Les parcs éoliens marins émettent des substances chimiques

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Les parcs éoliens marins émettent des substances chimiques
Les parcs éoliens marins émettent des substances chimiques

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Depuis le premier parc éolien en mer construit en 1991 au Danemark, le secteur offshore a connu une hausse continue qui s’est accélérée ces dernières années. Selon les derniers chiffres de l’association professionnelle Wind Europe, la production éolienne en mer a dépassé les 55 terawatts/heure en 2025, soit 13% de la production éolienne totale. Désormais, plus de 10 000 mâts sont implantés dans les eaux européennes et britanniques. Et cela ne fait que débuter. La puissance actuelle installée de plus de 12 000 mégawatts (l’équivalent de douze centrales nucléaires) l’an dernier devra tripler d’ici à 2030 si l’Union européenne veut remplir ses objectifs de décarbonation de son secteur électrique.

Quels sont les impacts de ces pylônes sur le milieu marin? Dès les années 1990, des travaux ont étudié les perturbations sur les mammifères marins, les oiseaux, les écosystèmes littoraux, notamment du fait du bruit et des champs électromagnétiques. Les conséquences pour l’activité de pêche ont fait partie intégrante des études d’impact des projets de parcs. « Mais il n’y avait presque rien sur les émissions de polluants chimiques dans l’eau », souffle Javier Castro Jimenez, chercheur au laboratoire des contamination chimique des écosystèmes marins à l’Ifremer.

Sous co-financement de l’Union européenne, une première compilation des différentes études menées sur le sujet vient d’être publiée dans la revue Marine Pollution Bulletin. Elle a été dirigée conjointement par l’Institut belge de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’alimentation (ILVO), l’Agence fédérale maritime et hydrographique allemande (BSH) et l’Ifremer. Elle s’intéresse donc principalement aux parcs de la mer du Nord.

Des produits de protection de l’acier aux compositions complexes et secrètes

228 substances chimiques ont ainsi été identifiées comme étant utilisées dans la construction et l’exploitation des éoliennes. « Nous avons alors comparé cette liste avec des listes prioritaires établies par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) ou la directive-cadre sur l’eau, entre autres, ce qui nous a permis de déterminer que 62 substances étaient classées comme préoccupantes en raison de leurs propriétés toxiques », poursuit Javier Castro Jimenez qui est coauteur de l’article.

70% de ces molécules proviennent des revêtements de protection contre la corrosion, 10% des huiles et lubrifiants nécessaires à l’exploitation par bateau. Le reste peut provenir des systèmes anti-incendie et des matériels de refroidissement des postes électriques qui collectent l’électricité produite par l’ensemble du parc. « C’est une première évaluation car la protection de l’acier en mer est complexe, nécessitant pas moins de trois couches de protection comme les peintures époxy dont les compositions complètes ne sont pas données par les fabricants », regrette le chercheur de l’Ifremer. Parmi les substances à la toxicité reconnue par l’Echa, on retrouve des PFAS, des bisphénols, des retardateurs de flamme bromés. 64% des rejets sont ainsi ce genre de composés organiques, contre 19% des composés inorganiques comme les métaux. Les anodes sacrificielles (système de protection des structures métalliques immergées) relarguent ainsi l’aluminium et le zinc dont elles sont composées.

L’étude qui vient d’être publiée constitue un point de départ pour une identification des pollutions possibles, une mise en œuvre d’une réglementation spécifique et la recherche de solutions alternatives à l’usage des produits toxiques. Il reste cependant beaucoup à faire pour bien définir le risque. « La première chose à faire, c’est de connaître précisément la part de responsabilité des parcs éoliens dans la présence de ces molécules chimiques dans le milieu marin parce qu’il peut y avoir d’autres sources pour une partie de ces composés », estime Javier Castro Jimenez. Le milieu marin recèle en effet des substances chimiques qui proviennent des rejets de stations d’épuration et d’industrie via les fleuves ainsi que des bateaux, qu’ils soient de plaisance ou commerciaux. « Notre nouvelle étape sera donc de différencier ces sources », explique le chercheur.

Différentes campagnes d’échantillonnage ont été menées dans quatre parcs éoliens en mer du Nord. Des stations de mesure ont par ailleurs été installées dans des zones littorales plus ou moins affectées par les pollutions, ainsi que dans des espaces maritimes éloignés. Les prochaines études pourront ainsi comparer les teneurs en polluants de ces différents échantillons. Des travaux plus spécifiques vont également porter sur des moules. En Belgique et en Allemagne en effet, l’aquaculture est pratiquée dans le périmètre des structures des éoliennes. Or, ces mollusques sont des bio-accumulateurs potentiels de polluants.

L’amorce d’une réglementation internationale

Ces émissions chimiques des éoliens en mer ne constituent pas une fatalité a priori, estiment les auteurs de l’étude. L’article liste ainsi une série d’actions qui peuvent faire cesser les pollutions à la source. Des systèmes alternatifs aux peintures anti-corrosion existent ainsi que des produits biosourcés qui relarguent moins de substances organiques. De même, des systèmes de refroidissement fermés peuvent drastiquement réduire les risques de fuites accidentelles de fluides frigorigènes. Mais contrairement au secteur maritime, il n’existe pas aujourd’hui de normes industrielles spécifiques à ce secteur. L’étude a également comparé les règles administratives appliquées aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne et démontré ainsi qu’aucune norme internationale n’existe.

L’Allemagne, leader européen de l’éolien offshore avec 44% de la production de l’Union, fait figure de pionnier avec des demandes strictes sur les apports potentiels de substances et les mesures de réduction de ce risque. De plus, les anodes en aluminium et cuivre et les peintures contenant des biocides sont interdites. En France, les parcs éoliens sont soumis à un suivi de la qualité chimique des eaux et à une observation de la colonisation par des organismes marins des structures immergées. « Notre étude bibliographique constitue une base importante pour la détection précoce des émissions chimiques des parcs éoliens en mer, conclut Elena Hengstmann du BSH. Une coordination l’échelle européenne et des exigences minimales en matière de surveillance et de réduction des émissions peuvent rendre le développement de l’éolien en mer plus respectueux de l’environnement. »

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