Africa-Press – Côte d’Ivoire. Alors qu’Unilever Côte d’Ivoire s’apprête à céder 99 % de ses parts à un consortium local, 154 employés redoutent un licenciement sans bénéfice de leurs acquis conventionnels. Ce mercredi 18 juin, leur avocat, Me Soualio Diomandé, était devant le Tribunal du travail pour défendre leur cas.
C’est un dossier aux relents explosifs qui s’est invité ce mercredi 18 juin au Tribunal du travail d’Abidjan. Face au juge, Me Soualio Diomandé, avocat du cabinet LEX WAYS, défendant la cause des 154 employés de Unilever Côte d’Ivoire, menacés selon lui de licenciement sans que leurs droits conventionnels ne soient pris en compte et le conseil de Unilever, l’audience n’aura duré qu’une quinzaine de minutes. La défense et l’accusation se sont accordés sur un renvoi.
De quoi s’agit-il?
En effet, la cession imminente de la filiale ivoirienne du géant mondial des produits de grande consommation (Unilever) à un consortium local représenté par la société SVTM, sous la bannière du groupe Carré d’Or.
« Cette opération commerciale peut sembler normale, mais la vraie question, c’est: que devient le salarié dans tout ça? », lance Me Soualio Diomandé à sa sortie d’audience, dans un ton mesuré mais ferme. Le juriste dénonce l’opacité qui entoure la transaction entre Unilever International et ses repreneurs. « Cela se passe entre le vendeur et l’acheteur. Les salariés, eux, sont tenus à l’écart. Personne ne sait ce qui se joue sur leur tête », fustige-t-il.
Le cœur de la contestation porte sur l’avenir des contrats de travail. Avec la cession, Unilever Côte d’Ivoire ne distribuera plus certaines marques clés, lesquelles génèrent une large part du chiffre d’affaires. « Si les produits sur lesquels vous travaillez disparaissent, vous êtes exposés à un licenciement pour motif économique », résume l’avocat. Les employés veulent donc obtenir du juge la garantie que leurs droits, notamment ceux négociés au fil des années, seront respectés après la reprise.
Mais ce qui fait surtout monter la tension, c’est ce que les salariés appellent la “Ligne bleue”: un accord interne historique, distinct du droit légal, établi entre Unilever et ses employés. Ce régime conventionnel accorde des avantages au-delà du Code du travail, à savoir les congés de maternité rallongés, les actions de l’entreprise pour les employés ayant passé un long moment dans l’entreprise, la majoration de l’ancienneté, entre autres. Une politique sociale généreuse devenue une sorte de norme interne.
Or, selon des de Unilever Côte d’Ivoire, cette ligne bleue a été systématiquement appliquée lors des précédentes cessions d’activités, comme ce fut le cas pour l’huile Dinor cédée à Sania. « À chaque fois, il y a eu accompagnement et compensation », explique un cadre. « Aujourd’hui, Unilever nous dit que comme il s’agit d’une vente d’actions, il ne peut pas nous payer ces droits et que c’est le repreneur qui doit le faire. Mais nous n’avons aucun accord avec le repreneur », avancent-ils.
Un désengagement que les salariés jugent illégal, arguant du caractère jurisprudentiel de l’application passée de ces droits conventionnels. En clair, l’entreprise aurait elle-même posé les bases d’une norme qui doit désormais s’appliquer à chaque opération de cession.
Le tribunal a décidé de renvoyer l’audience au 9 juillet prochain, le temps pour le juge « d’apprécier tout cela », selon Me Diomandé, qui affiche un optimisme prudent. « Le droit dit que lorsqu’un salarié a des droits acquis, le repreneur est tenu de les respecter. Ce sont des acquis, pas des faveurs », a-t-il conclu.
La défense qui a foncé tout droit dans son véhicule pour quitter les lieux ne nous a pas donné l’occasion de lui arracher un mot sur ce procès engagé contre son client. Sa défense rédigée en anglais n’a pas permis à Mme le juge d’apprécier ses observations sur ce dossier. Il lui aurait été demandé de le traduire en français.
En attendant, l’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de la tête des 154 employés concernés. Leur avenir, mais aussi celui de nombreux travailleurs du secteur privé, pourrait bien dépendre de l’issue de cette affaire. Car si le juge donne raison aux plaignants, ce précédent pourrait faire école en matière de protection des droits conventionnels en cas de cession d’entreprise.
Un rendez-vous capital où se joue bien plus que le sort d’une poignée de salariés notamment l’avenir du droit social face à la logique des affaires.
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