Africa-Press – Djibouti. De magnifiques peintures en relief représentant les constellations du zodiaque ont été mises au jour au cours de la restauration du temple d’Esna, à 60 kilomètres au sud de Louxor, en Égypte. Ces rares motifs témoignent non seulement de l’influence de l’astrologie babylonienne sur les Égyptiens de l’époque gréco-romaine (environ 332 avant notre ère – 350 de notre ère), mais également de la magnificence de ce bâtiment qui, à l’époque, n’était “qu’un temple parmi d’autres”, comme l’explique à Sciences et Avenir l’égyptologue Christian Leitz, de l’université de Tübingen (Allemagne). Avec Hisham El-Leithy, du ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités, il dirige l’équipe de recherche germano-égyptienne qui mène à bien le “Projet Esna” depuis cinq ans.
Les constellations du zodiaque ornent la voûte astronomique du temple d’Esna, en Égypte
Certes, pour Christian Leitz, Esna n’était il y a 2000 ans qu’un temple parmi d’autres, mais quelle splendeur ! Et pourtant, il faut d’emblée préciser que le bâtiment de grès que l’on dénomme aujourd’hui “temple d’Esna” n’est pas le temple originel à proprement parler – car il a été détruit à l’époque médiévale –, mais le seul vestibule (ou pronaos) de l’ancien sanctuaire. Il s’agit d’un bâtiment qui a été construit juste devant le temple sous le règne de l’empereur romain Tibère (14-37 de notre ère) ou au plus tard sous celui de Claude (41-54 de notre ère), les travaux de décoration ayant perduré jusqu’au 3e siècle, sous le règne de Trajan Dèce (249-251 de notre ère). Mais il n’est pas étonnant que cette salle hypostyle représentative de l’architecture égyptienne tardive se soit imposée par rapport au temple originel : longue de 37 mètres, large de 20 et haute de 15 mètres, elle repose sur 24 colonnes entièrement décorées, jusqu’aux chapiteaux présentant chacun des motifs différents.
Les décorations ont été préservées sous une couche de poussière, de suie et d’excréments d’animaux
Alors que la plus grande part des temples de l’ancienne Égypte ont été détruits pour en extraire des matériaux de construction, le pronaos d’Esna a subsisté sous la forme d’un entrepôt de coton, tout en restant en partie enterré sous un amas de sable et de débris. C’est une chance, en quelque sorte, car les dépôts résultant de cette activité – de la poussière, de la suie et des excréments d’animaux, principalement –, ont créé comme une couche protectrice qui a préservé les décorations originelles ornant l’intérieur du temple. C’est cette couche que l’équipe de restauration égyptienne sous la direction d’Ahmed Emam est en train de retirer avec la plus grande minutie, dévoilant des peintures et des inscriptions complètement inconnues.
Il faut d’abord nettoyer avant de tout photographier
Comme le rappelle un communiqué de l’université de Tübingen, le premier archéologue à s’être consacré à l’étude du temple fut le Français Serge Sauneron (1927-1976), alors directeur de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire (Ifao). Il s’est attaché à retranscrire les inscriptions qui parsèment les parois et les colonnes de ce monument dédié au seigneur d’Esna, le dieu-bélier Khnoum qui façonne tous les êtres vivants, à son épouse Menhit, et aux divinités Neith (qui donne naissance à la création) et Noun (l’eau primitive).
Et voilà que sa tâche, interrompue par son décès accidentel, vient s’accomplir, après une longue interruption, grâce à la mission de restauration du “projet Esna” menée depuis 2017 par une équipe germano-égyptienne. L’ambition est en effet de parachever le travail de Sauneron, en finissant de relever les inscriptions – car de nouveaux textes sont apparus sous la poussière –, de nettoyer la totalité des surfaces du temple, de remettre au jour les décorations dans leurs couleurs originelles et de réaliser une documentation photographique systématique de ces découvertes afin d’en conserver la trace.
