Africa-Press – Côte d’Ivoire. Il y a quatre siècles, à la suite des ordonnances somptuaires de Jean Calvin qui recommandaient la tempérance dans l’habillement et condamnaient les ornements ajoutés, en particulier les bijoux, les joailliers suisses se convertirent à l’horlogerie. Depuis, après avoir su s’adapter à bien des évolutions – Swatch, montres à quartz, montres connectées, etc. -, ils excellent toujours dans ce secteur fort lucratif. Dernière invention: l’horloge pour mesurer le temps qu’il reste.
Entendons par là le délai avant l’instant ultime au-delà duquel des machines autonomes devenues incontrôlables gouverneront l’humanité. D’après le magazine Time, nous devons cette horloge à Michael Wade, professeur à Lausanne. Son compte à rebours repose sur l’analyse minutieuse de trois facteurs: la sophistication croissante des technologies d’IA, leur autonomie grandissante et leur intégration à des systèmes physiques. À l’appui, viennent des considérations cinglantes sur les prouesses des véhicules autonomes, des systèmes de recommandation, des hypertrucages (deepfakes), etc. Nous en frémissons tous.
Ouf, l’issue ne serait pas fatale !
Heureusement, toujours selon Michael Wade, l’issue ne serait pas fatale ; il serait loisible de freiner, même d’inverser le cours du temps pour retarder, voire empêcher, l’inéluctable. Il suffit de s’assurer de la fiabilité des techniques d’IA afin qu’elles ne nous échappent pas. Nous ne pouvons que lui être reconnaissant de sa prévenance. Grâce à son invention, nous nous sentons rassurés: le risque existentiel que l’IA ferait courir à l’humanité est contrôlable. Nous pouvons donc nous rendormir.
Comment ne pas être ébloui par cette horloge proprement supercoquentieuse, à savoir magnifique et superbe, ou plutôt, pour revenir à l’étymon rabelaisien superlicoquentieuse, littéralement « qui surpasse le coq », en ce qu’elle retourne le temps ? D’ailleurs, qu’attendre de mieux d’une horloge sinon qu’elle outrepasse le chant du coq ou, en l’occurrence, le chant du cygne…
Par Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université, à Paris, chercheur en intelligence artificielle au LIP6 (Sorbonne Université, CNRS), ex-président du comité d’éthique du CNRS. Dernier ouvrage publié: « L’I.A. expliquée aux humains », Seuil, 2024.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press