Africa-Press – Djibouti. Vingt-cinq ans après avoir accueilli la Conférence de réconciliation somalienne, la ville d’Arta a renoué avec son destin de symbole et d’histoire. Jeudi 30 octobre, le Président de la République, Ismaïl Omar Guelleh, a inauguré le Mémorial de la Paix, un édifice qui célèbre le quart de siècle écoulé depuis cet événement fondateur pour la Somalie et pour toute la Corne de l’Afrique. À travers cette cérémonie solennelle, Djibouti a rendu hommage à une initiative diplomatique qui, en 2000, avait su transformer le désespoir en dialogue et la division en espoir partagé.
L’atmosphère d’Arta, ce jour-là, respirait la mémoire et la gratitude. Drapeaux hissés, chants patriotiques et accueil populaire ont accompagné l’arrivée du Président de la République, entouré de la Première Dame Kadra Mahamoud Haïd, du Premier ministre Abdoulkader Kamil Mohamed, du Président de l’Assemblée nationale Dileita Mohamed Dileita, ainsi que de nombreux membres du gouvernement. À ses côtés, le Président de la République fédérale de Somalie, Hassan Sheikh Mahamoud, effectuait une visite empreinte d’émotion dans cette ville qui, un quart de siècle plus tôt, avait vu renaître l’État somalien.
Les hymnes nationaux des deux pays ont ouvert la cérémonie avant que les deux Chefs d’État ne dévoilent la flamme symbolique du Mémorial. Sobre et majestueux, construit sur les hauteurs d’Arta, l’édifice s’ouvre sur une large esplanade surplombant la vallée. En son centre, une flamme de bronze perpétue le souvenir du dialogue et de la réconciliation, tandis qu’une salle d’exposition retrace les étapes du processus d’Arta à travers documents, images et témoignages. L’ensemble est un lieu de mémoire, mais aussi un espace d’éducation et de transmission destiné aux générations futures.
Arta 2000: la diplomatie djiboutienne au service de la paix
En 2000, la Somalie était ravagée par la guerre civile et l’effondrement total de l’État. Peu nombreux étaient ceux qui croyaient encore en la possibilité d’un dialogue national. Pourtant, sous l’impulsion du Président Ismaïl Omar Guelleh, Djibouti avait choisi d’offrir sa neutralité, son hospitalité et son expérience du consensus pour tenter de sortir le pays frère du chaos. C’est dans cette optique qu’Arta devint le théâtre d’une conférence inédite, inclusive et profondément humaine.
Pendant plusieurs mois, représentants des clans, membres de la société civile, femmes, jeunes et figures religieuses somaliennes avaient dialogué dans cette petite ville des hauteurs djiboutiennes. L’objectif était clair: redonner aux Somaliens la maîtrise de leur destin. « À l’époque, la Somalie était en feu. Beaucoup pensaient que cette conférence n’aboutirait jamais. Mais le Président Guelleh a refusé cette idée de fatalité », se souvient un journaliste djiboutien ayant couvert l’événement.
De ces longues négociations naquit, à Arta, une nouvelle autorité centrale, qui posa les bases de la Troisième République somalienne. Le Parlement formé à cette occasion élut Abdikassim Salad Hassan comme président, marquant ainsi la fin de près de vingt années de vacance institutionnelle. L’arrivée triomphale des nouvelles autorités à Mogadiscio, saluée par des foules immenses, symbolisa la renaissance de l’État somalien. La conférence d’Arta devint alors le modèle d’un dialogue intersomalien réussi, fondé sur la neutralité, le respect et la participation de toutes les composantes nationales.
Cet élan de solidarité dépassa la seule sphère politique.
À Djibouti, les artistes s’en emparèrent avec ferveur. La troupe Degaan, célèbre pour ses chants traditionnels, composa le morceau “Somaliyey Toos”, devenu un véritable hymne de la réconciliation. D’autres ensembles, comme Harbi, Gacan Macan et 4 Mars, mirent également leur art au service de la paix, prouvant que la culture pouvait être une arme puissante contre la guerre et la division.
Une commémoration empreinte d’histoire et tournée vers l’avenir
Vingt-cinq ans plus tard, la Somalie, tout en affrontant encore des défis de gouvernance et de sécurité, a retrouvé une place stable dans le concert des nations. Le pays assume désormais son destin souverain, fort d’institutions légitimes et de relations consolidées avec ses partenaires régionaux. Pour Djibouti, le succès d’Arta reste une source de fierté et un modèle diplomatique fondé sur l’écoute, la proximité et la confiance.
