Titus Neupert Sur Le Mystère De La Matière Noire

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Titus Neupert Sur Le Mystère De La Matière Noire
Titus Neupert Sur Le Mystère De La Matière Noire

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Titus Neupert est enseignant-chercheur dans le Département de Physique de l’université de Zurich depuis 2025 (Suisse), où il a obtenu son doctorat en 2013. Récipiendaire de plusieurs prix honorifiques comme la médaille ETH de distinction de thèse de doctorat en 2013 ou encore le prix scientifique allemand Klung-Wilhelmy en 2019, le Pr Neupert est également membre du Comité de la Stratégie Digitale de l’Université de Zurich, parmi tant d’autres fonctions. Il est spécialisé en physique de la matière condensée – l’étude de la matière sous forme solide – et a récemment collaboré avec l’équipe de Laura Baudis, autrice principale d’une étude parue le 20 août 2025 dans Physical Review Letters, afin de construire un nouveau détecteur de matière noire (qu’on dit aussi « sombre »). Ce dernier a pour objectif de trouver des particules de matière noire très peu massives via des collisions entre particules sur un nanofil (fil d’un milliardième de mètre d’épaisseur). Le chercheur suisse explique les aboutissements de l’expérience QROCODILE (Observatoire à résolution quantique optimisée et cryogénique pour l’incidence de matière noire à basse énergie) dans un entretien à Sciences et Avenir.

« Remet plus largement en cause notre compréhension des théories fondamentales de la physique »
Sciences et Avenir: D’innombrables mystères subsistent quant à la matière noire. Que savons-nous de cette dernière à l’heure actuelle et pourquoi apparaît-elle comme un sujet central en cosmologie et en physique?
Titus Neupert: En effet, le concept de matière noire fut introduit dans les années 1930 et représente un des plus grands puzzles de l’astrophysique et de la cosmologie, mais remet plus largement en cause notre compréhension des théories fondamentales de la physique. La présence de matière noire est suggérée à travers des effets gravitationnelles sur les galaxies, la formation des structures larges dans l’Univers, etc. L’autre forme de matière connue (la matière ordinaire, aussi dite « baryonique », telle que nous la connaissons, ndlr) n’interagit pas seulement avec la gravité, mais aussi via les forces élémentaires, par exemple électromagnétiques si elles portent des charges électriques. Concernant la matière noire, nous n’avons pas encore établi le lien avec ces forces, mais nous espérons qu’elle pourra interagir avec la matière ordinaire environnante – à travers des diffusions de particules — sinon, nous aurions d’importantes difficultés pour l’observer. Au-delà de ce caractère d’interaction, il y a également la masse des particules élémentaires constitutives de la matière noire qui n’est pas calculée.

Comment vous est venue l’idée de construire un détecteur pour tenter de trouver des particules légères de matière noire? Pourquoi est-il si difficile de les détecter?

Deux groupes dans notre département (ceux de Laura Baudis et de Björn Penning) sont spécialisés dans la construction de détecteurs de matière noire basés sur différents concepts, par exemple en cherchant toute interaction de la matière noire vis-à-vis d’atomes de xénon. Cependant, la plupart des expériences n’ont jusqu’à présent été seulement focalisées sur les particules ultra massives de la matière noire ou celles avec une probabilité élevée de diffusion. Le défi est alors d’élaborer des détecteurs pour des particules de matière noire bien plus légères. Cela se traduit par des capteurs sensibles à de plus basses énergies. En parallèle, nous possédons une expertise dans l’étude des matériaux supraconducteurs au sein d’autres groupes. Des supraconducteurs peuvent être utilisés pour construire d’excellents capteurs dans le domaine des basses énergies désiré. Par conséquent, cela était tout à fait naturel d’associer nos idées, fusionner nos cerveaux et concevoir le nouveau type de détecteur de matière noire. Il s’agit probablement de la collaboration la plus large — s’étendant de la physique de la matière condensée des basses énergies à la physique des astroparticules (particules cosmiques, ndlr) — que notre département ait jamais vue.

Le nanofil utilisé dans votre expérience se comporte à la fois comme un capteur et un détecteur. Quels phénomènes physiques doivent se produire pour prouver la présence de particules exotiques de matière noire?

De manière concrète, toute particule de matière noire doit se diffuser à la suite d’une collision avec la matière ordinaire près du fil supraconducteur. Nous n’avons pas besoin de savoir ou de supposer comment cela se passe exactement du moment que la particule perd de l’énergie durant le processus. L’énergie déposée entraîne le chauffage du supraconducteur et perd sa propriété supraconductrice. La conséquence est une résistance soudaine du fil. Un tel changement s’avère facilement repérable.

« Pas moins de 400 heures ont été dédiées à la détection d’un signal de matière noire »
Que pouvez-vous nous dire par rapport au potentiel de détection de la matière noire en se basant sur les résultats expérimentaux que vous avez obtenus est? Comment les analysez-vous?

Notre expérience est capable de détecter de la matière noire dans des régimes où les expériences précédentes n’étaient pas sensibles. Dans cette première opération expérimentale, pas moins de 400 heures ont été dédiées à la détection d’un signal de matière noire et pourrait resserrer l’étau autour des mesures passées quant au paramètre d’espace (ensemble des propriétés physiques et des modèles) de la matière noire à travers l’analyse de ces résultats. La prochaine étape est d’améliorer l’expérience: nous voudrions la réitérer dans un centre d’expérimentation souterrain où l’équipement serait mieux isolé des bruits extérieurs ; nous voulons le rendre sensible à des niveaux d’énergies encore plus bas en plus d’augmenter sa taille pour rehausser la probabilité d’interaction avec la matière sombre.

« Des applications bien au-delà de la recherche de la matière noire »
Qu’attendez-vous de la recherche sur la matière noire à l’avenir?

Bien évidemment que nous la détections ! En tant que physicien de la matière condensée intéressé par les phénomènes de basses énergies, je suis aussi impatient d’assister à d’autres collaborations comme les nôtres. En fabriquant des détecteurs sensibles aux basses énergies, nous exploitons des phénomènes subtils comme la supraconductivité qui est beaucoup étudiée dans les matériaux quantiques. Du point de vue pratique, cela engendrera des instruments et capteurs qui ont des applications bien au-delà de la recherche de la matière noire – notamment dans la recherche médicale ou en chimie.

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