Le temple était une représentation du cosmos
L’équipe de restauration dispose de moyens qui pourraient sembler rudimentaires pour mettre au jour les décorations et surtout leurs couleurs d’origine : “De l’alcool, de l’eau distillée, du papier absorbant, des brosses et des pinceaux”, évoque Christian Leitz. Mais le résultat est spectaculaire. Les colonnes et une partie du plafond astronomique avaient déjà été nettoyées au cours de précédentes campagnes, dévoilant des scènes d’offrandes destinées aux divinités locales, mais aussi aux empereurs romains – qui s’attribuent les titres d’”autokrator” et de “kaisaros”, comme en témoigne un cartouche. Et voici que le plafond laisse aujourd’hui apparaître des motifs tout à fait extraordinaires pour un lieu de culte de l’Égypte ancienne : un zodiaque complet !
Ailleurs, ce sont les planètes : Jupiter, Saturne et Mars, mais aussi des étoiles et des constellations qui servaient de repères pour mesurer le temps. Car “le temple était une représentation du cosmos”, nous apprend Christian Leitz, ce qui signifie que “le plafond correspondait au ciel de jour et de nuit, et que tous les objets célestes y sont représentés : le Soleil, la Lune, les planètes et les étoiles”. On y voit les constellations d’Orion ou de la Grande Ourse, la barque solaire, et les différentes phases de la Lune représentées sous la forme de l’œil wedjat.
La représentation du zodiaque est très rare dans les lieux de culte égyptiens
Mais, comme l’explique le chercheur allemand, le zodiaque, qui fait partie de l’astronomie babylonienne, est non seulement très rare en Égypte, mais il n’apparaît qu’à l’époque ptolémaïque sous l’influence des Grecs. “À l’époque romaine, il était donc répandu depuis longtemps”, nous confie-t-il. Cependant, on l’utilisait surtout pour décorer les sépultures et les sarcophages, dans le cadre privé, mais bien plus rarement dans le cadre public des temples. Les deux seuls autres zodiaques complets qui aient traversé les siècles se trouvaient à Denderah. Celui qui a été rapporté lors de la campagne d’Égypte est aujourd’hui exposé au musée du Louvre, à Paris, et les autorités égyptiennes en demandent d’ailleurs la restitution.
Des animaux fabuleux
La restauration a également permis de mettre au jour d’autres motifs qui ornaient le plafond du pronaos d’Esna, des animaux en particulier : serpents ou crocodiles, mais aussi des créatures hybrides, comme un serpent à tête de bélier ou un oiseau avec quatre ailes, agrémenté d’une queue en forme de serpent et d’une tête de crocodile. Un bestiaire fantastique, dont “on ne connaît toutefois pas la signification”, nous confie Christian Leitz.
Après la restauration, il faudra préserver ces fragiles décors
Le “projet Esna” n’est pas encore achevé. D’autres campagnes seront nécessaires afin de poursuivre le nettoyage du temple. Mais toute restauration a son revers ; ainsi, en ôtant les couches de saleté jusqu’alors protectrices, les conservateurs prennent également le risque d’exposer les peintures à de nouveaux dangers. Leurs analyses, réalisées sous la direction du conservateur en chef Ahmed Emam, ont révélé que le principal problème émanait du taux d’humidité élevé, qui provoquait un déplacement du sel depuis l’intérieur des blocs de pierre vers la surface.
Conséquence : des efflorescences de cristaux de sel peuvent s’accumuler sur les parois et provoquer leur écaillement ou bien altérer les couleurs des reliefs peints. Par mesure de précaution, une isolation du toit a donc été réalisée pour ne pas mettre en péril le plafond. À peine révélés, le zodiaque d’Esna, et tous les motifs célestes décorant la voûte du temple de Khnoum devraient donc désormais supporter d’être exposés en pleine lumière.
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