Stratégie du Gabon Face à l’Absence des Accusés

1
Stratégie du Gabon Face à l'Absence des Accusés
Stratégie du Gabon Face à l'Absence des Accusés

Africa-Press – Gabon. À quelques jours de l’ouverture à Libreville du procès contre Sylvia et Noureddin Bongo-Valentin, le Dr Emmanuel Thierry Koumba* souligne les défis juridiques et diplomatiques posés par l’absence annoncée de l’ancienne première dame du Gabon et de son fils. Dans cette tribune, l’enseignant, qui se présente comme un observateur de la vie publique, propose une stratégie rigoureuse fondée sur le droit gabonais, la coopération internationale (extradition, Interpol) et la transparence procédurale pour garantir la légitimité du jugement. Il insiste sur la nécessité d’éviter un «procès fantôme» en assurant la crédibilité de la justice gabonaise aux yeux du public et des partenaires étrangers.

Introduction

Le procès annoncé pour le 10 novembre à Libreville contre Sylvia BONGO et Noureddin BONGO pose un défi majeur à l’État gabonais: comment assurer la tenue et la légitimité d’un procès lorsque les principaux mis en cause ont déjà annoncé qu’ils ne se présenteront pas et que leurs avocats français et gabonais ne veulent pas assister? Ce contexte exige une stratégie rigoureuse tant sur le plan procédural national qu’international, pour éviter que la procédure ne soit vidée de sa substance.

Ma contribution en tant qu’enseignant au département de Droit et Sciences politiques à EM-Gabon, de Citoyen et d’Observateur de la vie publique.

1. Garantir la tenue du procès malgré l’absence des accusés

Pour que le procès ne soit pas déclaré nul pour cause d’absence, les autorités gabonaises doivent:

veiller à ce que la convocation des accusés soit régulière conformément au droit gabonais, permettant qu’ils soient jugés par défaut s’ils persistent à ne pas se présenter ;

mettre en œuvre les dispositions de la Convention de Tampere (Théorie de l’«aut dedere aut judicare») (principes internationaux de coopération judiciaire) et du droit national gabonais pour poursuivre «in contumace» si nécessaire. On sait que le Gabon applique ce principe d’«extrader ou juger» ;

documenter avec rigueur l’absence des accusés et avocats pour éviter que ceux-ci ne contestent la validité de la procédure en invoquant un défaut de présentation ;

organiser une assistance judiciaire adéquate: garantie des droits de défense (même en l’absence des parties), transparence, publicité de l’audience, pour éviter tout grief international sur la violation des droits de l’homme.

2. Demander l’extradition depuis le Royaume-Uni ou un autre pays de résidence

Si Sylvia BONGO ou Noureddin BONGO résident au Royaume-Uni ou dans un pays tiers, le Gabon peut:

vérifier l’existence ou non d’un traité d’extradition bilatéral entre le Gabon et ce pays: selon les données, le Gabon dispose de conventions avec la France (accord de 1963), mais avec le Royaume-Uni, la situation est plus incertaine ;

formuler une demande diplomatique d’extradition, fondée sur des infractions passibles d’au moins un an d’emprisonnement (condition fréquente des accords d’extradition) ;

justifier que les actes commis entrent dans le champ de la double incrimination (les faits au Gabon sont aussi pénalisés là-bas) et qu’il ne s’agit pas d’une «infraction politique» ;

collaborer avec les autorités judiciaires étrangères (via INTERPOL ou chaînes rogatoires) pour obtenir localisation, valeur probante et éventuelle arrestation ;

anticiper les arguments de refus (détention injuste, motifs politiques, prescription) et préparer une réponse juridique solide.

3. Gérer la dimension française (où leurs avocats interviennent)

Si les avocats français des accusés engagent des procédures ou contestent la validité du procès au Gabon depuis la France, le Gabon peut:

vérifier s’ils saisissent une juridiction française pour contester la compétence ou la régularité de la procédure gabonaise ; à ce titre, la France a listé le Gabon comme État avec lequel un traité d’extradition existe ;

veiller à la publicité de la procédure gabonaise et au respect des normes de droit international (droits de la défense, publicité des débats, etc.), afin de limiter tout argument d’irrégularité soulevé à l’étranger ;

envisager une communication judicieuse vers les partenaires internationaux pour mettre en lumière la légitimité de la procédure et dissiper toute impression d’arbitraire.

4. Attaquer les avocats gabonais qui ne veulent pas assister

Si les avocats gabonais des accusés refusent de participer à l’audience:

ils peuvent être sanctionnés selon le droit de la profession d’avocat au Gabon (manquement à l’obligation de défendre ou d’assister, peut-être engager des sanctions disciplinaires).

Le parquet ou le bâtonnier peut vérifier s’il y a violation des obligations professionnelles (absence injustifiée, obstruction à la justice).

La juridiction qui les a mandatés peut statuer sur les conséquences de leur absence (remplacement d’office, continuation de la procédure).

Il est toutefois crucial que toute sanction respecte le droit de l’avocat à la liberté de choix et évite tout grief de violation du droit à un avocat de son choix.

Conclusion

Pour que le procès du 11 novembre ne se transforme pas en «procès fantôme», les autorités gabonaises doivent combiner rigueur procédurale nationale, coopération internationale efficace (notamment en matière d’extradition), et gestion subtile des contestations externes (France, Royaume-Uni). En préparant soigneusement l’absence des accusés, en justifiant toute demande d’extradition et en maintenant la légitimité de la procédure, le Gabon peut espérer un jugement effectif. Sans cela, le risque est grand de voir la justice s’inscrire dans la répétition d’audiences sans substance, et de perdre aux yeux de l’opinion nationale et internationale la crédibilité du système.

*Docteur Emmanuel Thierry KOUMBA, Enseignant, Citoyen gabonais, Essayiste et Observateur de la vie publique

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here