Africa-Press – Côte d’Ivoire. En moins d’un mois, c’est la troisième fois que Lisa*, âgée d’une dizaine d’années, retourne chez le dentiste. Depuis ses 5 ans, elle a rencontré de nombreux praticiens et enchaîné les rendez-vous pour maintenir, au mieux, l’évolution d’une pathologie dentaire dont elle est atteinte: l’hypominéralisation des molaires et des incisives, aussi appelée MIH.
L’hypominéralisation des molaires et des incisives est une pathologie dentaire qui touche principalement les enfants âgés de 6 à 14 ans. C’est un défaut de minéralisation de l’émail des dents qui se manifeste par des taches brunes visibles sur les dents définitives dès leur apparition.
Cette anomalie ne s’arrête pas à la couleur de la dent: les molaires et les incisives touchées sont plus fragiles, avec un risque six fois plus élevé de développer des lésions carieuses. L’enfant présente également une hypersensibilité au chaud et au froid, causant des douleurs lors de la mastication et du brossage des dents.
Le nombre de personnes touchées par la maladie est élevé: « A l’international, on compte 1 enfant sur 7 touché par la MIH. En France, c’est 1 enfant sur 5 sur 846 élèves scolarisés », révèle, lors du 25e colloque national de la santé publique de l’Union français pour la santé bucco-dentaire (UFSBD) le Dr. Patrick Rouas, chirurgien-dentiste et spécialiste de la MIH.
Les diagnostics de la MIH par les praticiens restent compliqués
Malgré ces chiffres, les diagnostics par les praticiens restent compliqués. Tous ne sont pas au fait de cette maladie: « Nous sommes chanceux, dès le premier rendez-vous chez la dentiste, la praticienne a tout de suite détecté l’anomalie mais, pour autant, elle n’a pas été capable de nous donner plus d’informations”, explique Jean-Michel, père de Lisa et trésorier de l’association Soigner la MIH.
La cause de cette maladie reste inconnue ; l’alimentation et le brossage des dents ne sont pas remis en cause. Durant toute son enfance, Lisa a toujours mangé sainement et très peu sucré. Ses dents étaient brossées matin et soir, et ses parents ont toujours suivi et respecté les recommandations faites par les professionnels de santé. Pourtant, la petite fille a aujourd’hui un suivi dentaire obligatoire avec un rendez-vous tous les trois mois.
« Tout un pan des praticiens n’ont pas été formés en formation initiale et ont des difficultés à diagnostiquer la MIH, puisque l’on en connaît beaucoup plus sur la maladie seulement depuis les années 2000 », explique le Dr Rouas.
Lors de son intervention au colloque, le praticien insiste sur l’importance de la prévention et de la maîtrise des connaissances sur le sujet afin de pouvoir répondre aux nombreuses questions des parents. Il souligne également plusieurs points pour lutter contre l’anomalie dentaire, tels que le diagnostic précoce, l’intervention minimale, ou encore la lutte contre l’hypersensibilité.
“Les dentistes ne sont pas toujours d’accord entre eux »
La MIH, bien qu’elle soit visible sur les dents définitives, peut aussi être diagnostiquée dès l’âge de 2 ans et demi. Pour cela, on doit observer une hypominéralisation des secondes molaires temporaires, dites dents de lait. « Si ce premier diagnostic est fait, il y a 10 fois plus de risques d’avoir une MIH lorsque les dents définitives seront sorties », précise le Dr Rouas. Cependant, la maladie peut toujours apparaître même sans ce type de lésion.
Dès lors que la dent est atteinte, il est important d’agir au plus vite afin de la reminéraliser et de la protéger, au mieux, des maladies carieuses. Il n’existe pas de traitement pour guérir la MIH mais plusieurs techniques permettent de réduire les symptômes telles que la pose d’un vernis fluoré qui permet de retarder l’attaque des dents par les bactéries ou encore le scellement des sillons pour lutter contre l’hypersensibilité.
Face aux traitements, là aussi la situation semble compliquée “les dentistes ne sont pas toujours d’accord entre eux, à l’heure actuelle, je ne sais toujours pas quel soin est le mieux pour ma fille” indique Jean-Michel.
Créée en 2023 par des parents dont les enfants sont atteints de la MIH, l’association Soigner la MIH milite pour faire connaître la maladie et pousser le corps médical à être plus impliqué dans la prévention.
En attendant, Jean-Michel s’inquiète pour sa fille. Les taches brunes sur les dents peuvent causer des moqueries de la part de ses camarades. Certains enfants perdent même le sourire à cause de cette anomalie. Lors du colloque, le Dr Rouas tient à ne pas mettre de côté les souffrances psychologiques que certains enfants peuvent subir à cet égard, « c’est notre rôle, avec une intervention minimale, de redonner le sourire aux enfants » conclut le médecin.
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