Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les êtres humains, ainsi que les autres primates, ont une capacité surprenante à reconnaître des visages, pouvant identifier quelqu’un dans une multitude en quelques fractions de seconde. Cependant, avant de reconnaître le visage de quelqu’un, il faut que notre cerveau comprenne qu’il s’agit effectivement d’un visage ! Cette première étape serait indépendante de la deuxième, et permettrait par exemple aux bébés de détecter les visages alors que leur cerveau n’est pas encore développé, notamment la partie qui sert précisément à les identifier.
Des chercheurs de l’Institut national des yeux à Bethesda, dans le Maryland américain, ont mis en évidence ce mécanisme chez des macaques. Il serait crucial pour le développement de nos capacités sociales car sans cette connaissance de ce qu’est un visage, nous ne pourrions pas passer à la deuxième étape d’identification. Leurs résultats ont été publiés le 2 juillet 2024 dans le journal Neuron.
Une détection très rapide des visages qui nous pousse à les regarder
Le cerveau des primates, y compris celui des humains, possède une région spécialisée dans l‘identification des visages. Localisée dans la partie inférieure du lobe temporal, cette région est essentielle pour différencier un visage d’un autre. Et son dysfonctionnement peut entraîner des maladies telles que la prosopagnosie, c’est-à-dire l’incapacité partielle ou totale à reconnaître quelqu’un grâce à son visage. Mais une autre partie du cerveau semble elle aussi essentielle pour cette reconnaissance. Il s’agit d’une structure nommée colliculus supérieur, située à la base du cerveau, sur le toit du mésencéphale. Le rôle de cette structure est de faire la connexion entre l’information visuelle et l’action nécessaire pour faire le tri dans cette information issue de la vision, dirigeant le regard vers l’objet d’intérêt.
Cette nouvelle étude montre que des neurones dans cette région sont particulièrement doués pour détecter les visages et dire aux yeux de diriger le regard vers eux afin de les identifier. Cette première étape se passerait donc avant l’identification même du visage, qui nécessite que notre regard soit focalisé sur lui pour analyser ses particularités. Un peu comme la fonction d’identification automatique des visages dans les appareils photo, qui détecte les traits principaux qui constituent un visage (yeux, nez, bouche…) pour focaliser sur lui.
Cette étude, réalisée chez des macaques, montre que cette détection est extrêmement rapide: à peine 40 millisecondes (ms), moins de la moitié du temps dont ont besoin ces neurones pour reconnaître d’autres objets, tels que des fruits. Et aussi moins de la moitié du temps nécessaire pour que la région du lobe temporal spécialisée dans l’identification des visages s’active (entre 80 et 100 ms). Cette détection très rapide des visages était davantage efficace pour reconnaître ceux de macaques que des visages humains, montrant que le cerveau se spécialise probablement pour détecter principalement des congénères.
Cette étape de détection serait nécessaire pour passer à l’identification des visages
Et non seulement la réponse de ces neurones du colliculus supérieur aux visages est beaucoup plus rapide que dans le lobe temporal, mais elle s’active aussi lorsque le visage en question est en périphérie de notre vision, alors que la partie qui identifie les visages nécessite qu‘ils soient placés au centre de notre vision. Et puisque le rôle du colliculus supérieur est de dire aux yeux où regarder, il est très probable que cette détection des visages dans la périphérie de la vision permette aux yeux de les regarder directement pour ensuite, pouvoir les identifier.
Ces deux lectures des visages par le cerveau seraient donc séquentielles et complémentaires, d’abord le détecter avant de l’identifier. La reconnaissance des visages se passerait donc en deux étapes, ce qui permettrait d’expliquer certains mystères encore irrésolus. Par exemple, on sait que les nouveau-nés regardent préférentiellement les visages, c’est-à-dire qu’ils les reconnaissent, alors que les zones du cerveau nécessaires à l’identification de ceux-ci ne sont même pas encore développées.
Les auteurs de cette étude ajoutent que cette découverte pourrait avoir des implications cruciales pour certaines conditions telles que l’autisme. Puisque le développement du cortex visuel dépend de l’expérience, il est possible que le développement des zones spécifiques pour l’identification des visages dépende aussi de notre capacité à détecter les visages, sans quoi on ne peut pas les regarder et donc les identifier.
Sachant à quel point la reconnaissance des visages est essentielle pour notre vie sociale, les auteurs proposent que ces neurones du colliculus supérieur puissent être impliqués dans l’émergence de certains troubles qui affectent les interactions sociales, tels que les troubles du spectre autistique. “Nous pensons que ce circuit de détection des visages peut guider le développement des processus cérébraux plus avancés pour la reconnaissance des visages, explique dans un communiqué Richard Krauzlis, auteur de l’étude. Si c’est le cas, des défauts dans cette préférence pour les visages du colliculus supérieur pourraient jouer un rôle dans l’autisme.”
Il s’agit pour l’instant uniquement d’une hypothèse, mais si elle était avérée, elle changerait radicalement notre vision des troubles autistiques, nous donnant peut-être même de nouveaux outils pour les traiter.
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