Présidentielle en Côte d’Ivoire : quatre prétendants pour un fauteuil

18
Présidentielle en Côte d'Ivoire : quatre prétendants pour un fauteuil
Présidentielle en Côte d'Ivoire : quatre prétendants pour un fauteuil

Africa PressCôte d’Ivoire. C’est le jour J en Côte d’Ivoire. Quelque 7,5 millions d’électeurs (sur 25 millions d’habitants) ont le choix entre quatre candidats : le président Ouattara, 78 ans, l’ancien président Henri Konan Bédié, 86 ans, chef du principal parti d’opposition, Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, et l’outsider Kouadio Konan Bertin, 51 ans, indépendant.

Alors, les Ivoiriens vont-ils aller voter ou suivre l’appel au boycott de l’opposition ? Une chose est sûre, les chiffres de la participation seront scrutés avec une attention toute particulière, puisqu’une grande part de la légitimité du vainqueur en dépendra.

Sur le plan matériel, de l’aveu même de la Commission électorale indépendante, les actes de désobéissance civile des militants de l’opposition ont freiné la distribution des cartes d’électeurs, avec moins de la moitié des 7,5 millions citoyens inscrits sur les listes qui ont pu retirer leur précieux sésame.

Les bureaux de vote, qui ouvrent à 8 heures (locales et GMT), doivent fermer à 18 heures. La commission électorale a cinq jours pour annoncer les résultats.

Comme en Guinée, où la réélection du président Alpha Condé pour un troisième mandat contesté a provoqué des troubles ayant fait une vingtaine de morts, l’opposition ivoirienne juge un troisième mandat « anticonstitutionnel » et a appelé ses partisans à la « désobéissance civile », puis au « boycott actif ».

L’élection en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, redevenue la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest francophone après dix ans de forte croissance, fait donc craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques djihadistes incessantes au Sahel, par un putsch au Mali et une contestation politique chez le géant voisin nigérian.

Une trentaine de personnes sont mortes depuis le mois d’août lors de manifestations qui ont viré aux affrontements interethniques dans plusieurs villes du pays, et quelque 35 000 membres des forces de l’ordre ont été déployés pour assurer la sécurité des bureaux de vote.

« Toutes les dispositions ont été prises afin de permettre le vote des populations […] dans la paix et la tranquillité », a affirmé, vendredi soir, le ministre de la Sécurité, Diomandé Vagondo.

« Il y aura forcément des incidents dans des zones de l’opposition », nuance toutefois une source sécuritaire. Des milliers d’Ivoiriens ont quitté les grandes villes, comme Abidjan ou Bouaké, pour rentrer dans leurs villages.

« Je ne veux pas revivre ce qu’on a vécu en 2010. Si tout se passe bien, on reviendra. Tout dépend de ce qui va se passer », a confié Véronique Yao, commerçante, en quittant Abidjan.

Vendredi encore, des troubles ont été signalés à Yamoussoukro, la capitale politique, ou encore dans la ville de Bonoua à une soixantaine de kilomètres à l’est d’Abidjan. L’ONU et l’UE ont aussitôt appelé à ce que la présidentielle en Côte d’Ivoire « se déroule de manière pacifique ».

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, « exhorte tous les leaders politiques et d’opinion, ainsi que leurs partisans, à s’abstenir de toute incitation à la violence, de répandre la désinformation et d’utiliser des discours de haine », a précisé dans une déclaration son porte-parole, Stéphane Dujarric.

Antonio Guterres « encourage les autorités, y compris les forces de sécurité, à créer un environnement sûr et à protéger et faire respecter les droits de l’homme durant le processus électoral » et « les dirigeants politiques et leurs partis à résoudre tout différend qui pourrait survenir par le dialogue », a ajouté le porte-parole.

L’Union européenne « s’associe à la déclaration du secrétaire général des Nations unies », a déclaré le haut-représentant de l’UE Josep Borrell, dans un communiqué publié vendredi soir.

L’UE « exprime sa plus grande inquiétude suite aux incidents violents et aux discours de haine constatés ces dernières semaines. Elle exhorte l’ensemble des acteurs politiques à faire preuve de responsabilité, de retenue et de refus de toute violence », a-t-il ajouté. Elle appelle enfin « les institutions en charge du processus électoral à assurer un scrutin transparent, crédible et apaisé ».

La décision du président ivoirien Alassane Ouattara de se représenter à un troisième mandat controversé a entraîné des violences entre partisans des camps rivaux, faisant déjà une trentaine de morts, surtout dans le sud-est du pays.

Beaucoup craignent une crise majeure, dix ans après la crise postélectorale issue de la présidentielle de 2010 qui avait fait 3 000 morts, à la suite du refus de Laurent Gbagbo (qui était au pouvoir depuis 2000) de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara.

« Il n’y a pas de période électorale sans tension », a souligné Alassane Ouattara dans un entretien à l’AFP, alors que les deux principaux opposants en lice, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan, ont appelé au « boycott actif » du « processus électoral » et n’ont pas fait campagne.

« Pourquoi ça manquerait de légitimité ? Rien ne dit dans le Code électoral qu’on doit être quatre candidats. J’aurais souhaité avoir Bédié et Affi N’Guessan pour les battre à nouveau », a ajouté le président, qui vise une victoire dès le premier tour et s’appuie sur son bilan économique.

« Il n’y a pas eu de véritable campagne », estime Sylvain N’Guessan, analyste politique, directeur de l’Institut de stratégie d’Abidjan, « Ouattara va être réélu, mais il a perdu son aura, il est devenu un président africain comme les autres, qui s’accroche au pouvoir ».

Deux poids lourds politiques vivant à l’étranger, l’ancien président Laurent Gbagbo, 75 ans, et l’ex-chef de la rébellion et ancien Premier ministre Guillaume Soro, 48 ans, ont, eux, été disqualifiés par le Conseil constitutionnel, au grand dam de leurs partisans. Laurent Gbagbo est sorti jeudi de neuf ans de silence médiatique pour appeler au dialogue, sous peine de « catastrophe ».

La colère, « je la comprends et je la partage. Pourquoi veut-on faire un troisième mandat ? Il faut qu’on respecte ce qu’on écrit, ce qu’on dit. […] Si on écrit une chose et qu’on fait une autre, on assiste à ce qui arrive aujourd’hui », a-t-il estimé, alors qu’il attend en Belgique un éventuel procès en appel devant la Cour pénale internationale après avoir été acquitté en première instance.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here