Africa-Press – Côte d’Ivoire. Quelques jours après la déclaration du PDG de ZARA ENTREPRISE annonçant la conclusion d’un protocole transactionnel en faveur des propriétaires terriens d’Elokaté, le Nanan du village (garant des us et coutumes) est sorti de son silence ce lundi 13 octobre, par l’entremise de son porte‐canne, Akré Danho Mikael. Celui‐ci a informé la presse que Nanan a interjeté appel le 2 octobre dernier contre l’ordonnance de non‐lieu rendue dans ce dossier foncier.
Le porte‐canne a transmis une plainte‐appel adressée au Greffier du 3e cabinet d’instruction du Pôle pénal économique et financier d’Abidjan, par laquelle le Nanan conteste l’ordonnance de non‐lieu rendue dans l’affaire l’opposant aux personnes mises en cause (Bamba Anzoumana, Bamba Daouda, Diallo Abdoulaye, etc.). La plainte rappelle que jusqu’à ce jour, cette ordonnance ne lui aurait pas encore été notifiée officiellement. En parallèle, un communiqué du Procureur de la République près le Pôle pénal économique et financier rappelle l’ouverture, sur plainte de membres de la communauté, d’une enquête pour faux et usage de faux, escroquerie estimée à 100 milliards de FCFA, et blanchiment de capitaux à l’encontre de plusieurs personnes, y compris des agents du ministère de la Construction. L’enquête est toujours à l’instruction judiciaire ; aucun jugement n’est intervenu à ce stade.
Lors de son intervention, Akré Danho a tenu à clarifier le rôle du Nanan, la légitimité du recours en appel, ainsi que ses réserves quant à la négociation conclue par ZARA ENTREPRISE.
Il a décrit l’organisation des générations autour de la chefferie d’Elokaté, et réaffirmé que lui-même, en tant que porte‐canne, représente le Nanan dans ses fonctions traditionnelles. Il a évoqué des tensions autour de la distribution des responsabilités dans le village, en suggérant que certaines personnes se seraient immiscées sans légitimité.
Le porte‐canne maintient que le Nanan n’a pas autorisé la tenue de la conférence de presse dont le PDG de ZARA s’est fait l’écho. Il affirme que celui-ci ne s’en reconnaît pas.
Il remet en cause le procédé de négociation imposé par le juge d’instruction Aboya Jean‐Claude, l’accusant d’avoir conseillé la négociation plutôt que d’exiger l’annulation pure et simple des actes réputés frauduleux. Il insiste sur le fait que, dans une affaire où il est reconnu qu’il y a du faux, la justice doit annuler les actes, non pas les négocier sous forme d’accord partiel. Il réclame la restitution intégrale des terres de la communauté, selon les droits coutumiers, sans concession (60 % proposé, pour lui, n’est pas acceptable dans ce contexte). Il craint qu’à terme, les documents utilisés dans la transaction ne servent à légitimer des ACD (Arrêtés de Concession Définitive) au profit d’étrangers à la communauté, ce qui impacterait négativement la mémoire coutumière.
Le porte-cane rappelle que la loi ne requiert pas la notification de l’ordonnance préalable pour interjeter appel, justifiant ainsi le recours en appel du 2 octobre. Il stigmatise ce qu’il qualifie de « festivités » autour de l’annonce du protocole, qu’il perçoit comme une célébration prématurée d’un accord contesté. Akré dénonce le manque de transparence quant aux parties réellement associées à la négociation: il s’interroge sur les personnes (Koukou Bonda, Nandi Chimon Dominique) mentionnées ou non dans la plainte originelle, sur leur rôle, et sur les documents utilisés pour négocier.
Le porte‐canne affirme être ciblé par des menaces personnelles du fait du litige, mais se dit prêt à aller jusqu’au juge d’instruction, au jugement, pour obtenir une décision claire. Il refuse les compromis partiels et demande une vérité judiciaire: soit il est débouté, soit on lui restitue ses terres dans leur intégralité. Et appelle à ce que l’État et les autorités respectent les droits coutumiers du village et reconnaissent leur légitimité dans ce type de dossier.
Tension entre droit coutumier et droit écrit
Le cas illustre le conflit entre les droits coutumiers, incarnés par le Nanan, et les procédures étatiques. Le débat porte sur la légitimité des actes d’urbanisme et leur conformité aux usages ancestraux.
Négociation ou annulation? Le PDG de ZARA a mis en avant la conclusion d’un protocole transactionnel homologué par la justice, saluant la paix retrouvée. Le porte‐canne, en revanche, estime que tant qu’une enquête sur des actes frauduleux est ouverte, la seule issue juste est l’annulation pure et simple — non un compromis.
L’interjection d’appel par le Nanan relance la procédure judiciaire. Si l’appel est recevable, cela pourra débloquer ou annuler l’ordonnance de non‐lieu et requérir une analyse plus approfondie au fond. Le porte‐canne exige que soient rendus publics les documents utilisés pour les ACD, les mandats, les attestations coutumières, et la base juridique sur laquelle le compromis a été fondé. Le litige révèle des divisions internes autour de la chefferie, de la génération, et de la légitimité de ceux qui négocient au nom de la communauté. Cela pourrait fragiliser l’unité villageoise dans le processus judiciaire.
Le discours du PDG de ZARA peignait une issue « heureuse » et un accord équilibré. La réaction du Nanan, par l’intermédiaire d’Akré Danho, remet en cause cet optimisme. Il exige que la justice tranche définitivement et refuse les compromis lorsqu’il y a des preuves de falsification. L’appel du 2 octobre marque une nouvelle étape dans ce dossier foncier.
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