Africa-Press – Djibouti. En septembre 2025, l’Unicef publiait un rapport sur l’obésité infantile, signalant, pour la première fois de l’histoire, que le nombre d’enfants et d’adolescents souffrant d’obésité avait dépassé le nombre d’enfants et d’adolescents en insuffisance pondérale (état de maigreur).
Cette inversion de la tendance est due à la fois à une amélioration de l’accès à l’alimentation qui réduit la dénutrition, mais également à une transformation des habitudes alimentaires, favorisant des aliments riches en sucre, en sel, en matières grasses, en additifs et en conservateurs. Ces éléments favorisant le goût, la texture, l’apparence et la durée de conservation des aliments.
« Partout dans le monde, les repas traditionnels, à base d’aliments entiers et peu transformés, sont de plus en plus remplacés par des régimes alimentaires dominés par les aliments ultra-transformés », écrit Joan Matji, directeur Nutrition et Développement de l’enfant à l’Unicef dans l’introduction du rapport.
Quel effet des aliments ultra-transformés sur l’alimentation des enfants?
Dans quelle mesure peut-on attribuer la malnutrition aux aliments ultra-transformés et quelles en sont les conséquences sur la santé, la nutrition et le bien-être des enfants? C’est la question à laquelle ont voulu répondre les experts de l’Unicef par le biais de leur rapport.
Dans la poursuite de la série d’articles consacrée aux aliments ultra-transformés publiés en novembre 2025 dans la revue The Lancet, celle de l’Unicef se focalise cette fois sur les enfants, pour lesquels les études sont moins nombreuses, en synthétisant les revues systématiques et les méta-analyses sur le sujet.
« Les résultats scientifiques montrent que les aliments ultra-transformés contribuent à la malnutrition des enfants de deux manières. D’une part, ils augmentent le risque de surpoids et d’obésité car ils sont caloriques, appétissants et induisent une préférence à long terme chez les enfants. D’autre part, en se substituant à des aliments plus nutritifs et plus sains, ils créent des carences en micronutriments et nutriments essentiels, ce qui entraine des retards de croissance, comme le montrent des études récentes », explique à Sciences et Avenir Mauro Brero, conseiller en Nutrition et Développement de l’enfant à l’Unicef et co-auteur du rapport.
Une définition controversée
Les aliments ultra-transformés sont définis comme des produits formulés industriellement, composés principalement de substances chimiquement modifiées extraites d’aliments, ainsi que d’additifs et de conservateurs. Ces produits sont généralement riches en énergie et en sucres libres, en amidons raffinés, en sel et en graisses, avec de faibles taux de vitamines, de minéraux et de fibres alimentaires.
Mais cette définition ne fait pas consensus. Selon certains scientifiques, le terme d’aliments ultra-transformés manque de rigueur puisqu’il s’applique à la fois à des produits résultant de processus industriels complexes et à des produits composés d’ingrédients variés.
« Cette définition n’est pas parfaite, c’est vrai, il y a des zones grises dans l’identification des aliments ultra-transformés. Mais elle est suffisamment claire et opérationnelle pour créer une catégorie de produits distinctifs et les réglementer. Les effets nocifs de ces aliments sont solidement démontrés, nous avons assez de preuves pour commencer à agir sans attendre », rétorque Mauro Brero. « Cet argument, souvent porté par l’industrie des aliments ultra-transformés, vise à retarder les politiques réglementaires ».
« Plusieurs droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés »
Les conclusions du rapport indiquent également que les enfants et les adolescents sont de plus en plus exposés aux aliments ultra-transformés, et ce dès leur plus jeune âge. Dans de nombreux pays à revenu élevé, plus de la moitié des calories quotidiennes des enfants proviennent de ces aliments, et dans les pays à revenu faible et intermédiaire, ce ratio, moins marqué, augmente rapidement.
« Le marketing et la publicité ciblant les enfants sont particulièrement forts. Les boissons sucrées, comme le Coca-Cola, sont associées à une image positive, à de la joie », analyse Mauro Brero. Le rapport de l’Unicef démontre ainsi que les enfants et les adolescents constituent une population particulièrement vulnérable aux aliments ultra-transformés et ce, pour deux raisons. Premièrement, leur organisme est en plein développement et ils sont donc plus sensibles aux carences et aux perturbations métaboliques causées par ces aliments. Deuxièmement, ils sont plus sensibles aux stratégies marketing personnalisées et interactives et peinent à identifier les messages persuasifs.
« Plusieurs droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés: l’accès à une alimentation saine et de qualité, l’information sur les impacts de ces produits, la protection de leur vie privée et la non-discrimination, lorsque les publicités personnalisées exploitent leurs données personnelles », liste Mauro Brero.
L’Unicef appelle à l’action
L’Unicef, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), recommande finalement un ensemble de mesures juridiques et politiques à destination des gouvernements, de l’ONU, de la société civile et du monde académique afin de créer un environnement alimentaire sain pour les enfants.
En soulignant des coûts liés aux soins médicaux et à la perte de productivité, ils préconisent une réglementation du marketing, notamment un étiquetage simplifié et clair et une reformulation de certains aliments. L’accent est également mis sur la protection de l’allaitement maternel et la définition de normes alimentaires dans le cadre scolaire. Enfin, une proposition de taxes alimentaires sur les aliments ultra-transformés est présentée, dans le but de développer des subventions pour les aliments sains.
« Ce n’est pas normal que les aliments bruts soient plus chers que les produits transformés. Il faut inverser cette tendance », conclut Mauro Brero.
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