
Africa-Press – Djibouti. « Il est essentiel que l’IA soit mise au service du progrès, de la croissance économique et du développement de Djibouti »
Pour nous éclairer sur le récent sommet sur l’intelligence artificielle qui a eu lieu en France auquel Djibouti a pris part avec la participation du Premier ministre, nous avons interviewé Dr Houssein Assoweh, Directeur du Centre de Recherche en Mathématiques et Numérique de l’Université de Djibouti. Il nous explique les tenants et aboutissants de ce sommet, lequel marque un tournant pour l’Afrique, car il souligne que notre continent ne doit pas être un simple consommateur des innovations technologiques mondiales, mais un acteur à part entière dans le développement et l’adoption de l’IA.
La Nation: Monsieur Houssein Ahmed Assoweh, une délagation de haut niveau conduite par le premier ministre de la république de Djibouti a récemment participé au Sommet de l’Action sur l’Intelligence Artificielle à Paris. Cela montre l’importance que Djibouti accorde à cette nouvelle technologie émergente et pleine de défis et d’opportunités pour les pays africains. En tant qu’expert en IA et directeur du Centre de Recherche en Mathématiques et Numérique, quelle est votre analyse de ce sommet et de l’importance de l’IA pour l’Afrique ?
Dr Houssein Ahmed Assoweh: Ce sommet marque un tournant pour l’Afrique, car il souligne que notre continent ne doit pas être un simple consommateur des innovations technologiques mondiales, mais un acteur à part entière dans le développement et l’adoption de l’IA. L’intelligence artificielle représente une opportunité stratégique pour l’Afrique et pour Djibouti en particulier. Elle peut transformer nos économies, améliorer nos services publics et renforcer notre souveraineté numérique.
Dans un pays comme Djibouti, où les défis économiques et environnementaux sont nombreux, l’IA peut être un catalyseur de croissance dans des secteurs clés comme l’agriculture intelligente, la santé, la gestion des ressources en eau et la logistique, qui est au cœur de notre positionnement stratégique.
Vous évoquez l’importance de l’IA pour le développement économique et social de Djibouti. Quelle est la stratégie du pays en matière d’intelligence artificielle ?
A l’instar des autres pays africains, Djibouti doit élaborer sa propre Stratégie Nationale de l’IA, qui vise à intégrer cette technologie dans plusieurs secteurs prioritaires pour accélérer notre développement. Cette stratégie doit reposer sur plusieurs piliers essentiels au développement de notre pays:
La santé: L’IA peut révolutionner le diagnostic médical, améliorer la gestion des épidémies et renforcer notre système de santé en optimisant les ressources et les soins aux patients.
L’énergie: Grâce à l’IA, nous pouvons mieux exploiter les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire et éolienne, et optimiser leur distribution pour assurer une alimentation électrique plus stable et durable.
L’agriculture et l’eau: Djibouti étant un pays aride, l’IA peut nous aider à améliorer l’irrigation, prévoir les rendements agricoles et optimiser l’utilisation des ressources en eau grâce à des modèles prédictifs.
La logistique et le transport: En tant que hub stratégique, Djibouti peut tirer parti de l’IA pour optimiser le transport maritime, la gestion portuaire et la chaîne logistique.
La transformation numérique: L’IA jouera un rôle clé dans la numérisation des archives nationales, de nos langues et cultures locales et la digitalisation de l’administration publique, facilitant l’accès aux services et renforçant l’efficacité des institutions.
Vous dirigez actuellement le Centre de Recherche en Mathématiques et Numérique de l’Université de Djibouti. Quels sont les projets en cours pour soutenir cette ambition ?
Récemment, le président de l’université de Djibouti a créé un nouveau laboratoire de recherche en intelligence artificielle rattaché au sein de notre centre. Ce laboratoire regroupe des chercheurs en informatique, en statistiques, en mathématiques appliquées et en IA. Ses travaux de recherche se concentreront sur plusieurs domaines stratégiques:
La modélisation du climat, afin d’anticiper les changements environnementaux et améliorer la gestion des ressources naturelles et prévenir les catastrophes naturelles telles que les inondations , les cyclones et les tempêtes.
L’analyse des épidémies et des maladies, en exploitant les données de santé pour améliorer les stratégies de prévention et de traitement.
L’optimisation énergétique, pour mieux exploiter le potentiel des énergies renouvelables.
L’agriculture intelligente, avec des systèmes basés sur l’IA pour surveiller les cultures et améliorer la productivité agricole.
Les solutions logistiques et de transport, notamment pour améliorer l’efficacité des ports et du réseau de transport.
Notre objectif est de positionner Djibouti comme un acteur clé de l’innovation en IA en Afrique de l’Est et de développer des solutions adaptées à nos réalités locales.
« L’Afrique ne doit pas être spectatrice, mais actrice de la révolution de l’intelligence artificielle »
Une telle ambition nécessite une implication forte du secteur public et des agences gouvernementales. Comment Djibouti compte-t-il structurer cette stratégie nationale ?
L’IA ne peut être un projet isolé: elle doit être intégrée à tous les niveaux du gouvernement et des institutions publiques. C’est pourquoi nous préconisons une approche intersectorielle, impliquant tous les ministères et agences gouvernementales.
Il est essentiel que l’IA soit mise au service du progrès, de la croissance économique et du développement de Djibouti, en alignement avec la Vision 2035 du pays.
L’un des enjeux de l’IA est aussi la formation et la montée en compétences. Comment Djibouti prépare-t-il sa jeunesse à ces transformations ?
La formation est un pilier essentiel de toute stratégie de développement de l’IA. Nous devons préparer nos jeunes à maîtriser ces technologies et à devenir des acteurs de l’innovation.
À l’Université de Djibouti, il existe plusieurs filières de formation en informatique ainsi qu’un nouveau cycle d’ingénierie en informatique. Dans le cadre du projet CEALT, plusieurs cohortes d’étudiants ont suivi aussi un master en Data Sciences qui a formé des datascientistes et des spécialistes de l’IA. Il est prévu dans la nouvelle filière de génie informatique de la Faculté d’ingénierie des spécialisations en Intelligence artificielle et en cybersecurité. Djibouti dispose les talents et les ressources humaines nécessaires pour tirer pleinement parti de l’IA et devenir un centre d’excellence dans ce domaine.
Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser aux partenaires et investisseurs potentiels intéressés par l’IA en Afrique et à Djibouti ?
Mon message est clair: l’Afrique ne doit pas être spectatrice, mais actrice de la révolution de l’intelligence artificielle. Djibouti est prêt à jouer un rôle clé en intégrant l’IA dans ses stratégies de développement. Nous appelons nos partenaires à investir dans la recherche, la formation et le développement de solutions innovantes adaptées à nos besoins. L’intelligence artificielle est une opportunité à saisir pour construire un avenir plus intelligent, durable et inclusif. Djibouti est prêt à relever ce défi avec ambition et détermination.
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