Avant la roue, le travois : découverte en Amérique des plus anciennes traces de traîneaux

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Avant la roue, le travois : découverte en Amérique des plus anciennes traces de traîneaux
Avant la roue, le travois : découverte en Amérique des plus anciennes traces de traîneaux

Africa-Press – Djibouti. Décidément, le parc national de White Sands, aux Etats-Unis, est un lieu phare pour l’histoire du peuplement de l’Amérique. Dans ce paysage aujourd’hui désertique ont en effet été mises au jour des empreintes de pas datant pour les plus anciennes d’environ 23.000 ans – soit du dernier âge glaciaire –, reculant la présence humaine sur le continent de plusieurs milliers d’années.

Mais ce n’est pas la seule particularité du site, annoncent les chercheurs à l’origine de ces datations: d’autres traces, linéaires cette fois, sont associées à ces empreintes humaines. Et elles pourraient correspondre à un moyen de transport, rudimentaire mais particulièrement ingénieux, adopté par les communautés autochtones: le travois. Ce serait alors la preuve la plus ancienne de l’utilisation d’un véhicule par les humains, bien avant l’invention de la roue !

Avant la roue, le travois: découverte en Amérique des plus anciennes traces de traîneaux

Le parc national de White Sands au Nouveau-Mexique se compose essentiellement de deux éléments géologiques: un champ de dunes de gypse et une dépression (playa) en érosion qui correspond au lit d’un lac préhistorique. Sur les berges de ce lac, les archéogéologues ont détecté de multiples empreintes laissées dans la boue séchée, puis enfouies dans les sédiments, trahissant la présence de diverses espèces animales: mammouths et mastodontes, paresseux géants, canidés, félidés, bovidés, camélidés… et humains.

Des preuves de la présence des humains en Amérique au cours du dernier âge glaciaire

Comme Sciences et Avenir et La Recherche s’en sont fait l’écho, les chercheurs en charge des excavations sur le site, accompagnés des représentants des tribus autochtones de la région, ont dû s’y reprendre à plusieurs fois pour prouver l’âge des empreintes humaines mises au jour. Et si la découverte d’autres types de traces est potentiellement à même de confirmer l’effectivité de la présence humaine dans les couches stratigraphiques du dernier âge glaciaire, encore faut-il arriver à les interpréter.

Trois types de traces

C’est précisément l’objet de l’étude publiée dans la revue Quaternary Science Advances. Les chercheurs y indiquent avoir détecté trois types de traces. D’une part des rainures étroites, plus profondes que larges, qui tracent des lignes droites ou légèrement incurvées et sont associées à des empreintes humaines tronquées longitudinalement par le sillon. D’autres rectilignes, plus larges que profondes, tronquant parfois les empreintes humaines, mais d’un côté seulement. Les dernières consistent en deux rainures parallèles et équidistantes de 250 à 350 mm, traçant des lignes légèrement incurvées, et associées à des empreintes humaines situées soit entre les rainures, soit sur les côtés.

Des empreintes d’adultes et d’enfants tout autour

Si la longueur de ces sillons est variable, certains peuvent atteindre jusqu’à 50 mètres. Les empreintes de pas qui y sont associées appartiennent aussi bien à des adultes qu’à des enfants ; pour ces dernières, leurs dimensions permettent de déduire des âges autour de 4 et 11 ans. Quant aux empreintes d’animaux, elles n’apparaissent pas dans les mêmes zones que les lignes tracées dans le sol.

Ces tracés n’ont pu être faits par des animaux

Pour expliquer la présence de ces tracés, les chercheurs examinent plusieurs explications envisageables. Ils éliminent assez facilement la possibilité qu’ils aient pu être réalisés par des animaux: des mammouths qui auraient pu traîner des branches d’arbres par exemple, ou bien des castors – ces animaux étant capables de déplacer des arbres entiers en les faisant dériver sur l’eau. Mais en l’absence de traces du passage de ces espèces autour des lignes, il faut éliminer cette première hypothèse.

