E-fuels : que sont ces carburants qui pourraient prolonger l’utilisation des moteurs thermiques ?

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E-fuels : que sont ces carburants qui pourraient prolonger l’utilisation des moteurs thermiques ?
E-fuels : que sont ces carburants qui pourraient prolonger l’utilisation des moteurs thermiques ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Dans l’histoire de l’Union européenne, il n’est pas fréquent qu’un État fondateur annonce son abstention pour le vote d’une directive après que tous les gouvernements, le Parlement européen et la Commission européenne se sont accordés sur le contenu d’un texte souvent issu d’années de tractations. C’est pourtant ce qui vient d’arriver avec l’annonce le 28 février 2023 par son ministre des Transports Volker Wissing que le gouvernement allemand (rejoint depuis par l’Autriche) s’abstiendrait sur l’interdiction de vente de véhicules neufs essence et diesel à partir de 2035, ce qui repousserait l’adoption définitive de la mesure phare de la stratégie européenne de réduction des gaz à effet de serre. Elle est désormais soumise à l’exigence du gouvernement d’Olaf Scholz de prolonger l’utilisation des moteurs thermiques qui ne seraient alors plus alimentés par du pétrole, mais par des “e-fuels”.

Derrière ce revirement, on trouve “l’alliance e-fuel”, un groupe de pression constitué de constructeurs allemands qui veulent intensifier leurs efforts pour produire des carburants liquides de synthèse dont le bilan en CO2 est neutre. Il s’agit ainsi de préserver le segment des véhicules particuliers les plus puissants en agissant non pas sur leur motorisation mais sur la source d’énergie. Le constructeur Porsche vient ainsi de lancer sa première usine pilote de production au Chili, un pays choisi pour ses capacités importantes de production d’électricité d’origine éolienne. “Il y a actuellement plus de 1,3 milliard de véhicules à moteur thermique dans le monde, argumente ainsi Michael Steiner, membre du comité exécutif de recherche et développement chez Porsche dans le communiqué de l’entreprise. Beaucoup d’entre eux rouleront toujours dans les décennies à venir et le e-fuel offre à leurs propriétaires actuels une alternative quasiment neutre pour le climat.” Le tour de la question en cinq points.

1. Pourquoi changer de motorisation ?

L’urgence climatique n’est plus mise en doute depuis 2015 et l’adoption de l’Accord de Paris visant à limiter la hausse de la température mondiale idéalement à 1,5°C. Responsable d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les transports doivent donc se “décarboner”. Or, ils dépendent à plus de 90% du pétrole. Il n’y a à ce jour que deux alternatives envisagées : l’hydrogène et l’électricité. La technologie des batteries étant la plus mature, c’est vers cette voie que veut s’engager l’Europe mais aussi une grande partie des constructeurs mondiaux qui ont commencé à électrifier leur gamme. Les ventes décollent. Fin 2021, la France comptait ainsi 800 000 véhicules électriques. Selon les prospectives de Réseau transport d’électricité (RTE), il devrait y en avoir 13 millions en circulation en 2032. Le but de la directive européenne est donc de donner aux constructeurs une échéance à 2035 leur permettant de construire leur propre trajectoire d’électrification.

2. Comment faire avec le transport maritime et l’aviation ?

Dans l’histoire de l’Union européenne, il n’est pas fréquent qu’un État fondateur annonce son abstention pour le vote d’une directive après que tous les gouvernements, le Parlement européen et la Commission européenne se sont accordés sur le contenu d’un texte souvent issu d’années de tractations. C’est pourtant ce qui vient d’arriver avec l’annonce le 28 février 2023 par son ministre des Transports Volker Wissing que le gouvernement allemand (rejoint depuis par l’Autriche) s’abstiendrait sur l’interdiction de vente de véhicules neufs essence et diesel à partir de 2035, ce qui repousserait l’adoption définitive de la mesure phare de la stratégie européenne de réduction des gaz à effet de serre. Elle est désormais soumise à l’exigence du gouvernement d’Olaf Scholz de prolonger l’utilisation des moteurs thermiques qui ne seraient alors plus alimentés par du pétrole, mais par des “e-fuels”.

