Quelle est la masse de la Voie lactée ?

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Quelle est la masse de la Voie lactée ?
Quelle est la masse de la Voie lactée ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’annonce en septembre 2023 avait quelque peu bousculé la communauté des astronomes, et ce n’est pas fini… Une étude parue dans la revue Astronomy & Astrophysics révise drastiquement à la baisse la masse de notre galaxie: 240 milliards de fois la masse du Soleil, quatre fois moins que les estimations précédentes.

Cette valeur a été obtenue à partir de la vitesse de rotation des étoiles lointaines autour du centre galactique. Une vitesse directement proportionnelle à la masse de la Voie lactée. La méthode, couramment utilisée pour toutes les galaxies, n’avait jamais été appliquée à la nôtre. « Comme nous sommes à l’intérieur du gigantesque disque de la Voie lactée, ce n’est pas le meilleur endroit pour l’observer, s’amuse François Hammer, astrophysicien à l’observatoire de Paris et coauteur de la publication. Toutes les étoiles du disque tournent autour de son centre, et leurs mouvements par rapport à nous se font dans le plan du ciel. Ils sont minuscules. Il a fallu attendre Gaia pour les mesurer.  »

Un phénomène qui n’est pas observé dans les autres galaxies

En effet, le satellite européen lancé en 2013 relève depuis l’espace la position et la vitesse de milliards d’étoiles dans la Galaxie avec une précision jamais atteinte. « Notre estimation utilise le troisième relevé publié en 2022, portant sur 1,8 milliard d’étoiles, détaille François Hammer. Nous avons utilisé des échantillons de quelques dizaines de milliers à un million d’étoiles afin d’estimer la masse de la Galaxie. Les calculs ont été réalisés de manière indépendante par deux équipes.  »

Une estimation qui a fait vivement réagir la communauté des astronomes, donc… Notamment à cause d’un phénomène connexe. En s’intéressant à la vitesse des étoiles, les chercheurs ont montré qu’elle diminuait à mesure que les corps célestes étaient plus éloignés du centre. A priori rien que de très normal. « Comme pour le calcul de la masse, c’est une conséquence des lois de Kepler, explique François Hammer. D’ailleurs, on l’observe très bien dans le Système solaire: Saturne tourne trois fois moins vite autour du Soleil que la Terre.  » L’ennui, c’est que cette « décroissance képlérienne » des étoiles de la périphérie n’est pas observée dans les autres galaxies…

Ce constat est apparu dans les années 1970, grâce notamment aux travaux de l’astronome américaine Vera Rubin (1928-2016). Elle et ses collègues avaient montré que les étoiles extérieures des galaxies tournaient à la même vitesse que leurs homologues du centre. Pour expliquer cette anomalie sans remettre en cause les lois de Kepler, les chercheurs avaient postulé l’existence d’un énorme réservoir de matière cachée entourant les galaxies, qui agit gravitationnellement sur les étoiles pour accroître leur vitesse. C’est la fameuse « matière sombre », dont on estime alors qu’elle est six fois plus nombreuse que la matière ordinaire dans l’Univers.

Mais visiblement pas dans notre galaxie… « Les étoiles, les nuages de gaz, dont on peut estimer directement la masse car on les voit, représentent environ 60 milliards de masses solaires. Autrement dit, la matière sombre est environ deux à trois fois plus massive que la matière ordinaire dans la Voie lactée, et pas six fois plus…  »

Un quatrième relevé de Gaia attendu en 2026

Les lois de la physique étant les mêmes partout, pourquoi notre galaxie ferait-elle exception ? Les auteurs de la publication ont quelques pistes. En voici une. « La Voie lactée est remarquable car elle n’a plus connu de collisions-fusions avec une autre galaxie depuis 10 milliards d’années, souligne François Hammer. Alors que la moyenne est de six milliards pour les autres galaxies spirales.  » On le devine aisément, deux galaxies qui fusionnent, cela chamboule forcément les orbites. « Or, pour mesurer la masse de la Galaxie à partir de la vitesse d’une étoile, il faut que celle-ci soit en équilibre avec le centre galactique, ce qui demande du temps.  »

Ainsi, les mesures faites sur les autres galaxies seraient peut-être faussées par le comportement erratique d’étoiles ou de gaz non stabilisés. En 2026, Gaia livrera un quatrième relevé, et le nouvel observatoire Vera-Rubin commencera à scruter le ciel depuis le Chili. Les deux instruments tenteront de mesurer la vitesse d’étoiles situées encore plus loin du centre galactique, afin de vérifier si la décroissance képlérienne s’observe toujours.

Gaia, arpenteur de la Galaxie

Opérant depuis 2013 à 1,5 million de kilomètres de la Terre, le satellite Gaia de l’Agence spatiale européenne révolutionne notre vision de la Voie lactée – en particulier sa genèse, sa structure et l’évolution de ses différentes composantes. Il mesure la position et le mouvement des étoiles avec une acuité inouïe: jusqu’à 10 microsecondes d’arc (1 seconde d’arc correspondant à 1/3600 de degré), soit l’équivalent de l’épaisseur d’un cheveu placé à 1000 km de distance ! Alors que son prédécesseur, le télescope européen Hipparcos, qui était mille fois moins précis, avait pu localiser 120.000 étoiles dans les années 1990, Gaia a permis ainsi un saut faramineux.

Les catalogues de plus en plus étoffés qu’il a établis en 2016, 2018 et 2022 dévoilent désormais la position de 1,8 milliard d’étoiles ainsi qu’une foule d’autres paramètres comme leur masse, leur composition et leur température. Autant d’informations qui ont permis aux astronomes du monde entier de produire plus de 10.000 articles de recherche, faisant de Gaia la mission spatiale la plus fructueuse en publications annuelles ! Et de nombreuses découvertes sont encore à prévoir. Car même si la vie active du satellite doit s’achever fin 2025, après épuisement du gaz nécessaire à son pilotage, les centaines de chercheurs dévolus au traitement des données livreront un quatrième puis un cinquième et ultime catalogue d’étoiles, en 2026 et 2030.

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