Témoignent-ils de la présence d’embarcations ?

Il ne peut pas non plus s’agir de débris rejetés sur le rivage du paléolac, car ils se trouveraient alors au-dessus des sédiments lacustres et non en leur sein, comme c’est le cas des lignes observées.

Ces tracés correspondent-ils alors à des sillons creusés par des quilles de bateaux ? Les populations autochtones ont construit de nombreux types d’embarcations en matériaux organiques (flotteurs, radeaux, canoës, pirogues, en végétaux ou recouverts de peaux d’animaux), même si le site ne compte aucun spécimen conservé. Toutefois, objectent les chercheurs, les fonds de ces bateaux étaient le plus souvent plats ou trop larges pour correspondre aux traces relevées.

Des branches de bois ?

Autre piste: les observations ethnographiques montrent que les enfants participent souvent, dans les communautés indigènes, à la collecte du bois de chauffage. Les traces rectilignes du premier type pourraient correspondre à cette pratique, même si, dans ce cas, les empreintes de pas devraient être plus obliques, car le corps a tendance à se tourner lorsqu’on traîne à bout de bras un objet lourd derrière soi.

L’expérience des peuples autochtones offre la solution

La dernière explication résulte alors des discussions menées avec les autochtones veillant sur le parc national de White Sands, qui ont participé aux recherches archéologiques. « Sur la base de leurs propres expériences et de leurs traditions orales, ils suggèrent que l’explication la plus probable est que les marques linéaires ont été faites par une forme de travois », rapportent ainsi les auteurs. Il s’agit d’un mode de transport des plus simples, précédant la brouette ou la charrette à bras, et qui correspond surtout au mode de vie nomade des autochtones des Grandes Plaines de l’Amérique du Nord.

Une forme en X et une forme en A

« Ils étaient généralement constitués de deux perches reliées à un cadre en forme de A, avec une connexion sous forme de barres ou d’un panier en forme de filet pour transporter des charges lourdes ou encombrantes », décrivent les chercheurs. Les différences entre les tracés indiquent cependant l’existence de deux types de construction: un type en A, mais aussi un type en forme de X, où les perches se croisent au milieu. Tirée par un cheval et parfois par un chien, cette construction ingénieuse permettait de déplacer l’ensemble d’un tipi, les enfants et les femmes âgées pouvant en outre prendre place dans le panier central. Les travois étaient aussi utilisés pour transporter du bois, ou de la viande au cours de la chasse.

Une traction exclusivement humaine

Comme aucune empreinte animale n’est décelable autour des tracés linéaires de White Sands, les chercheurs en déduisent que la traction était humaine. Pour cette raison, ils n’excluent pas que certaines marques correspondent au déplacement de morceaux de bois pour le chauffage, ou bien de mâts de tentes, mais pour ce qui est des rainures parallèles, elles « ont probablement été produites par un travois improvisé traîné par des personnes », concluent-ils. Les empreintes de pas plus petites indiqueraient que des groupes d’enfants suivaient ou marchaient à côté des adultes qui tiraient le travois.

Les plus anciennes traces de véhicule, bien avant la roue

Dans la mesure où elles se trouvent précisément sur des surfaces datées d’il y a environ 22.000 ans, ces traces constitueraient « les plus anciennes preuves connues de transport véhiculé », précédant de plusieurs millénaires les engins dotés de roues, puisque les plus anciennes traces de roue identifiées ne datent que du Néolithique.

Et quand bien même elles ne remonteraient pas à un âge aussi reculé, ajoutent les auteurs – puisque les datations extrêmes obtenues à White Sands continuent d’être contestées par certains chercheurs –, « quel que soit leur âge, elles témoignent de pratiques indigènes traditionnelles anciennes ». Ces traces sont en effet le seul témoignage pouvant subsister des premières formes de véhicules fabriqués en bois, dont le matériau s’est décomposé au fil du temps.

Quel que soit leur âge, elles témoignent donc de l’intelligence des peuples autochtones du continent américain, qui restent les premiers gardiens de White Sands et de son passé.

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