Derrière ce revirement, on trouve “l’alliance e-fuel”, un groupe de pression constitué de constructeurs allemands qui veulent intensifier leurs efforts pour produire des carburants liquides de synthèse dont le bilan en CO2 est neutre. Il s’agit ainsi de préserver le segment des véhicules particuliers les plus puissants en agissant non pas sur leur motorisation mais sur la source d’énergie. Le constructeur Porsche vient ainsi de lancer sa première usine pilote de production au Chili, un pays choisi pour ses capacités importantes de production d’électricité d’origine éolienne. “Il y a actuellement plus de 1,3 milliard de véhicules à moteur thermique dans le monde, argumente ainsi Michael Steiner, membre du comité exécutif de recherche et développement chez Porsche dans le communiqué de l’entreprise. Beaucoup d’entre eux rouleront toujours dans les décennies à venir et le e-fuel offre à leurs propriétaires actuels une alternative quasiment neutre pour le climat.” Le tour de la question en cinq points.

1. Pourquoi changer de motorisation ?

L’urgence climatique n’est plus mise en doute depuis 2015 et l’adoption de l’Accord de Paris visant à limiter la hausse de la température mondiale idéalement à 1,5°C. Responsable d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les transports doivent donc se “décarboner”. Or, ils dépendent à plus de 90% du pétrole. Il n’y a à ce jour que deux alternatives envisagées : l’hydrogène et l’électricité. La technologie des batteries étant la plus mature, c’est vers cette voie que veut s’engager l’Europe mais aussi une grande partie des constructeurs mondiaux qui ont commencé à électrifier leur gamme. Les ventes décollent. Fin 2021, la France comptait ainsi 800 000 véhicules électriques. Selon les prospectives de Réseau transport d’électricité (RTE), il devrait y en avoir 13 millions en circulation en 2032. Le but de la directive européenne est donc de donner aux constructeurs une échéance à 2035 leur permettant de construire leur propre trajectoire d’électrification.

2. Comment faire avec le transport maritime et l’aviation ?

L’avantage des carburants fossiles est de concentrer beaucoup d’énergie dans un petit volume, ce qui permet de parcourir de grandes distances sans refaire le plein. La mutation vers l’électrique se paie ainsi d’une diminution de l’autonomie qui peut se gérer pour des véhicules légers. Mais impossible d’embarquer de gros volumes d’hydrogène ou des centaines de batteries à bord d’un avion de ligne ou d’un bateau de la marine marchande. Outre la réduction des besoins de mobilité (relocalisation de l’industrie, réduction des voyages), ces deux secteurs n’ont — en l’état actuel des technologies — que deux solutions : le biocarburant fabriqué à partir de biomasse, celle-ci devant provenir de cultures qui n’entrent pas en concurrence avec l’alimentaire et les carburants de synthèse, les “e-fuels”. Pour ces deux voies, le bilan climatique doit être “neutre”. Les émissions pour leur fabrication et pour leur usage (à l’échappement) ne doivent pas être supérieures aux rejets qui auraient été produits par de l’essence ou du diesel.

3. Comment les fabrique-t-on ?

Les carburants de synthèse sont fabriqués à partir… d’électricité. Cette source primaire doit venir de sources non émettrices en CO2, principalement le solaire et l’éolien. Après d’âpres débats entre pays pro et anti-nucléaire, l’électricité nucléaire vient d’être acceptée comme source “à bas carbone” et l’Allemagne vient d’annoncer qu’elle accepterait d’importer de l’hydrogène en provenance de France fabriqué à partir de cette source. Car l’électricité sert par électrolyse à produire de l’hydrogène à partir de la molécule d’eau. Cette molécule d’hydrogène emprunte alors, pour la production de carburant, deux voies :

– combiné avec de l’azote selon la réaction Haber-Bosch, elle sert à la production d’ammoniac qui pourrait être envisagé comme carburant pour le transport maritime.

– combiné au monoxyde de carbone (CO) obtenu à partir de CO2 selon la réaction de reverse Water Gas Shift, elle forme un gaz de synthèse permettant la formation de méthanol ou de longues chaînes de molécules d’hydrocarbures formant des paraffines que l’on coupe à des longueurs différentes pour produire selon la demande essence, gazole et kérosène. Ce sont les e-fuels.

