Africa-Press – Gabon. Essentiellement composé d’universitaires, le CCN a des allures de think thank et pas d’une constituante, ses concepteurs ayant fait le pari de la technicité au détriment de l’engagement, jetant leur dévolu sur des personnalités «contrôlables».
Par communiqué n° 058 du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), un Comité constitutionnel national (CCN) a été mis en place afin de «procéder à la rédaction du projet de Constitution à soumettre, dans un délai d’un mois, au président de la Transition». Si son mandat semble clair, sa composition suscite des réserves et des interrogations. Sur quels critères ses membres ont-ils choisis ? Pourquoi fallait-il y inclure des ministres, déjà lourdement occupés ? Pourquoi ne pas avoir associé des représentants d’autres organes de la Transition (président, Parlement et Cour constitutionnelle) ? Comment comprendre ce recours à des universitaires inféodés au régime déchu, aux positions controversées ou à des personnalités à l’engagement citoyen inconnu ? Comment interpréter l’absence des défenseurs des droits humains et acteurs politiques, pourtant familiers de la critique de notre système politique et institutionnel ?
Méfiance
Sans nier les compétences ou savoirs supposés des uns ni minimiser le vécu des autres, ce comité aurait pu être plus inclusif. Il aurait pu refléter un peu mieux les dynamiques politiques et citoyennes de ces dernières années. Pour la pertinence des analyses, la richesse des échanges, certaines entités auraient dû être associées. Longtemps victimes des abus autorisés par la Constitution en vigueur jusqu’au 30 août, habitués à formuler des offres de réforme institutionnelle, des représentants de partis politiques ou de mouvements associatifs auraient sans doute apporté de la profondeur et du concret. Au lieu de faire appel à de pures théoriciens, souvent prêts à dire une chose et son contraire, il aurait été plus fécond de recourir à des praticiens, familiers du débat contradictoire. Au lieu de risquer la consanguinité avec des animateurs du Dialogue national inclusif (DNI), il aurait été plus opportun de s’ouvrir à d’autres intelligences. Surtout au regard du débat nauséabond suscité par les recommandations des sous-commissions «Régime et institutions politiques» et «Souveraineté nationale».
De par leurs prises de position, anciennes ou récentes, ou leurs états de service, de nombreux membres du CCN suscitent la méfiance. Or, pour dresser un «diagnostic précis de la situation institutionnelle», il faut des esprits libres et non des thuriféraires de la Cour constitutionnelle dissoute, fussent-ils universitaires. Pour «proposer des orientations appropriées en vue de conduire la nation vers une démocratie et un État de droit véritable», il faut des hommes pondérés, au verbe mesuré, et non des personnalités prêtes à reprendre la rhétorique de l’extrême-droite, sans se soucier des effets. Pour «définir les grands principes d’organisation de l’Etat et des pouvoirs publics», il faut des gens désintéressés et non des calculateurs ou des cyniques, dévorés par la volonté de plaire en vue de se faire une place au soleil. Si ces principes n’ont pas présidé à la désignation des bureaux des sous-commissions du DNI, ils auraient dû prévaloir dans la mise en place du CCN.
Des allures de think thank
Loi fondamentale d’un Etat, la Constitution définit les droits et libertés des citoyens. Censée prévenir les abus éventuels des détenteurs de l’autorité publique, elle organise l’équilibre et la séparation des pouvoirs. De même, elle précise l’articulation et le fonctionnement des institutions. Si sa rédaction nécessite de solides connaissances en droit et en légistique, elle est davantage un acte politique. De ce point de vue, le CCN aurait dû être composé de gens à l’engagement éprouvé. Ayant produit des rapports alternatifs sur la mise en œuvre du Pacte international sur les droits civils et politiques, ayant pris part à plusieurs sessions de l’Examen périodique universel (EPU) sur les droits humains, des entités comme la Dynamique des organisations de la société civile d’Afrique francophone, section Gabon (Oscaf/Gabon), le Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance (Rol-BG), le Réseau femme lève-toi (Reflet) et Brainforest y avaient toute leur place. De même, des partis comme l’Alliance progressiste (AP), le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) ou l’Union nationale (UN) auraient pu être invités à y expliciter leurs propositions, formulées durant la présidentielle d’août 2023.
Essentiellement composé d’universitaires, le CCN a des allures de think thank et pas d’une constituante. A trop vouloir tout contrôler, ses concepteurs ont fait le pari de la technicité au détriment de l’engagement, jetant leur dévolu sur des personnalités lisses ou «contrôlables». Pourtant, les conclusions des sous-commissions «Régime et institutions politiques» et «Souveraineté nationale» sont assez éloquentes: d’essence discriminatoire, elles montrent à quel point certains sont prêts à compromettre le vivre-ensemble pour assouvir leurs rêves de grandeur ou de rayonnement personnel. Fallait-il leur faire de nouveau confiance ? A chacun, selon ses objectifs.
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