », déplore le SG, évoquant une multiplication des pratiques abusives dans les entreprises privées: liberté syndicale confisquée, contrats précaires, SMIG inadapté, harcèlement, licenciements sans motif valable et recours systématique à des cabinets de placement qui modifient unilatéralement les contrats.
« Certains travailleurs restent journaliers jusqu’à la retraite. Dans plusieurs entreprises, élire un délégué du personnel relève du parcours du combattant », témoigne Zegbeuh Koudou, qui accuse certains employeurs de contourner les textes avec la complicité d’un syndicalisme corrompu. Les travailleurs subissent en silence un « martyr quotidien » dans leur quête de dignité.
La situation n’est guère meilleure dans le secteur public. À titre d’exemple, des enseignants ayant observé trois jours de grève pour réclamer une prime incitative ont subi des ponctions salariales jugées « disproportionnées et inédites ». Pour la FGTCI, cela illustre la fragilité du droit de grève dans un contexte où, selon Zegbeuh, « le glaive prime sur le droit ».
S’appuyant sur l’article 18 de la Constitution ivoirienne et la convention 87 de l’OIT sur la liberté syndicale, la centrale syndicale exprime son soutien à tous les travailleurs victimes de sanctions pour avoir réclamé un mieux-être. « La lutte paiera forcément. Les grandes choses s’obtiennent toujours dans la douleur indicible », affirme son premier responsable.
Mais au-delà du constat, la FGTCI entend jouer un rôle moteur dans la refondation du monde du travail. Sa vision s’articule autour de quatre grands piliers: la création d’une université syndicale pour former les travailleurs, la mise en place d’un parlement syndical pour fédérer les forces, un observatoire national du travail pour documenter les abus, et enfin une banque du travailleur pour améliorer l’accès au crédit et renforcer l’autonomie financière des salariés.
La centrale estime que l’État a une responsabilité majeure dans la régulation du marché du travail. « L’ordonnancement juridique doit être en adéquation avec le vécu des entités impliquées, en protégeant les plus faibles contre les plus forts », soutient Zegbeuh Koudou. Il déplore que dans une économie extravertie, les multinationales imposent leurs règles au détriment des intérêts nationaux et des droits des travailleurs.
Dans cette logique, la FGTCI plaide pour la création de véritables champions économiques nationaux, capables de générer des emplois dignes, et appelle à une revalorisation de la politique sociale pour redonner au travailleur ivoirien sa place et sa dignité.
« Notre ambition est grande pour l’ensemble des travailleurs de Côte d’Ivoire. De notre capacité à nous organiser dépendra notre survie dans cette jungle où seuls les plus forts triomphent », conclut Zegbeuh Koudou Evariste, qui invite les travailleurs à se mobiliser dès maintenant pour faire du 1er Mai 2026 un tournant décisif.
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