Le schéma de principe des e-fuel. L’hydrogène produit par catalyse de l’eau est combiné à du CO2 pour produire des e-carburants. © Ifpen

Les différents “e-fuels”. La combinaison de l’hydrogène avec de l’azote produit de l’ammoniac. En réaction avec le CO2, deux voies différentes produisent d’un côté du méthanol, de l’autre l’équivalent synthétique de l’essence, du kérosène et du gazole. © Ifpen

Leur synthèse passe donc par deux étapes. La seconde, la réaction Fischer-Tropsch est connue depuis le début du 20e siècle et est un process industriel très courant. La première, la phase d’électrolyse de l’eau, demande beaucoup d’électricité et se fait donc à un coût extrêmement élevé. C’est sur cette étape que portent les efforts de réduction des besoins en énergie et des coûts. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) travaille notamment sur les électrolyseurs à haut rendement qui traitent l’eau sous forme de vapeur et permettent d’atteindre un rendement énergétique de 90% contre 60% pour les électrolyseurs alcalins actuellement en activité dans l’industrie.

Autre défi : le captage du CO2. Les premiers pilotes industriels de captage et de stockage du CO2 à la sortie des cheminées des usines entrent en service, comme celui en fonction à l’usine sidérurgique Arcelor-Mittal à Dunkerque. Plutôt que de stocker ce gaz dans des couches géologiques profondes, le carburant synthétique pourrait le transformer en molécule utile pour la lutte contre le changement climatique. Le captage direct du CO2 dans l’atmosphère est également une voie possible mais très énergivore.

4. Quel est leur bilan climatique ?

La réglementation européenne impose que la catégorie comprenant les biocarburants et les e-fuels assurent une réduction de 70% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux énergies fossiles. Avec les progrès que les industriels ont à portée de main, cette réduction devrait dépasser les 90%. Selon les calculs d’IFP Énergies Nouvelles (Ifpen) un véhicule thermique mu par e-fuel émet 60 grammes de CO2 par kilomètre (g/CO2/km) contre 100 grammes pour un véhicule électrique.

Autre avantage environnemental : l’infrastructure actuelle de distribution du carburant reste inchangée alors que l’hydrogène et l’électricité nécessitent la construction et la pose de bornes de recharges spécifiques.

5. Quels avantages et inconvénients face aux véhicules électriques ?

Avantage au e-fuel ? Les analyses de cycle de vie (ACV) menés par l’Ifpen sur des véhicules similaires d’une durée d’utilisation de 150 000 kilomètres révèle en effet cet avantage en émissions de gaz à effet de serre. Si la carrosserie de la voiture et les éléments communs comme les pneus sont similaires, le bilan de la voiture électrique est plombé par la batterie, des matières premières utilisées pour sa fabrication (rares et mal distribuées sur la surface de la planète) à la fin de vie et au recyclage.

En revanche, les conclusions sont toutes autres en matière de rendement énergétique. Les nombreuses conversions nécessaires pour la fabrication du e-fuel affectent aujourd’hui leur bilan. Ainsi, Avec 20 kilowatts/heure (kWh) d’électricité utilisée directement dans une batterie, un conducteur effectue 100 kilomètres et pour 20 kWh d’hydrogène, 36 kilomètres. Il faut la même consommation électrique pour produire un litre de e-fuel. Qui ne permet donc de ne parcourir qu’à peine 20 kilomètres.

Conclusion (provisoire)

En poussant le gouvernement allemand à repousser la législation sur l’électrification du parc, les constructeurs défendent les grosses berlines qu’ils construisent. Pour des véhicules plus légers, moins puissants et plus courants, l’électricité est à ce jour la plus efficace pour diminuer drastiquement les émissions du secteur des transports individuels, à condition évidemment que cette électricité soit décarbonée. La donne diffère avec des moteurs plus puissants et le secteur du transport routier pourrait gagner à prolonger l’utilisation des moteurs thermiques en attendant des innovations de rupture, attendues notamment dans les piles à combustible utilisant de l’hydrogène.

Pour l’aviation et le transport maritime, l’enjeu est bien plus important car le e-fuel (avec les biocarburants) semble n’être que la seule voie aujourd’hui envisageable pour rendre le service de mobilité attendu sans émissions de gaz à effet de serre. L’usine pilote chilienne de Porsche produira l’an prochain 130 000 litres de e-fuel. Dans ses règlements sur la transition énergétique, la Commission européenne prévoit qu’en 2030, l’aviation civile européenne devra utiliser 350 000 tonnes de e-kérosène, un taux d’incorporation qui devra passer à 2,35 millions de tonnes en 2035.

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