Africa-Press – Djibouti. Du 1500 mètres en athlétisme aux 42,195 kilomètres du marathon, il existe tout un éventail de distances de courses pour qui veut se frotter à la discipline. Mais l’humain est-il vraiment fait pour courir aussi longtemps et sur de telles distances ?
Dans le monde animal, il semble être une exception. Si certains animaux sont les rois du sprint, à l’image du guépard qui peut atteindre 110 km/h, l’Homme semble être celui capable de courir le plus longtemps sans s’arrêter.
En effet, nous possédons des muscles locomoteurs humains principalement constitués de fibres résistantes à la fatigue, ce qui, associé à la capacité de transpirer la chaleur métabolique générée par un effort prolongé, est unique parmi les mammifères.
Mais pourquoi serions-nous les seuls sur Terre à avoir cette capacité ? En 1984, le biologiste David Carrier propose une hypothèse: nous aurions acquis cette capacité il y a bien longtemps, en chassant des proies. Les traits physiologiques nécessaires à cet effort seraient apparus il y a environ 2 millions d’années, chez les Homo.
Jusque-là, deux oppositions venaient contredire cette thèse. D’une part, la chasse était jugée trop coûteuse d’un point de vue énergétique et il y avait trop peu d’exemples ethnographiques qui soutenaient l’hypothèse.
Courir demande plus d’effort que marcher. D’un point de vue du coût et des bénéfices, courir serait trop énergivore pour que le jeu en vaille la chandelle. Par ailleurs, si les chasseurs-cueilleurs d’aujourd’hui ne chassent pas en courant, c’est que cette pratique devait déjà être rare au Paléolitique.
L’animal peu à peu rattrapé
Cette fois, l’étude publiée dans Nature Human Behaviour invalide les deux points. En utilisant les données ethnohistoriques, les exemples très nombreux (près de 400 dans l’article) montrent qu’en raccourcissant la durée de chasse, ces surcoûts sont largement compensés.
La tactique principale consiste, au moment de la rencontre avec un animal de proie, à le poursuivre. L’animal commence par distancer les chasseurs puis fait une pause pour récupérer son énergie après s’être fatigué.
Les chasseurs se rapprochent alors progressivement, avant que l’animal ne fuit à nouveau. Un cycle sans cesse répété avant que l’animal soit épuisé et rattrapé par les chasseurs.
Dans certains cas, la poursuite de l’animal se fait en équipe, avec plusieurs membres qui se relaient. Une autre tactique consiste à envoyer un partenaire en haut d’une colline, capable d’indiquer au chasseur dans quelle direction partir, quels raccourcis prendre et s’économiser.
Dans ce jeu de données, les femmes participent à la chasse dans 3 à 4% des cas. Mais les auteurs insistent sur le fait que les femmes n’étaient pas de mauvaises coureuses pour autant. “Dans un nombre conséquent de cas, aux jeux et aux compétitions de course, les participants étaient des femmes”, expliquent-ils. Par ailleurs, plusieurs travaux récents montrent que la chasse n’était pas seulement l’apanage des hommes.
Un exemple unique ?
En comparant les vitesses de courses lors des jeux et lors de la chasse, les chercheurs ont mis en évidence que certaines conditions, comme la neige ou une chaleur élevée qui ralentissent l’animal, rendaient la chasse encore plus intéressante pour l’humain, puisque la proie se fatigue plus vite.
Quasi tous les exemples décrivent une course intermittente, entrecoupée de pause. “Nous supposons que le chasseur adopte une vitesse confortable et durable, peut-être optimale, mais les proies, elles, semblent être limitées à un cycle de sprint et de pauses motivé par la fuite”, explique à Sciences et Avenir le Pr Eugène Morin, chercheur en anthropologie à l’Université de Trent au Canada.
Si la course ne semble pas toujours être la tactique la plus rentable, les chercheurs insistent sur les pratiques ingénieuses qui entourent le simple acte de courir. “On peut penser que la traque sera longue avec une capture faite loin de l’habitat du chasseur-cueilleur, ce qui rendrait le transport de la carcasse peu pratique. Mais il ne faut pas sous-estimer la sagacité des chasseurs qui, en dirigeant leur proie, sont souvent capables de l’emmener vers un endroit choisi avant de la tuer.”
Peu d’exemples comparables existent dans le monde animal. On peut penser à certains félidés, comme les lions, qui courent après leurs proies avant de s’y attaquer. Mais leur technique s’apparentait plutôt à du sprint tandis que l’humain court de façon plus endurante. “Si les loups se rapprochent davantage de ce type de chasse, ça reste relativement unique dans le monde animal” précise le Pr Morin. Et il faut croire que l’exercice a plu à l’humain, qui, après s’en être servi pour subvenir à ses besoins, en a même fait un divertissement.
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