Lendemains du Dialogue national inclusif : Face à leur foi

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Lendemains du Dialogue national inclusif : Face à leur foi
Lendemains du Dialogue national inclusif : Face à leur foi

Africa-Press – Gabon. Les ecclésiastiques n’ont pas su placer les débats sous le sceau des valeurs communes à l’ensemble des religions: amour du prochain, recherche de la vérité et, paix entre les hommes. Sauf à s’exposer à des déconvenues, ils seraient inspirés de mieux analyser leur positionnement pour la suite.

Le rapport final n’a pas encore été publié. Les comités en charge de la surveillance et du suivi-évaluation de la mise en œuvre des conclusions ne sont pas encore dans leurs meubles. Mais, on questionne le rôle des ecclésiastiques au Dialogue national inclusif (DNI). Malgré leur présence remarquée, ils n’ont pas su placer les débats sous le sceau des valeurs communes à l’ensemble des religions: amour du prochain, recherche de la vérité et, paix entre les hommes. Comme dépassés par l’enjeu, ils ont servi de caution aux adeptes de théories brumeuses, chantres de l’autoritarisme, hérauts du rejet de l’autre. Volontairement ou non, ils ont accompagné la banalisation d’une rhétorique douteuse, historiquement chargée et idéologiquement connotée. À la fin des fins, ils ont laissé prospérer un discours mêlant nativisme et ultra-nationalisme.

Mystère et boule de gomme

Même s’ils feignent de ne pas s’en rendre compte, leur crédibilité est en jeu. S’étant illustrée par des prises de position allant dans le sens de la défense de la dignité humaine, l’Église catholique avait regagné en estime. Ayant fait part de leur détermination à «mettre en pratique la volonté divine dans la gestion des affaires publiques», les églises charismatiques et du Réveil avaient suscité de l’espoir. S’étant engagé à «contribuer au même titre que ses (pairs) à ramener la paix et la cohésion nationale», le clergé musulman avait laissé croire à une nette évolution. Dans la perspective des élections d’août 2023, toutes les obédiences religieuses ou spirituelles, y compris les traditionnalistes, avaient envoyé des signaux d’ouverture, de justice et d’intégrité. Pourtant, nombre de recommandations du DNI vont à rebours de ces valeurs. Comment et pourquoi des hommes de foi ont-ils pu s’en accommoder ? Mystère et boule de gomme.

De par leur attitude, les ecclésiastiques déroutent et intriguent: l’inégalité des citoyens en droits et le distinguo entre «Gabonais de souche», «Gabonais de père et de mère», «Gabonais d’un seul parent» ou «binationaux» ne correspondent nullement au précepte biblique du «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Il ne correspond pas non plus aux enseignements du Coran, la piété y étant décrite comme la seule source de distinction entre les hommes. Certes, il n’a jamais été question de s’inspirer des livres saints pour réformer nos institutions ou régir notre société. Encore moins de construire une théocratie. Mais, la présence de nombreux ecclésiastiques au sein du bureau avait laissé penser à une volonté de bâtir une communauté de destin, fondée sur des notions comme la transparence, la tolérance et la responsabilité. Après tout, dans toutes les religions, le salut est individuel, accordé en fonction des actes et non de la naissance.

Liberté de conscience

Même si le débat sourdre à peine, nombre d’observateurs s’interrogent. Les ecclésiastiques avaient-ils si peu d’emprise sur les échanges ? Pourquoi les ont-ils laissé prendre une telle tonalité ? Comment comprennent-ils la recommandation relative à la suspension des partis ? N’y ont-ils pas vu une atteinte au droit à la liberté d’association et, par conséquent, une menace pour les églises charismatiques et du Réveil, souvent constituées sous le mode associatif ? Les offices religieux étant des réunions publiques, si les activités des partis sont suspendues, pourquoi les églises auraient-elles le droit de mener les leurs ? A l’évidence, ils ne se sont pas posés ces questions. Pourtant, la crise de la Covid-19 fut riche en enseignements: suite aux restrictions à la liberté de réunion, les offices religieux furent interdits, au point où l’Église catholique fut contrainte de sonner la révolte pour recouvrer le droit d’organiser des messes.

Dans le combat pour le respect des droits de l’homme, il y a la bataille pour la liberté de conscience, c’est-à-dire le droit de chacun à professer des valeurs, principes et opinions ou à pratiquer la religion et le culte de son choix. Si le DNI visait d’abord la réorganisation du jeu démocratique et de l’appareil d’État, il avait aussi pour objectif de consolider le vivre-ensemble par un élargissement de l’espace civique. De ce point de vue, les participants auraient dû être plus regardants sur certaines recommandations, notamment celles tendant à instaurer des discriminations ou à restreindre l’exercice des libertés fondamentales. Malheureusement, pour n’avoir pas le lien avec leurs propres activités, les ecclésiastiques ne l’ont pas compris. Sauf à s’exposer à des déconvenues ou au désamour, ils seraient inspirés de mieux analyser leur positionnement pour la suite du processus. En tout cas, ils sont face à leur foi.

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