Dans son discours prononcé à l’occasion de la cérémonie, le Président Ismaïl Omar Guelleh a rappelé que la célébration du 25e anniversaire de la Conférence d’Arta ne visait pas à glorifier Djibouti, mais à réaffirmer l’efficacité d’un modèle africain de médiation inclusive. « L’intérêt lié à l’organisation d’un tel événement réside dans sa vocation à servir de repère fiable pour la résolution des différends et litiges dans notre région », a-t-il déclaré devant les dirigeants africains, les représentants d’organisations internationales et les membres du corps diplomatique présents à Arta. Le Chef de l’État a exprimé son souhait de voir le Mémorial se transformer en un Institut régional de paix. Ce futur espace, a-t-il souligné, sera dédié à la recherche, à la formation et au dialogue politique, afin de « façonner les consciences sur le chemin de la paix » et de renforcer les capacités locales.
« La création d’un tel institut, a ajouté le Président Guelleh, permettra de doter notre région d’une génération de leaders, d’universitaires et de médiateurs capables de relever les défis contemporains grâce à des stratégies fondées sur des données probantes et contextualisées. »
Cette vision a été saluée par l’ensemble des partenaires régionaux présents. Le Président de la Commission de l’Union africaine, le Secrétaire exécutif de l’IGAD et le représentant du Secrétaire général des Nations Unies ont tour à tour pris la parole pour souligner la contribution exceptionnelle de Djibouti à la stabilité régionale. Tous ont insisté sur la pertinence du modèle d’Arta, qui reste, un quart de siècle plus tard, une référence en matière de résolution de conflit en Afrique.
Un hommage partagé entre mémoire et reconnaissance
Le moment le plus émouvant de la cérémonie fut sans doute le discours du Président somalien, Hassan Sheikh Mahamoud, de retour à Arta vingt-cinq ans après y avoir lui-même participé comme délégué. Visiblement ému, il a exprimé sa gratitude envers le peuple djiboutien et son président pour leur engagement constant en faveur de la paix en Somalie. « Cette commémoration revêt pour moi une signification toute particulière, car j’ai eu l’honneur de prendre part à la Conférence d’Arta en 2000 », a-t-il confié.
Le Chef de l’État somalien a rappelé les efforts déployés par Djibouti depuis plus de deux décennies, citant notamment l’engagement des forces djiboutiennes au sein du bataillon Hiil Waalal de la Mission de l’Union africaine en Somalie. Il a également rendu hommage aux figures somaliennes disparues qui avaient contribué au succès de la Conférence d’Arta et salué la continuité d’un engagement diplomatique initié dès le président Hassan Gouled Aptidon. « La ville d’Arta incarne une page glorieuse de notre histoire nationale », a-t-il ajouté. « Les efforts de Djibouti ne se sont pas limités à la Conférence d’Arta ; ils se sont prolongés à travers un soutien constant, marqué par le sang et le sacrifice de ses fils. »
La cérémonie a rassemblé, outre les deux Chefs d’État, d’éminentes personnalités régionales: le président de la Commission de l’Union africaine, Mahamoud Ali Youssouf, le Secrétaire exécutif de l’IGAD, Workneh Gebeyehu, et le représentant de la Ligue des États arabes, Maxnad Laajousi. Leur présence a souligné la dimension panafricaine et interarabe de cette commémoration, inscrivant Arta comme un jalon essentiel du dialogue entre civilisations et du partenariat Sud-Sud.
Le Mémorial de la Paix: un symbole vivant de fraternité
Le Mémorial inauguré à Arta n’est pas un simple monument commémoratif. Il se veut un lieu de rencontre, de recherche et de transmission. Ses différentes salles retracent, avec précision, les étapes de la guerre et du processus de réconciliation somalien. Une salle de présentation expose les principaux événements historiques, tandis qu’un espace immersif interactif permet aux visiteurs de revivre les moments forts du processus de paix. Un mur d’honneur est dédié aux personnalités djiboutiennes, somaliennes et internationales ayant contribué au succès d’Arta. Cette architecture de mémoire s’inscrit dans la continuité du message présidentiel: transformer le souvenir en action, et la commémoration en moteur de paix. Pour le Président Ismaïl Omar Guelleh, « la paix n’est jamais acquise, elle se construit jour après jour ». Le Mémorial de la Paix d’Arta, au-delà de sa valeur symbolique, représente donc un engagement collectif pour que la réconciliation reste vivante dans les esprits et dans les institutions.
La célébration du 25e anniversaire de la Conférence d’Arta fut ainsi bien plus qu’un hommage au passé. Elle a ravivé un héritage diplomatique unique, né de la solidarité, de la foi et du courage politique. En inscrivant Arta au cœur de la mémoire régionale, Djibouti réaffirme son rôle de phare du dialogue et du consensus dans une région encore marquée par les fractures.
Vingt-cinq ans après, les collines d’Arta continuent de porter le souffle d’un message universel: celui d’un petit pays qui, par sa volonté et sa conviction, a su redonner espoir à tout un peuple. Et ce message, aujourd’hui gravé dans la pierre du Mémorial, résonne plus que jamais comme une promesse — celle d’une paix durable, bâtie sur la mémoire, la fraternité et la foi dans l’avenir.
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