Acétamipride: Une Efficacité à Nuancer

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Acétamipride: Une Efficacité à Nuancer
Acétamipride: Une Efficacité à Nuancer

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Réclamé à cor et à cri par des producteurs de betterave, le recours à l’insecticide acétamipride ne sera pas « la solution avec un grand S » espérée pour mettre un terme à la jaunisse frappant la racine à sucre, préviennent des experts.

La réautorisation par dérogation de ce néonicotinoïde, interdit depuis 2018 en France où il n’a d’ailleurs jamais été utilisé pour cette culture, est au cœur de la loi Duplomb, contre laquelle une pétition a réuni plus de 1,7 million de signataires.

Redoutable jaunisse

Depuis le terrible épisode de jaunisse de 2020 (28% de pertes pour le secteur), les principaux syndicats agricoles réclament le retour de l’acétamipride au nom de la loyauté de la concurrence en Europe, où il reste autorisé.

La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) sonne l’alerte: des champs montrent des signes inquiétants cette année. Son président Frank Sander juge que « c’est déjà trop tard pour cette campagne », mais que le néonicotinoïde est indispensable pour « pérenniser la filière (…), parce qu’on n’a toujours pas d’alternative efficace, malgré les travaux de recherche en cours », pour éliminer les pucerons infestés du virus.

Toxicité certaine, efficacité incertaine

Pendant 25 ans, les betteraviers ont bénéficié de semences enrobées de trois autres néonicotinoïdes. Mais en France en 2018 puis dans l’UE, toutes ces substances, nocives pour les pollinisateurs, ont été interdites. Dans l’Union européenne, seul reste aujourd’hui autorisé l’acétamipride, dont l’agence européenne de santé Efsa a toutefois divisé par 5 les seuils limites d’exposition en 2024. Mais la France, elle, l’a interdit.

Ce pesticide, moins délétère pour les abeilles, est un perturbateur endocrinien, rappelle Christian Huyghe, chercheur à l’institut Inrae. Son efficacité supposée sur la betterave est à nuancer, souligne-t-il: « c’est un insecticide comme un autre, au temps de couverture un peu plus long », mais « il n’a jamais été utilisé en traitement de semences ». Par ailleurs, « les Allemands n’ont pas résolu leur problème de viroses du seul fait de l’avoir dans leur pharmacopée, et ils l’autorisent en 2025 de façon très encadrée pour maîtriser un autre syndrome. Donc faire croire que c’est la solution à tout est une erreur ».

Bio ou pas

Sébastien Lemoine produit en bio dans l’Aisne. Longtemps « les néonicotinoïdes ont permis de simplifier les choses. Les gens ont du mal à revenir en arrière », estime l’agriculteur. Il est convaincu que plus d’insecticide entraîne toujours plus d’insecticide. Et met aussi en cause l’excès d’azote d’engrais chimiques: « la betterave exsude un substrat qui attire le puceron ». Or on peut faire autrement avec le bio: en cinq ans, il n’a pas vu trace de jaunisse, assure-t-il. « On installe des rotations de cultures longues, de petites parcelles, on favorise les insectes ‘auxiliaires’ repoussant le puceron », énumère-t-il.

Bio ou pas, avec le changement climatique, les insectes sont le problème numéro un, souligne William Huet, directeur agricole de la coopérative Cristal Union (Daddy…), qui a 1,2% de surfaces en bio. Aujourd’hui les solutions uniques manquent, note l’agronome. « Dans le temps, on était dans un mode de production où on était tout insecticide. Aujourd’hui (…) on essaie de développer des combinaisons de solutions, mais il faut sans doute accepter que ce soit un poil moins efficace. »

Moins d’insecticide, plus de collectif

En 2020, le gouvernement a lancé un plan pour sortir la betterave des néonicotinoïdes. Christian Huyghe, à la tête du comité de coordination technique, n’aime pas le mot « alternative », qui « donne le sentiment qu’on doit remplacer 1 par 1. C’est pour ça que le monde agricole rêve d’avoir LA solution avec un S majuscule ».

Or aujourd’hui, nombre de solutions sont là, partielles mais complémentaires, explique-t-il: insecticides de synthèse appliqués au bon moment grâce aux modèles d’arrivée des pucerons, répulsif olfactif, plantes répulsives… Enfin, rupture majeure, les producteurs doivent détruire les résidus de cultures de l’année précédente, encore porteurs du virus. Ces deux dernières années ça a plutôt marché, mais moins en 2025, admet-il. En cause, la chaleur de sortie d’hiver mais aussi la destruction incomplète des résidus.

Et demain? Il y aura des variétés plus résistantes aux maladies, mais seulement partiellement, et aussi quelques insecticides nouveaux mais dont aucun ne représentera « la solution avec un grand S », note Christian Huyghe. « Les pesticides il faut les utiliser, mais au minimum et en dernier recours, pour garder leur efficacité (…) Pour le monde agricole, c’est une vraie transition », souligne-t-il.

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